Élue dans l’équipe type de la saison en D1 Arkema, l’attaquante jamaïcaine de Bordeaux Khadija Shaw a surtout terminé meilleure buteuse du championnat avec 22 réalisations. L’occasion de la présenter.
Elle a découvert le football dans la rue
Khadija Shaw a grandi à Spanish Town, une ville densément peuplée qui se situe à quelques encablures de la capitale Kingston. C’est là-bas qu’elle a découvert le football. Avec la rue comme principal terrain de jeu. Dans un long entretien accordée au magazine So Foot, la serial buteuse est revenue sur cette période de sa vie :
« En sport, la Jamaïque est surtout connue pour ses sprinteurs. Mais dans ma communauté, il n’y en avait pas. Il n’y avait que des enfants qui jouaient au foot dans la rue, avec deux pierres en guise de cage. Les gens se réunissaient, il y avait de la musique, cela me fascinait. Je me demandais : ‘Mais qu’est-ce que ce sport a de si spécial ? Il faut que j’essaye.' »
Elle a perdu quatre de ses frères alors qu’elle était partie aux Etats-Unis
Elle a rejoint les équipes nationales féminines en plein adolescence avant de devoir quitter le pays. Pour cause : la fédération avait interrompu tous ses programmes féminins. Shaw a alors une occasion rêvée de rejoindre les States. Elle y parfait ses gammes en NCAA (le championnat universitaire nord-américain) mais ne parvient pas à se faire une place dans le grand monde. En tout, elle n’aura disputé qu’un petit match avec l’équipe première de Floride.
« Quand je réussis quelque chose, je suis toujours heureuse, mais j’aimerai qu’ils puissent le voir »
Pendant son exil, elle a perdu quatre de ses frères – trois lors de violences liées à des guerres de gang et un dans un accident de voiture – ainsi que deux neveux. « Je ne pouvais pas me concentrer à l’école, j’y pensais tout le temps. Ma mère m’appelait constamment. Je disais à ma famille que je voulais rentrer à la maison, mais ils me disaient : ‘Non, tu dois rester ! Tu dois améliorer les choses pour toi et pour nous’. Alors je me suis dit : ‘OK, respire un bon coup.’ Le plus dur, c’est de savoir qu’ils ne sont plus là. Quand je réussis quelque chose, je suis toujours heureuse, mais j’aimerai qu’ils puissent le voir », a-t-elle confié au journal britannique The Guardian.
Elle est la meilleure buteuse de l’histoire de la Jamaïque
Avec 42 réalisations en seulement 30 sélections, Khadija Shaw possède un ratio à en faire pâlir les plus grandes attaquantes du monde. À titre de comparaison, Eugénie Le Sommer, qui est récemment devenue la meilleure buteuse des Bleues, en est à 86 unités en 173 matches. La Jamaïcaine est donc en tête du classement des buteuses dans son son pays, hommes et femmes confondus. Un record d’autant plus impressionnant quand on sait qu’elle n’a que 23 ans. Chez elle, ses performances ne sont pas passées inaperçues. Elles a reçu la distinction de l’Ordre au rang de Commandant de son pays. C’est la première fois qu’un joueur (ici au sens épicène) reçoit un tel prix.
On l’apelle « Bunny »
Khadija Shaw est régulièrement surnommée « Bunny shaw ». Ce surnom, qui signifie lapine lui a été attribué par l’un de ses frères quand elle était plus jeune. Pour la petite histoire, Shaw adorait manger des carottes. Sa mère lui préparait même des jus de carotte tous les dimanches. Alors un jour, son frère l’a spontanément appelée « Bunny Rabbit ». Tout le monde l’a imité et au fil des temps, le surnom a été raccourci en « Bunny ».
Elle a été meilleure buteuse des éliminatoires du Mondial 2019
Marquer des buts, c’est bien. Marquer des buts décisifs c’est mieux. Que dire lorsqu’ils permettent à tout un pays de se hisser en Coupe du monde ? Lors des qualifications pour le mondial en France, Shaw a frappé fort, très fort. 19 fois en 11 rencontres pour être précis. Elle s’est ainsi propulsée à la première marche du classement des scoreuses.
Une fois arrivée dans le tableau final, la Bordelaise n’est pas parvenue à faire trembler les filets. Mais quand elle ne marque pas elle se mue en passeuse. Et c’est ainsi qu’elle a offert à Havana Solaun le seul pion inscrit par les Jamaïcaines dans la compétition. Insuffisant pour qualifier les « Reggae Girlz », qui ont été éliminées des les phases de poules après trois revers de rang contre le Brésil (3-0), l’Italie (5-0) et l’Australie (4-1).
Elle s’est parfaitement adaptée au championnat français
Depuis son arrivée à Bordeaux, Shaw n’en finit plus d’affoler les compteurs. Cette saison, elle a été la joueuse la plus prolifique en championnat (22), devancant Marie-Antoinette Katoto (21). Ce qui lui a valu d’être plébiscitée dans l’équipe type en D1 Arkema. Il faut dire que « Bunny » a réalisé un début d’exercice tonitruant avec un quadruplé contre Fleury (6-1) et un triplé face à Dijon (5-1). Elle a d’ailleurs remis ça contre Reims début janvier (7-1) avant d’enchaîner les doublés.
« Enfant, je ne sais pas pourquoi, je rêvais de visiter la France. Donc lorsque j’ai appris que la Coupe du monde aurait lieu ici, je me suis dit : ‘OK, il faut qu’on se qualifie.’ Et maintenant, je joue ici. C’est un rêve que je suis en train de réaliser », s’enthousiasmait-elle dans les colonnes de So Foot. Acclimatation réussie.
Mickaël Duché