Le temps de l’insouciance est peut-être derrière elles. Les footballeuses font de plus en plus face à la pression. Un phénomène récent qui doit être pris en compte. Alors pour préparer la coupe du monde 2019 qui se jouera en France, Corine Diacre doit elle prendre sophrologues et psychologues dans son staff ?
Des filles historiquement plus solides
Cet article sur l’importance croissante que revêt la pression dans le football féminin est parti de la lecture d’un livre, Pourquoi les tirs aux buts devraient être tirés avant la prolongation, écrit par Pierre Rondeau. Analyse poussée de l’épreuve fatidique des tirs aux buts, l’ouvrage démontre dans sa première partie que la séance de tirs aux buts n’est pas un jeu équiprobable comme un pile ou face. L’équipe qui tire en premier a en moyenne 60% de chance de remporter la partie. Ce constat fait et appuyé à l’aide de statistiques, Pierre Rondeau ajoute cependant une note de bas de page éclairante :
« Ce qui est intéressant, c’est que ce rapport n’est pas du tout le même dans le football féminin, il est égalitaire. Chez les filles, la première équipe a autant de chances de l’emporter que la seconde, le rapport est de 50-50. Cela s’explique par l’absence de pression qui pèse sur elles, ces dernières ne ressentent pas la peur et l’intensité de la même manière que les garçons, elles sont capables de faire la part des choses et de se concentrer au mieux, de canaliser leurs émotions et d’optimiser leur tâche.
Par exemple, lors de la demi-finale des Jeux Olympiques de Rio, en 2016, entre la Suède et le Brésil, les Suédoises tirent en deuxième et pourtant remportent la partie. Tout comme la finale de la Ligue des Champions, la même année, entre Lyon et Wolfsburg, les Lyonnaises sont les deuxièmes à tirer et gagnent le trophée. A l’inverse lors du quart de finale de la coupe du monde 2015, entre la France et l’Allemagne, les Bleues tirent en dernier et perdent la rencontre. Il n’y a aucun avantage dans le jeu et une parfaite équiprobabilité dans le football féminin. Toutes les équipes ont une chance, si et seulement si les joueuses réussissent leur frappe. »
(Extrait de Pierre Rondeau, Pourquoi les tirs aux buts devraient être tirés avant la prolongation, collection Pour mieux comprendre, édition Le Bord de l’Eau, Lormont, 2017)
Quand l’enjeu prend le pas sur le jeu
Les faits sont là : les séances de tirs aux buts sont plus égalitaires chez les femmes que chez les hommes. Les joueuses, comme l’explique Pierre Rondeau, ressentent moins la peur. Et elles faisaient jusqu’à peu, moins souvent face à la pression.
Dans le football féminin, le jeu est généralement plus important que l’enjeu. Ce n’est que depuis quelques années, avec le développement des compétitions comme la coupe du monde et la popularité grandissante, notamment à travers la Ligue des Champions, que la pression a commencé à faire partie du quotidien des joueuses. Un phénomène qui s’intensifie.
La coupe du monde U20, une compétition qui met la pression
Cet été, l’équipe de France des moins de vingt ans disputait la coupe du monde sur ses terres, en Bretagne. L’une des questions était de voir si les jeunes allaient résister face au stress de jouer à domicile.
Si certains matchs ont semblé prouver que oui, comme les victoires face au Ghana, aux Pays-Bas ou à la Corée du Nord, d’autres résultats ont montré l’inverse. Avec un pic en demi-finale face aux Espagnoles. La tension ressentie dans ce match a été très forte. Les Françaises, à onze contre dix mais menées au score, ont paru paniquer. Le penalty manqué mais obtenu illustre ce stress palpable. A la fin du match, les émotions éclatent. S’il n’est pas rare de voir de telles émotions dans un match de coupe du monde de football féminin, les Bleuettes ont véritablement subi une pression importante.
Et quelques jours après, comme si elles se posaient trop de questions, les jeunes Françaises rechutent face aux Anglaises et terminent 4e. Elles échouent dans le match à enjeu pour la troisième place. Comme ont échoué leurs ainées en 2011 à la coupe du monde et en 2012 aux Jeux Olympiques…
L’équipe de France n’y arrive pas
L’équipe de France semble souffrir de ce mal depuis des années. Comment expliquer autrement que les Bleues aient enchainé tant de compétitions majeures et autant de déceptions, après le joli parcours réalisé à la Coupe du monde 2011 ? Plus on parle de ces filles, plus on les annonce favorites, et plus elles tombent de haut. Les campagnes européennes de 2013 et 2017 ont notamment été décevantes d’un point de vue sportif.
Comme si elles étaient inhibées par la pression des grandes rencontres, les filles de Bini, de Bergeroo ou d’Echouafni n’ont jamais décroché de podium lors d’un Euro, d’une Coupe du Monde ou d’une édition des Jeux Olympiques. Pourtant l’effectif semblait à chaque fois capable de finir tout en haut.
A chaque fois, la France a chuté face aux « gros ». Pourtant, à chaque fois, elles semblaient pouvoir rivaliser avec leurs adversaires. Parfois les Bleues dominaient ainsi outrageusement les parties. Comment oublier le cruel dénouement du match pour la médaille de bronze en 2012, où la France s’incline 1-0 après avoir tiré 25 fois au but… Contre 3 tirs seulement côté canadien !
Les défaites de la France lors des dernières compétitions majeures (depuis 2012) :
4-2 (après avoir mené 2-0) face aux États-Unis, 2-1 face au Japon, 1-0 face au Canada aux Jeux Olympiques 2012
1-1 (4-2 Tirs aux buts) face au Danemark à l’Euro 2013
1-1 (4-5 Tirs aux buts) contre l’Allemagne au mondial 2015
1-0 face aux États-Unis et 1-0 face au Canada aux JO 2016,
1-0 face à l’Angleterre à l’Euro 2017
Valse aux penaltys manqués
De cette répétition de déceptions, difficile d’invoquer uniquement la malchance. D’ailleurs les Bleues ont souvent remporté ce type de match… lorsqu’ils étaient amicaux. Mais il n’est pas seulement question de l’équipe de France : la pression frappe en effet toutes les équipes.
Pour terminer, une statistique récente peut également être citée. Ainsi, 40% des penaltys sifflés durant la dernière coupe du monde U20 ont été manqués.
Alors pour éviter que l’enjeu ne tue le jeu, les footballeuses doivent de plus en plus apprendre à gérer leur stress. Cette donnée est sans doute à prendre en compte avant la prochaine coupe du monde qui se déroulera en France durant l’été 2019…
Jérôme Flury