Wendie Renard a publié ce 24 février un message dans lequel elle dévoile sa décision de ne plus jouer avec la sélection tant que les conditions ne s’amélioreront pas. Marie-Antoinette Katoto et Kadidiatou Diani l’ont suivie. En cette année de Coupe du monde, la situation de l’équipe de France féminine est alarmante.
Mardi 21 février, 23h50. Alors que l’équipe de France féminine a remporté l’édition 2023 du Tournoi de France au terme d’un match sans éclat contre la Norvège, Wendie Renard arrive en zone mixte le visage fermé. « Vous avez le temps pour répondre à une question ? » « Non, pas ce soir », glisse-t-elle simplement, avant de poursuivre sa route sans parvenir à décrocher le moindre sourire.
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Alors qu’elle vient d’intégrer le cercle historique des 10 joueuses ayant le plus souvent revêtu le maillot bleu dans l’histoire, la capitaine ne cache pas son mal-être. Il est profond. Trop profond. Trois jours seulement après cette soirée où 11 400 spectateurs avaient poussé les Bleues de tout leur cœur, la grande défenseure publie un message sur ses réseaux. Un message poignant.
Depuis l’arrivée de Corinne Diacre sur le banc de la sélection en 2017, il ne se passe pas une année sans qu’un problème intervienne avec une joueuse. Entre celles qui ne sont plus aujourd’hui convoquées (Le Sommer, Henry, Thiney), celles qui ont déjà annoncé leur intention de ne plus revenir tant que le staff actuel restait en place (Bouhaddi) et auxquelles il faut ajouter toutes les femmes qui ont reconnu à un moment ou à un autre que le climat était « pesant » (Gauvin) ou que des discussions avaient lieu en interne (Bilbault), cela fait beaucoup.
Katoto et Diani ont suivi Renard
Marie-Antoinette Katoto et Wendie Renard avaient aussi eu par le passé des périodes compliquées avec la sélectionneure avant de réintégrer la liste. Wendie Renard avait perdu puis récupéré le brassard de capitaine. Sa rage de vaincre et son talent de la tête avaient encore été bien utiles face à l’Uruguay il y a quelques jours. Mais c’était devenu trop difficile pour la multiple championne de France.
« Je ne peux plus exiger le système actuel bien loin des exigences requises par le plus haut niveau », révèle la future ex-capitaine. « C’est un jour triste mais nécessaire pour préserver ma santé mentale. » La joueuse évoque son « coeur lourd », l’impossibilité de continuer dans de « telles conditions », et sa « douleur ». « Je n’ai plus envie de souffrir. »
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Qui d’autre qu’elle pour élever la voix ? D’autres l’avaient faite plus tôt aussi, comme Sarah Bouhaddi et Amandine Henry, dans une interview télévisée. Mais cette fois, l’écho s’est rapidement montré dévastateur. Marie-Antoinette Katoto, qui se remet de sa blessure mais désormais incontournable en sélection, a suivi sa coéquipière. « Les événements de 2019 », évoque celle qui n’avait pas été retenue pour le Mondial à la maison, à son immense regret, « les récents événements », ajoute-elle, « me montrent que je ne suis plus en adéquation avec le management de l’équipe de France et les valeurs transmises ».
Et après Renard la lyonnaise et Katoto, c’est une deuxième star parisienne qui a ajouté un pavé dans une mare déjà bien pleine. Kadidiatou Diani attend des « changements profonds nécessaires ». Une Diani qui semblait si perdue sur le terrain lors des derniers matchs, mise à une position qui n’était pas son poste de préférence (attaquante axiale alors qu’elle est ailière). La joueuse dénonce les « récents résultats et le management en équipe de France ».
Un manque d’ambition problématique ?
La blessure est profonde. Est-ce que la manie de Corinne Diacre d’employer des joueuses à des postes sur le terrain qui n’ont pas leur préférence pose problème ? Peut-être mais ce n’est évidemment pas la seule explication. Est-ce également un manque d’ambition global ?
La sélectionneure, qui a expliqué qu’un système à 5 défenseures « convenait bien » à une équipe si offensive par le passé, était sortie globalement ravie du Tournoi de France. Un Tournoi où les Françaises n’ont pas semblé très inspirées. Pas de but marqué face à la Norvège ? « Vous remarquerez que nous n’avons pas pris de but non plus », répondait Corinne Diacre. Si sur le plan des résultats, le bilan du Tournoi n’est pas ridicule, en termes de jeu, il est faible. Et la France est l’une des meilleures nations mondiales depuis des années. Elle ne peut pas se contenter de perdre 3-0 contre la Suède (qui est aussi l’une des meilleures équipes du monde), de battre 1-0 le Danemark ou de faire nul contre la Norvège. Manifestement, les derniers amicaux ont été une goute de trop pour un groupe qui était au bord de la falaise.
Et maintenant ? Corinne Diacre ou la Fédération vont-elles tenter de réagir ? De contacter ou de répondre publiquement aux joueuses qui ont exprimé leur besoin de mise en retrait ? Et les « changements nécessaires » peuvent-ils arriver ? D’autres joueuses vont-elles également prendre la parole ou la plume dans les heures à venir ?
Les temps sont incertains. Jamais un tel sentiment de tension n’avait entouré la sélection nationale féminine. Le moment est triste mais peut-être est-il aussi nécessaire que les changements demandés.
Jérôme Flury
Photo ©Nathalie Querouil – Footeuses