Bonadei veut combler le creux générationnel des Bleues : la stratégie du sélectionneur mise en perspective

Avec huit joueuses de moins de 23 ans pour affronter l’Allemagne ce soir et le 28 octobre, Laurent Bonadei continue sa révolution.

Après une saison estivale intense avec l’Euro et la Copa América, les grandes nations s’organisent avec en ligne de mire la Coupe du Monde 2027 au Brésil. Cette rentrée internationale est donc l’occasion de lancer de nouvelles joueuses, notamment après les annonces de retraite internationale. 

A lire aussi : Benyahia, Sylla, Sangare, encore de la jeunesse dans la liste des Bleues avant l’Allemagne

Bècho, seule moins de 23 avec plus de 10 sélections

Mais toutes les sélections nationales n’en sont pas au même stade. La France en particulier a du mal à lancer la nouvelle génération depuis la fin de l’ère Diacre. Lors de la double confrontation contre l’Allemagne aujourd’hui et le 28 octobre, Thiniba Samoura devrait seulement être la deuxième joueuse de moins de 23 ans actuelle à atteindre les 10 sélections. Elle rejoindrait Vicki Bècho (19 sélections), rétrogradée en Equipe de France U23 depuis la prise de poste de Laurent Bonadei.

Il y a donc urgence pour Bonadei de donner une chance aux jeunes et rattraper le retard. Au-delà des questions sur la qualité du vivier de talent ou l’accompagnement trop tardif au niveau international, qu’en est-il des autres grandes nations ?

« Il ne faut pas prendre des jeunes pour prendre des jeunes. Si elles sont là, c’est qu’elles ont le niveau. À valeur égale, j’aurai toujours tendance à appeler la plus jeune, pour construire sur la durée. » 

Laurent Bonadei, à l’annonce des 26 joueuses sélectionnées pour la demi-finale de Ligue des nations face à l’Allemagne.

La France en retard sur les autres nations

Parmi les grandes nations européennes, la France n’a pas à rougir. A l’heure actuelle, l’Allemagne, l’Angleterre et les Pays-Bas n’ont que 2 joueuses de moins de 23 ans avec plus de 10 sélections. Hors Europe, la confiance accordée aux jeunes joueuses est plus nette. Le Brésil (7), l’Australie (5), les États Unis (5) et le Japon (5) ont déjà commencé à renouveler leurs effectifs.

Enfin, des nations d’envergure légèrement inférieure comme la Colombie (10), l’Argentine (9), la Suisse (8), la Pologne (6) et la Belgique (5) ont adopté une stratégie ambitieuse de soutien de leurs jeunes talents en espérant monter d’un cran dans la hiérarchie mondiale.

Et quid des autres époques ? Alors que Bruno Bini avait héritée d’une génération dorée lancée par Elisabeth Loisel dans les années 2000, des périodes d’inertie se sont installées à plusieurs reprises ensuite malgré les tentatives sincères. Il est donc possible que l’ère Bonadei soit connue comme celle de la rupture.

Bruno Bini et la génération dorée

Bruno Bini va hériter de la génération dorée née à la fin des années 80 qui coïncide avec l’avènement de l’Olympique Lyonnais. A l’Euro 2009 en Finlande, sept joueuses ont moins de 23 ans dont cinq sont déjà expérimentées (Bussaglia, Nécib, Bouhaddi, Thomis et Thiney). Bruno Bini en profite aussi pour lancer Eugénie Le Sommer et Amandine Henry. La France atteint les quarts pour la première fois.

Au Mondial 2011 en Allemagne, les places pour les jeunes se font plus rare. Bruno Bini compte trois U23 confirmées (Delie, Le Sommer et Pizzala) et Wendie Renard dispute sa première grande compétition. Une inertie apparait mais elle est difficilement contestable tant l’équipe emmenée par Bompastor, Necib et Abily est compétitive. La France prendra des 4e places historiques au Mondial puis aux JO de Londres l’année suivante. Seules Camille Catala, à l’occasion des JO, et Viviane Asseyi, pour l’Euro 2013 en Suède, sont ensuite plongées dans le grand bain par Bruno Bini.

Les leaders actuelles lancées par Bergeroo et Echouafni

L’arrivée de Philippe Bergeroo à la tête de l’Equipe de France ne marque pas de rupture malgré un temps significatif de deux ans pour préparer sa prochaine échéance internationale. Il peut tout de même se targuer d’avoir lancer des joueuses comme Kenza Dali, Amel Majri, Griedge Mbock et Kadiatou Diani au Mondial 2015 au Canada ainsi que Sakina Karchaoui au JO de Rio en 2016. La France ne passe pas les quarts lors des deux tournois.

A lire aussi : « Malgré mes tentatives de la retenir » : Laurent Bonadéi surpris de la retraite internationale de Toletti

Après l’échec de Bergeroo, c’est Olivier Echouafni qui prend les rênes des Bleues. Il n’y passe qu’une petite année après une élimination en quarts de l’Euro 2017 aux Pays-Bas et un manque de soutien du vestiaire. Pourtant, Echouafni mise sur la jeunesse avec neuf joueuses de moins de 23 ans lors de cet Euro, le total le plus élevé depuis l’Euro 2005. Il fait confiance à des intermittentes de l’ère Bergeroo comme Clarisse Le Bihan et Sandie Toletti. Grace Geyoro connait, elle, ses premières sélections avec Echouafni qui deviendra son coach au PSG par la suite. 

L’ère Diacre, des jeunes présentes mais pas tranchantes

Sous Corinne Diacre, la Coupe du Monde 2019 en France est l’occasion de mettre à l’honneur des habituées. Elle en profite aussi pour faire confiance à Valérie Gauvain, qui avait connu ses premières sélections sous Bergeroo, et Delphine Cascarino, sous Echouafni. Même si Diacre est derrière les débuts en Bleues de Marie-Antoinette Katoto, déjà meilleure buteuse de D1, elle ne la sélectionne pas pour le Mondial. Ce choix provoque une tollé malgré une sortie sous les honneurs en quarts de finale.

A lire aussi : Sandie Toletti, une carrière atypique, un joli palmarès et une joueuse qui va manquer aux Bleues

La sélectionneuse autoritaire doit gérer nombreux conflits durant son mandat. Elle a néanmoins eu le mérite de lancer Sandy Baltimore, Melvine Malard et Selma Bacha qui feront partie de l’aventure à l’Euro 2022 en Angleterre. Les Bleues atteignent les demies de l’Euro pour la première fois. Malgré cela, Corinne Diacre ne semble jamais en mesure de maximiser les jeunes talents en six années à la tête des Bleues, hormis peut-être Katoto. 

Hervé Renard, des tentatives avant le retour de l’inertie

Hervé Renard est nommé après la crise à la FFF début 2023. A l’occasion du Mondial australien la même année il en profite pour rappeler des jeunes en manque de temps de jeu sous Diacre comme Maëlle Lakrar, Naomie Feller, Laurina Fazer et Oriane Jean-François (non-sélectionnée au final). Il est aussi à l’origine des premiers pas de Vicki Bècho avec le maillot des Bleues.

A lire aussi : Amel Majri prend sa retraite internationale après 11 ans et 82 matchs chez les Bleues

Les JO 2024 seront le révélateur du trou générationnel actuel. L’inertie est totale, aucune nouvelle joueuse n’est vraiment lancée hormis Thiniba Samoura lors des matchs de préparation. Les Bleues de Renard s’arrêtent en quarts des deux compétitions.

Les grandes manoeuvres de Laurent Bonadei 

Avec l’arrivée de Bonadei et les non-sélections surprises de Wendie Renard, Eugénie Le Sommer et Kenza Dali, des nouveaux visages apparaissent. Dès l’Euro 2025 en Suisse, l’ancien adjoint de Renard joue la continuité avec Jean-François et Samoura avant de propulser Alice Sombath, Lou Bogaert et Melwenn N’Dongala sur le devant de la scène. 

A lire aussi : Renard, Le Sommer, Dali absentes de la liste : Laurent Bonadei a surpris son monde avant l’Euro

Après l’Euro, les retraites d’Amel Majri et de Sandie Toletti ouvrent de nouvelles perspectives. Avec huit joueuses de moins de 23 ans pour affronter l’Allemagne aujourd’hui et le 28 octobre, dont les novices Wassa Sangaré, Kysha Sylla et Inès Benyahia, Bonadei ouvre donc une nouvelle ère pour l’Equipe de France. Peut-être la bonne ?

Photo © Footeuses / Antoine Andreani

Articles similaires

Les plus lus