Julie Soyer est une défenseure emblématique du Paris FC et de la D1 féminine française où elle évolue depuis maintenant 19 saisons. Aujourd’hui âgée de 35 ans, l’internationale française (10 sélections) retrace son parcours dans l’élite et donne son point de vue avisé sur la progression du football féminin. Elle explique également l’évolution qu’a connue le poste de latérale au fil des années.
Vous avez dépassé la barre des 400 matches en carrière, quel est votre sentiment sur cette longévité ?
C’est une fierté parce que ça montre une certaine régularité, mais c’est surtout le fait de pouvoir continuer à prendre du plaisir sur le terrain qui importe. Je ne suis pas très attachée aux chiffres. L’essentiel, c’est juste d’avoir des émotions au travers du football.
Une chose est sûre, vous êtes l’une des joueuses les plus régulières du championnat de D1 avec 19 saisons consécutives au plus haut niveau. Avez-vous fait beaucoup de sacrifices dans votre vie personnelle pour en arriver là ?
Il y a forcément quelques contraintes. Cela demande pas mal d’exigence et ça empiète un peu sur le côté personnel. Mais si j’ai fait ce choix là, c’est aussi parce que je m’y retrouve. C’est une question d’organisation et de volonté. Cela me permet de vivre des choses que je ne peux pas connaître en dehors de ce sport. On a encore la chance de pouvoir vivre des émotions grâce au foot et ce n’est pas donné à tout le monde. Je prends ça avec beaucoup de fierté.
Quels souvenirs gardez-vous des clubs avec lesquels vous avez évolué ? L’essentiel de votre carrière s’est déroulée à Juvisy (devenu Paris FC), pourquoi y être restée si longtemps ?
C’était à des périodes différentes mais j’ai vécu de super instants dans les équipes où je suis passée. J’ai eu la chance de jouer la Ligue des champions avec Montpellier, de la rejouer par la suite avec Juvisy. Je garde un bon souvenir de tous mes passages.
« Juvisy était un club au top. Pour moi, après Montpellier et le Paris SG, c’était une suite logique. »
J’ai fait le choix d’aller à Juvisy pour le côté familial du club et pour me rapprocher de ma famille. C’était aussi un objectif de progression que d’évoluer avec les grandes joueuses qui étaient là-bas à l’époque. Juvisy était vraiment un club au top donc c’était une suite logique après Montpellier et le PSG.
Seriez-vous curieuse de découvrir un autre championnat ? Ou auriez-vous aimé le faire dans votre carrière ?
J’ai eu l’envie de le faire mais je n’ai pas franchi le pas. Avec le recul, je me dis que je ne devais pas forcément être décidée. Sans viser un pays en particulier, c’était plutôt dans l’idée d’essayer autre chose, une expérience différente. Au delà du foot, j’étais plus intéressée par le fait de découvrir une culture ou d’apprendre une autre langue.
Suivez-vous autant de foot que vous ne le pratiquez ? Avez-vous des équipes, des joueuses ou joueurs que vous affectionnez particulièrement ?
J’ai été consultante pour Eurosport un temps mais je ne suis pas une grande consommatrice de football. Je suis l’actualité en général et je regarde les matches importants. Mais non, je ne suis pas au top de l’actualité non plus. Que ce soit pour le football féminin ou masculin d’ailleurs.
Vous travaillez à côté dans une entreprise ? Parvenez-vous aisément à mener ces deux métiers de front ? Est-ce plus simple de le faire au Paris FC où vous n’êtes pas la seule dans ce cas ?
Je suis à Aésio, un groupe mutualiste dont les valeurs étaient aussi en adéquation avec ce que je voulais. Cela s’est fait naturellement. C’est très positif pour moi car cela me permet de m’épanouir dans un autre milieu que celui du foot. C’est aussi comme ça que je trouve mon équilibre, ça me permet de faire d’autres choses, de voir d’autres gens, d’être performante dans d’autres domaines.
C’est vrai que c’est une organisation qui, en plus du foot, demande beaucoup de sacrifices, de rigueur également. Mon planning est hyper chargé avec les entraînements, l’exigence du haut niveau sportif et celle de mon employeur. Mais je ne regrette pas. Le rythme est intense mais c’est un peu toujours comme ça que j’ai fonctionné. J’ai pris l’habitude de travailler à côté, je l’ai toujours fait.
« J’ai toujours eu peur de quitter le monde professionnel. Je me suis toujours dit que ce serait dur de retravailler après le foot. »
Les deux m’apportent quelque chose. C’est peut-être l’époque qui veut ça : avant le football féminin n’avait pas la place qu’il a aujourd’hui. J’ai toujours eu peur de quitter le monde professionnel parce que je me suis toujours dit que ce serait dur de retravailler après le foot.
Les stratégies de carrière sont-elles différentes aujourd’hui ? La politique des transferts et d’échanges entre clubs s’est complètement transformée au fil du temps.
C’est plus dans l’ère du temps, le foot féminin évolue aussi vers plus de professionnalisation. Donc il y a quelques joueuses qui commencent plus tôt, qui ont un contrat plus tôt et qui ne veulent faire que du foot. Avec tout ce que ça implique en terme de transferts etc.
Je ne fais pas partie de cette génération, j’accepte cette évolution et je la comprends. Mais je pense qu’il est essentiel d’avoir un « plan B » car une blessure peut vite arriver. Et après, les événements de la vie font qu’on peut se retrouver dos au mur.
Je suis plutôt avec cette inquiétude là mais je trouve que l’évolution est une bonne chose pour le foot féminin. Que des jeunes puissent vivre du foot est superbe.
Beaucoup de Normandes sont passées au PFC, comment l’expliquez-vous ? Le club vous démarche ou est-ce la conséquence d’un certain manque dans la région normande ?
Je ne pense pas que ce soit une question de démarchage. Je pense que c’est une évolution logique pour les joueuses normandes qui, s’il n’y a pas trop de pratique dans leur région, vont chercher un petit peu plus loin. Et puis la région parisienne n’est pas très loin non plus. Nous sommes à 1h30 d’Évreux. Le haut niveau manque un peu aussi en Normandie.
Que pensez-vous de la présence du Havre en D1 ?
C’est super d’avoir un club dans l’élite qui se situe en Normandie. Je sais que la situation du Havre n’est pas évidente actuellement mais j’espère qu’elles resteront en D1. C’est essentiel que les clubs ne soient pas situés qu’à Paris, Lyon, Montpellier ou Bordeaux…
Comment a évolué votre poste de défenseure ? Demande-t-on sans cesse plus de présence physique ou faut-il aujourd’hui travailler sa vitesse face à des attaquantes sans cesse plus vives ?
On nous demande de tout, déjà de bien remplir notre rôle de défenseure, mais aussi un apport offensif qui est à l’heure d’aujourd’hui très important. Surtout pour une latérale. Et puis on nous demande aussi de prendre part au jeu. Avant, dans les anciennes écoles c’était vraiment : « prends ton couloir et fais des centres ». Désormais on doit s’intégrer au jeu, rentrer à l’intérieur pour proposer des solutions, faire des dédoublements…
Nous devons êtres plus décisives en étant à la réception des centres et en étant capables de bien finir devant le but. Je pense que c’est un rôle assez complet qui a évolué dans la bonne direction.
Quelles sont les attaquantes que vous craignez le plus en D1 française ?
Il y a beaucoup de bonnes attaquantes, dans toutes les équipes. Il faut toujours être méfiante, pas forcément quand on joue Lyon, Paris ou Bordeaux. Il y a de bonnes joueuses partout. Je trouve que le niveau est devenu de plus en plus homogène en D1. Il y a toujours un peu de crainte, peu importe le match.
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Quelles sont vos relations avec Sandrine Soubeyrand ? La coach, qui est votre ancienne coéquipière, vous accorde-t-elle une confiance particulière ?
Cela n’a pas forcément d’influence, si ce n’est que je connais un tout petit peu plus son caractère. Elle avait déjà la bonne posture en tant que joueuse, et je n’ai pas été surprise par son souhait de devenir entraîneure. Je trouve que ça lui va très bien.
« Sandrine Soubeyrand est une personne très exigeante et très impartiale. Je ne suis pas surprise qu’elle soit devenue coach. »
Elle reste une personne très exigeante : elle l’était en tant que joueuse et elle l’est en tant que coach. Mais elle est très impartiale. Peu importe que ce soit avec moi ou une autre, il n’y a pas de différence.
Et devenir coach ?
Pas du tout. J’aimerais bien apprécier le poste d’entraîneure, mais je pense que je n’ai ni l’appétence ni les compétences pour le devenir.
Quel serait le meilleur moment de votre carrière ?
Je garde un très bon souvenir du premier titre féminin, le championnat d’Europe avec les U19, parce que c’était le premier sacre français. Pour moi, c’était quasiment les premières sélections, le début de ma carrière donc c’est un super souvenir. Après j’en ai plein d’autres mais c’est difficile d’en ressortir un.
Propos recueillis par Jérôme Flury
Photo © A2MSport Consulting