La milieu de terrain du RC Lens Carla Polito joue dans le club de ses rêves et réalise, à l’image de l’ensemble du groupe, une très belle saison. Elle a répondu aux questions de Footeuses.
Vous êtes née à Lens… Forcément vous êtes une fan du club, cela représente quoi de porter ce maillot aujourd’hui, après avoir porté celui d’Arras plus jeune, avant la fusion ?
« Comme je l’ai annoncé quand j’ai signé, c’est une grande fierté, c’est mon club de coeur. Dans la famille, on est tous supporters de Lens. C’était inimaginable qu’un jour, je ne joue pas pour ce club. C’était écrit. J’ai déjà joué une fois au stade Bollaert, malheureusement, avec le ‘mauvais maillot’, entre guillemets, c’était avec Lille. Il y avait déjà beaucoup de monde et ce serait super de pouvoir rejouer en lever ou baisser de rideau avec beaucoup de monde. »
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Vous avez une belle carrière de joueuse et vous effectuez un doctorat. Comment faites-vous ? Avez-vous une journée type ?
« J’essaie d’organiser mon temps entre la faculté, le STAPS de Liévin et le foot à la Gaillette. Tout est dans un triangle de moins de 6 kilomètres. Si je ne suis pas à l’entraînement, je suis à la fac, et si je ne suis pas à la fac, je suis à l’entraînement. Parfois on double les entraînements, mais entre les deux, je passe à la fac ou à mon laboratoire de recherches. J’ai la chance aussi de donner des cours aux étudiants de première année, en sociologie. »
Mais vous arrivez à garder du temps pour vous ? Que vous apportent vos diverses pratiques ?
« Le soir, oui ! Les journées sont remplies et c’est toujours la course. C’est mon quotidien depuis de nombreuses années, c’est un double projet, qui avance bien. J’adore ce que je fais. C’est indispensable, je ne me vois pas faire que du football. Je m’ennuierai, ma vie sociale ne serait pas aussi riche que ce qu’elle est maintenant. Les rencontres avec les étudiants, les échanges avec les collègues… Cela m’apporte un équilibre de vie. »
Plongeons un peu dans le passé, si je vous parle du 28 juillet 2019 (finale de l’Euro U19 où Carla Polito est capitaine d’une équipe qui bat l’Allemagne 2-1)….
« Alors, je pense que c’est le premier match de la coupe du monde ? Ah l’Euro ! C’était une fierté que Gilles Eyquem me nomme capitaine pour cette aventure, c’était un bon groupe et remporter un trophée pour son pays, c’est beau. Cela récompensait notre travail de plusieurs années, car depuis les U16, on travaillait ensemble. Ce qu’il y a eu après match aussi était sympa. Mais aujourd’hui, cela paraît loin, étant concentrée dans les objectifs à Lens. Mais la médaille est bien gardée, je conserve tous les maillots aussi. »
Beaucoup de filles de cette génération sont aujourd’hui chez les Bleues, vous auriez aimé en être ? Ou ce n’était pas aisément envisageable avec votre double cursus ?
« Je ne peux pas dire que je n’aurai pas aimé, ayant côtoyé de nombreuses saisons ces filles là, Maëlle Lakrar, Selma Bacha et tant d’autres. Après, voilà, j’ai fait le choix de rester dans ma région, car j’ai un équilibre de vie. Aujourd’hui, je suis très épanouie à Lens. Bien sûr que mon double projet, je le fais pour moi, pour assurer mon avenir. Mais c’est aussi pour montrer aux petites jeunes à qui on dit que ce n’est pas possible que si. Il est possible de faire du football de haut niveau et des études de haut niveau. Bien sûr que tous les parcours ne sont pas idéaux pour conserver les deux, mais je suis là pour montrer que c’est possible. »
Nous évoquions l’Euro U19, un an plus tôt, il y a eu un Mondial U20 en France qui s’est avéré plus compliqué (la France a terminé 4e). Qu’en gardez-vous aujourd’hui ?
« Les 2000, nous étions doublement surclassées, nous retrouvant avec des Katoto, De Almeida. C’était une expérience unique, en termes d’organisation, il n’y a rien au-dessus d’un Mondial. En plus, c’était devant nos familles, j’en garde un bon souvenir. »
Vous avez affronté des Kelly, Russo, Hemp, Stanway, Bonmati (exclue face à la France en demie), quelle était pour vous la plus forte à l’époque ?
« Il y en a une oui, au milieu de terrain en Espagne, Patri Guijarro. Elle m’a énormément impressionnée. »
Cette saison, vous êtes déjà à 4 buts en championnat, comment l’expliquez-vous ?
« Je pense que c’est une saison où je me rends compte que je peux marquer ! Quand je me mets en situation de frappe, j’ai quand même une bonne précision et cela me motive à tenter plus ma chance. La coach m’a aussi fixé des objectifs sur ce point. Et puis je me sens bien dans cette équipe. »
Auriez-vous quelques mots pour définir ou décrire votre coach, Sarah M’Barek ?
« Je suis allée toquer à la porte du club dès lors que je n’avais pas été conservée par le LOSC. Sarah était ravie de m’accueillir, même si elle a été honnête en m’annonçant qu’elle avait terminé son recrutement. Je suis arrivée alors que je n’avais plus beaucoup de temps de jeu, je n’étais pas dans les meilleures conditions physiques. Elle m’a fait confiance, m’a fait travailler. Si j’ai retrouvé ce niveau là, je peux lui dire merci. Honnêtement, j’étais prête à arrêter le football.
« Si j’ai retrouvé ce niveau là, je peux lui dire merci. »
Il n’y avait plus de plaisir car à Lille, je jouais tout le temps, j’ai même été capitaine et du jour au lendemain, après avoir demandé de rejouer au milieu, alors que j’avais joué derrière une saison, plus rien. Je m’étais résignée. Aujourd’hui, je remercie beaucoup Sarah M’Barek et son staff. C’est une personne qui a beaucoup d’enthousiasme au quotidien, qui nous donne de la force. Elle m’a redonné l’envie de travailler, de progresser. »
Vous êtes aux portes de la Première Ligue, qu’est ce qui va faire la différence pour vous ?
« Aujourd’hui, on a un peu d’avance, mais il reste beaucoup de matchs. On les prend l’un après l’autre, étant motivées et travaillant toute la semaine pour préparer les rencontres, en s’adaptant à l’adversaire. Il ne faut pas commencer à s’enflammer. On a envie de le faire pour le club, le public qu’on a vu à domicile contre Lille, il a l’ambition de voir son équipe en D1. Notre force est peut-être justement dans le fait de ne pas se projeter mais prendre match après match. »
Est-ce que vous y avez déjà pensé ? Vous avez déjà connu la première division, dans un autre contexte, cette fois, pensez-vous toutes vos activités seront compatibles ?
« Je m’organise déjà, pour que cela soit viable. C’est vrai que ce n’est pas toujours évident. Je mets tout en œuvre pour essayer de m’adapter, parfois je loupe des choses au STAPS. Faire un double projet, c’est faire des choix, assumer. J’aimerais qu’on monte, que je sois conservée, vivre une saison en D1, voir où je me situe, où le club situe son équipe, quelles sont ses ambitions. Mais pour le moment, on n’y est pas encore. Oui, il faudra s’adapter, je suis convaincue que c’est possible. On a déjà de très nombreuses séances, en D2, des créneaux diététicien, préparation mentale, musculation, cohésion… »
Justement, que pensez-vous de cette Seconde Ligue, qui ne comprend plus qu’un groupe désormais, aucun match n’est facile ?
« C’est un championnat compliqué, depuis des années. Tu peux gagner chez le premier et perdre chez le dernier. Il y a beaucoup de duels, moi j’aime bien cela aussi. La Seconde Ligue se développe, avec de plus en plus de clubs pros. À l’avenir, j’espère qu’il y aura de plus en plus d’équipes en première et deuxième division. Je pense que 14 ou 16 à l’avenir, cela peut être très bien ! »
« À l’avenir, j’espère qu’il y aura de plus en plus d’équipes en première et deuxième division. »
Le Nord est historiquement, une région de football. L’idée est de faire de ce RC Lens une place forte du foot féminin en France, en s’installant en D1 ?
« J’espère que dans quelques années, cela sera le cas. Cela l’est chez les garçons, avec l’ambiance qu’on connaît. J’espère que les gens vont de plus en plus venir aux matchs, même peu nombreux, ils font du bruit et cela nous fait du bien. Si un jour, on arrive à monter, j’espère que le club fera en sorte de maintenir l’équipe en première division. Dans le coin, les gens sont amoureux du blason. Il y a les pros à Bollaert, bien sûr, mais ils vont aussi voir la Youth League, nous… Beaucoup de monde aime ce club. »
Carla Polito dans cinq ans… Elle fait quoi ? Professeur, joueuse de première division, internationale bleue ?
« Ouh, tout ce qu’on peut faire, c’est me souhaiter le meilleur. J’espère continuer à jouer et Lens, c’est vraiment mon club de rêve, si je peux finir ma carrière ici… Vous pouvez me souhaiter que je soutienne ma thèse en fin 2026, que mes deux projets se maintiennent au plus haut niveau ! »
Propos recueillis par Jérôme Flury
Photo ©RC Lens féminin