Ancienne joueuse de Soyaux et Bordeaux, Julie Thibaud boucle sa première saison dans le championnat anglais, avec le club de Leicester. Elle nous partage son ressenti.
Maintenant que vous connaissez bien le championnat anglais, quelle est sa particularité par rapport au championnat français ?
La différence la plus marquante est l’intensité durant les matchs, dans les duels, dans les courses. C’est plus transitionnel qu’en France. L’impact est plus important également dans les duels. Athlétiquement et physiquement, c’est intense.
Après, la différence, c’est l’engouement. Jouer contre Arsenal devant 40 000 personnes. Ce sont ces choses qui font que j’apprécie d’être venue ici.
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Justement, jouer devant une telle affluence, cela donne quelle émotion ?
C’était mon record en carrière. C’est incroyable, dès que tu rentres dans le stade et que tu vois les supporters tout autour. On n’a pas l’habitude de jouer devant autant de monde, ma famille était venue, c’était un bon moment, malgré la défaite. Après, c’était un match à l’extérieur. Nous espérons faire cela à domicile.
Quand Arsenal marque, cela fait quelque chose d’entendre le rugissement des supporters, j’espère vivre cela à Leicester. Je joue au football parce que j’aime ce sport mais aussi donner du plaisir aux gens qui nous regardent. C’est important de se sentir soutenus, et je pense que l’Angleterre est en avance sur cela. Les gens veulent voir du foot féminin.
« Je joue au foot aussi pour donner du plaisir aux gens qui nous regardent »
Vous avez tout de même battu votre record à domicile en affluence avec 8 000 spectateurs récemment, c’est un très bon début ?
C’est cela, Leicester reste une équipe jeune, je pense qu’il faut du temps pour que les gens nous suivent. On note une évolution sur le début de la saison, c’est important. Lorsque nous avons joué à Tottenham, il y avait aussi beaucoup de nos supporters pour cette demi-finale de coupe, c’est beau.
Être la première Française du club, cela représente quelque chose ?
On y pense, mais j’espère surtout montrer la voie à d’autres Françaises ou étrangères, c’est un bonus dans ta carrière de tester un championnat différent. Le championnat de France, j’ai apprécié y jouer pendant quelques années, mais pour ma carrière, je voulais connaître autre chose. C’est anecdotique d’être la première Française, mais nous sommes beaucoup d’internationales dans l’équipe et cela apporte quelque chose. Nous sommes là pour gagner, travailler dur et le mélange des cultures est important aussi.
Est-ce que l’enchaînement de gros rendez-vous (Arsenal, Chelsea, Manchester City…) est éprouvant mentalement ?
C’est un gros changement par rapport à la D1, car tous les week-ends tu joues une grosse équipe. Je suis venue pour cela, pour avoir toujours des matchs compétitifs. Le championnat anglais est très bien pour cela, tout le monde peut battre l’autre. Dans cette ligue, il n’y a plus le choix, les équipes investissent et recrutent.
Vous avez toujours été fidèle aux clubs où vous êtes passée (trois saisons à Soyaux, six saisons à Bordeaux), c’était la même intention en venant à Leicester ?
Dans le football, on ne sait jamais ce qui peut se passer, on voit bien la situation avec Bordeaux. En tout cas, lorsque j’arrive quelque part, c’est pour m’inscrire dans un projet, dans des idées de jeu, dans quelque chose de plus global que jouer mes matchs dans une saison. Le projet était vraiment intéressant ici, le club nous soutient, on joue tous nos matchs au King Power Stadium.
« La relégation de Bordeaux ?
Triste mais prévisible… »
En parlant de Bordeaux, quel sentiment vous a animé en apprenant leur relégation en D2 ?
C’est triste mais malheureusement, c’était prévisible. Rien qu’en voyant le recrutement de cet été mais même les deux dernières saisons… Nous avons vécu de belles choses avec Bordeaux, la Ligue des champions féminine et nous pouvions même presque rivaliser avec les clubs d’en haut. Là, cela a été une saison compliquée. J’aurais aimée continuer le plus longtemps possible si mes objectifs personnels étaient corrélés à ceux du club, mais ce n’était plus le cas l’été dernier. Elles ne sont pas passé loin sur beaucoup de matchs, c’était dur.
Soyaux a aussi connu des difficultés, cela vous inquiète ou vous êtes optimiste pour l’avenir du championnat français ?
J’ai envie d’être optimiste, j’ai vu le nouveau logo, le nouveau nom de la ligue professionnelle, j’espère que cela va aller dans le bon sens. Je sais que les joueuses, les clubs, la fédération veulent aller dans la même direction et être une des ligues les plus compétitives d’Europe, on sait que cela avance vite en Angleterre.
Vous suiviez un master 2 à côté des matchs, qu’en est-il pour vous de ce côté et comment voyez-vous la suite ?
C’est bon, c’est en poche ! Je l’ai validé avant de venir en Angleterre, pour moi c’est important d’avoir un bagage au cas où. Maintenant, je suis très contente aussi de pouvoir me consacrer entièrement au football. Je prends aussi mon temps ici pour essayer d’améliorer mon anglais car on connaît l’importance de cette langue.
Vous avez connu trois sélections en équipe de France, lors du Tournoi de France 2023 qui a été marqué par la fronde contre la sélectionneure juste après. Quel souvenir en gardez-vous ?
C’était un très bon souvenir pour moi. Pendant le tournoi, je n’avais rien noté de spécial par rapport aux fois d’avant. L’équipe de France de toute manière, c’est toujours quelque chose de positif dans une carrière. Chaque joueuse qui y fait un stage ou y joue des matchs, c’est quelque chose d’important.
« Je reste sélectionnable. »
Vous avez eu un contact avec le nouveau sélectionneur Hervé Renard ?
Je n’ai pas eu de contact direct avec lui. Mais je sais que je ne suis pas loin, j’ai eu des contacts avec ses adjoints. Je continue à travailler, je sais que je suis dans une ligue où je peux progresser, développer mon jeu et si les performances sont là, cela viendra avec. Je reste une joueuse sélectionnable.
Propos recueillis par Jérôme Flury
Photo ©Leicester City