Lyon, Grenoble, Bordeaux, Fleury 91, Marseille, Nancy, Thonon Grand Genève. Nadjma Ali Nadjim est une figure connue des championnats de France et joue actuellement au Havre, en pleine bataille pour la promotion en D1. Arrêtée ces dernières semaines pour cause de blessure, elle fait le point sur sa carrière et la dynamique de son club.
Nadjma, tu as traversé la France en changeant de club presque chaque année. Pourquoi autant bouger ? Quand as-tu pris la première fois la décision de partir ?
Je crois que la première fois, c’était à mes 18 ans en allant à Grenoble. C’était aussi le départ le plus dur. Après, je me suis bien déplacée puisque je suis allée en Autriche. Puis je suis revenue, je me suis fait les croisés, après Grenoble il y a eu Bordeaux, Fleury, Marseille…
J’aime bouger, aller voir ailleurs. Et puis les projets des coachs m’intéressaient, j’aime bien changer. Je n’avais peut-être encore jamais trouvé une stabilité, contrairement à cette année. C’est le premier club où je me dis que là, je peux voir sur le long terme. Parce que je me sens bien ici.
N’était-ce pas trop difficile pour ta vie familiale ? Il y a une région qui t’a particulièrement marqué ?
Cela n’a pas été trop dur pour ma vie familiale. Sinon, aucune région ne m’a plus marqué qu’une autre mais ce que j’ai le plus aimé, c’est revenir à Marseille. J’avais 11 ans quand avec ma mère nous sommes allées à Lyon. Nous revenions parfois à Marseille mais je n’y habitais plus. Signer à Marseille m’a vraiment fait plaisir.
Qui dit beaucoup de clubs, dit des styles de jeu et des coachs très différents. Qu’est-ce que cette diversité t’apporte au cours du temps ?
Chaque entraîneur est effectivement différent. Après… Le foot, en soi, reste le même. Cependant, techniquement, sur des placements, certains entraîneurs m’ont apporté des choses précises. J’ai toujours appris.
À Bordeaux, j’avais Jérôme Dauba, qui était beaucoup là pour moi, pour me canaliser. À Marseille, Christophe Parra, techniquement il était bon. Dans les placements, les déplacements. Puis à Thonon-les-bains, Dejan Belic. C’était un attaquant pro, en termes de finition j’ai beaucoup appris avec lui. Et cette année avec Fred (Frédéric Gonçalves), j’apprends encore sur le collectif.
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Tu as joué en D2 en 2012. Dix ans plus tard, quelles sont les plus grandes différences dans ce championnat pour toi ?
Cela a bien évolué. Je me rappelle qu’à l’époque la poule “sud” était plus dure que la poule “nord”. Là, c’est la première fois où je savoure à ce point chaque victoire. Comment le dire… Chaque match est incertain. À l’époque, en fonction du club de D2 où nous signions nous savions que nous aurions régulièrement des victoires ou des échecs. Là, le championnat est serré et cela fait plaisir, il y a un fort enjeu.
« C’est la première fois où je savoure à ce point chaque victoire. »
On se prépare vraiment à la D1. Généralement, les équipes de D2 font l’ascenseur quand elles montent. Mais cette année dans le groupe A, le championnat est serré, il y a de bonnes équipes, des joueuses fortes, dont beaucoup pourraient être en D1. J’espère que le club qui montera ne redescendra pas tout de suite.
Aujourd’hui, tu évolues au club du Havre, es-tu joueuse professionnelle ?
Je suis professionnelle, je ne fais que du football. Je n’ai pas à me plaindre en termes de contrat. Dans mon équipe il y en a quelques-unes qui travaillent à côté. Quand je commençais en D2, je ne suis pas certaine qu’il y avait déjà des contrats comme cela.
En général on n’avait pas d’entraînement avant 17h car beaucoup travaillaient dans la journée. Alors que là, tout le monde peut se rendre disponible, on se retrouve tous les matins. Des fois on double les séances avec l’après-midi.
À seulement 27 ans, tu as déjà une très grande expérience de la D1 et D2. Quel regard portes-tu sur cette équipe du Havre ?
Je suis agréablement surprise. Beaucoup sont parties à l’intersaison, mais le mélange s’est bien fait avec les nouvelles. Cela se passe bien, sans clans ou conflits… Chez les filles, il y a beaucoup de ce genre de trucs, qui fait que des fois des équipes ne marchent pas. Là, même si on ne va pas forcément toutes ensemble au restaurant, à l’entraînement, on s’entend toutes bien. Aucune ne tire vers le bas. Je suis arrivée dans une équipe solidaire.
Le club a énormément d’ambition pour l’équipe féminine. Le collectif est très considéré au même titre que les hommes, tu le ressens comme ça en interne ?
Franchement, je ne peux pas me plaindre. On peut toujours mieux faire, mais déjà, jouer tous les week-ends au Stade Océane, c’est une grosse considération. C’est rare chez les autres clubs, hormis quelques gros matchs.
En termes de préparation d’avant séance, il y a des clubs où on a pas de salle de sport. Là, on a la salle à disposition. J’ai eu d’autres équipes où nous n’avions pas ces moyens et on constatait en match que les adversaires étaient plus gainées que nous. Nous sommes bien suivies aussi, le médecin vient. Les kinés sont là tout le long des entraînements.
Vous jouez vos matchs au Stade Océane, c’est une chance ?
C’est incroyable, vraiment super bien. Quand j’ai commencé le foot, c’était pour ‘jouer dans un grand stade’. J’étais innocente, je ne savais pas que les filles jouaient souvent en périphérie, au fur et à mesure je l’ai compris. Et cette année, il doit peut-être y avoir un ou deux matchs où nous n’y sommes pas, car les garçons jouent en même temps, sinon tout a été fait pour que nous puissions y évoluer toute l’année.
« Quand j’ai commencé le foot, c’était pour ‘jouer dans un grand stade’. »
Et puis un grand terrain… Pour une joueuse comme moi qui prend beaucoup la profondeur, c’est un régal.
Justement, tu inscris pas mal de buts chaque saison. On te décrit comme une joueuse polyvalente et rapide… Quelles sont tes plus grandes qualités ?
J’aime beaucoup le couloir, la plupart des entraîneurs m’ont mis à ce poste. À Bordeaux j’ai joué à gauche et en pointe. À Marseille j’ai commencé en pointe puis sur le côté puis en 10. Ma qualité première est la vitesse.
Vous êtes premières à égalité de points avec Metz et Nantes, sans oublier Lille qui vous talonne… La bataille pour la montée va être rude et longue… comment tu vis ce combat ?
Je regarde les résultats, les matchs, les classements. Sur le plan professionnel, ce n’est pas un métier pour moi, c’est quelque chose que j’aime faire. Cela m’ennuie de ne pas être sur le terrain mais que le championnat soit serré est parfait. Contre La Roche, les filles ont encore bataillé pour gagner. Je pense que toutes les équipes, face au Havre, sont à 200%. C’est top car je pense que c’est ce qui manquait aux équipes de D2 quand elles arrivent en D1. L’écart se réduit.
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Quelles sont les joueuses avec lesquelles tu es le plus proche cette saison ?
Eva Sumo, ça doit faire trois ans qu’on se suit, Marseille, Thonon, ici… On n’a pas fait exprès. Elle est un peu comme moi, elle a beaucoup bougé. C’est le moteur de l’équipe.
Que pouvons-nous te souhaiter pour la suite de ta saison ? Tu souhaites désormais retrouver la D1 avec ce club ?
Pour commencer mon rétablissement et faire mieux que sur la première partie de saison, car je sais que je peux mieux faire. Je suis une éternelle insatisfaite. Et oui, la montée.
Serais-tu prête à une aventure hors de France ?
Je n’ai pas peur. Je suis partie à 20 ans en Autriche. C’était sur un coup de tête. Je ne suis pas fermée à une autre aventure mais je suis bien ici.
Propos recueillis par Jérôme Flury
Photo © Nadjma Ali Nadjim / DR