Meilleure buteuse de D2, les deux groupes confondus, l’attaquante Anaïs Ribeyra est revenue pour Footeuses sur sa réussite actuelle. Due au travail, à de belles performances collectives mais surtout à un perfectionnisme impressionnant chez la buteuse de 29 ans qui terrorise les défenses de D2 depuis plusieurs saisons déjà.
Anaïs Ribeyra, comment faire pour marquer autant de buts depuis autant de saisons ? C’est une hygiène de vie impeccable, un travail acharné à l’entraînement ?
Je ne saurais pas donner une explication. Mes buts sont plutôt à l’instinct, je ne réfléchis pas trop et avec le travail, l’entraînement, cela vient comme une habitude.
Il y a beaucoup de travail, mais je ne sais pas si j’ai une hygiène de vie absolument irréprochable, même si je fais attention à ce que je mange. Je bosse à l’entraînement, je me force à essayer de marquer. Après, le travail des coéquipières fait aussi en sorte que cela me facilite la tâche.
Vous parlez de coéquipières, vous en avez connu beaucoup, changeant régulièrement de club. À chaque fois, vous parvenez à vous adapter dans les systèmes, les équipes, c’est aussi ce qui fait votre force ?
Il est vrai que je m’insère bien dans chaque équipe et les filles aussi s’adaptent à moi. C’est dans les deux sens et c’est ce qui fait qu’aujourd’hui je marque peu importe les clubs dans lesquels je passe.
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Pouvez-vous expliquez votre triplé de la première journée de championnat ? Vous n’aviez pas beaucoup marqué pendant les matchs de préparation mais vous êtes arrivée archi-préparée pour cette rencontre ?
Le premier match amical estival contre Guingamp, on venait de faire une grosse prépa et je n’étais pas forcément physiquement au top, j’ai quand même raté des petites occasions. Pour les deux autres matchs qui ont suivi, je ne les ai pas joué parce que contre Guingamp j’avais subi un choc à la tête quand même assez important donc nous n’avons pas voulu prendre de risques.
« Une fois que tu es préparée, physiquement, tactiquement, pour moi c’est une évidence. »
Concernant le triplé contre Lens… une fois que tu es préparée physiquement, tactiquement, pour moi c’est un peu une évidence. C’est mon poste, donc je dois absolument marquer, après j’ai été servie correctement aussi par mes coéquipières. Quand tu es bien servie, tu es obligée de finir les actions. Quand tes coéquipières font le boulot, tu as une obligation : finir le travail.
Quels sont vos objectifs personnels cette saison ? Et collectifs, c’est l’année de la montée ?
Comme chaque année, j’ai toujours des objectifs personnels. Chaque saison c’est la même : il faut que je marque autant de buts que je fais de matchs, voire même plus de buts que de matchs. Je ne sais pas si ça va le faire pour la montée mais on a cet objectif comme chaque équipe du championnat, ce serait mentir de dire que non. On souhaite de monter, on travaille pour, même si le championnat est hyper serré.
Quel est votre but préféré dans les 10 déjà marqués en ce début de saison ?
Je dirais celui contre Lille, de la tête. C’était un match serré, elles m’ont bien surveillée, on était quand même très compactes. Cela allait se jouer sur un coup de pied arrêté, même si je pense qu’on avait des moyens de marquer dans le jeu mais le dernier geste n’était pas bon. Pour l’instant c’est mon préféré.
Vous vous souvenez d’un but particulièrement important dans votre carrière ?
Chaque but est important. C’est vrai que lorsque tu mets le but égalisateur alors que nous étions menées au score, c’est une sensation plus importante mais j’estime aussi dans ces cas-là que je dois marquer bien avant. Et que si je marque avant, nous n’avons pas alors besoin de mettre une égalisation. Et que je pourrais même marquer le but de la victoire. Donc je suis mitigée.
Quelle défenseure vous a posé le plus de problème en D2 cette saison ? Et quelle gardienne ?
Distinguer les défenseures me semble compliqué. Je pars du principe que cela dépendra toujours de moi. Chaque équipe est très forte, a sa patte, cependant pour moi, la réussite dépendra de mon placement, de mon jeu. Je ne me juge que moi. Je pars du principe que si je ne marque pas, ce n’est pas forcément à cause de la gardienne, mais à cause de moi. Après, il y a des gardiennes très fortes. Pour l’instant, de ce que j’ai joué, les gardiennes de Lille et de Metz sont des filles très fortes.
Que vous dites-vous quand vous terminez un match sans avoir marqué ?
Alors je ne suis pas énervée, car, tant qu’on gagne, je suis contente. Collectivement, ce n’est pas grave. Après, forcément, individuellement, je suis frustrée. Malgré ça, si je ne marque pas mais que je fais des passes décisives, pour moi c’est la même chose. Si dans un match, je ne fais aucun des deux, je ne suis pas satisfaite de moi-même. Il me manque quelque chose.
« Même en marquant un triplé, je vais plus retenir ce que j’ai raté. »
Et même quand je marque il me manque quelque chose… C’est un problème (rires). Même en marquant un triplé, je vais plus retenir ce que j’ai raté. C’est beau de mettre un triplé mais si à côté j’ai raté des occasions assez faciles, non, j’ai pas le droit. Là, je suis à 10 buts, mais pour moi c’est insuffisant avec toutes les occasions que j’ai pu avoir.
Vous avez marqué 10 buts lors des 7 premières journées de championnat, quel était votre record de matchs consécutifs en marquant ?
Pour ma première année en D2 j’avais fait 9 matchs, 18 buts. À la suite. Là, c’était pas mal aussi les sept matchs mais je reste sur deux matchs sans marquer. Metz, c’était une équipe très forte mais j’estime que comme nous n’avons pas très bien joué, nous ne pouvions que perdre. Il y a des jours sans.
Vous avez joué à Rodez, Yzeure, Grenoble, Brest… Comment a évolué la D2 durant toutes ces saisons ?
Lors de ma première année en D2, c’était un peu plus facile. Les matchs sont de plus en plus compliqués. Tu sens que désormais, le niveau a bien augmenté. Ta première occasion, faut la mettre. Si tu la loupes, à tout moment tu peux perdre ton match.
Avant, j’ai connu des matchs où tu pouvais avoir un raté mais comme tu étais au-dessus de l’équipe adverse, tu t’inquiétais moins, tu pouvais gagner le match, peu importe la manière. Tandis que plus on avance, plus le niveau d’exigence a augmenté. Il y a plus d’équipes pro, les équipes sont de plus en plus combatives. Tout le monde essaye de se mettre au niveau pour éventuellement monter en D1.
« Dans notre poule de D2 cette année, chaque match est une finale. »
À une époque, l’écart entre D2 et D1 était énorme. Tu savais que tu finissais première de ta poule en étant invaincue, et bien une fois en D1, tu allais faire l’ascenseur. Tandis que là, chaque année on se rapproche du niveau D1. Il y a quand même une marge, on ne va pas se mentir. Mais l’évolution est très bonne. Cela se voit dans notre poule à nous cette année où chaque match est une finale.
Vous avez 29 ans mais vous semblez plus en forme que jamais, vous pensez encore à porter un jour le maillot de l’équipe de France A ?
J’y pense sans le penser, tant que je suis en D2, on ne pense pas forcément à ça. Ce n’est pas pour être péjorative, mais on sait toutes que si on souhaite porter le maillot de l’équipe nationale, il faut jouer plus haut.
Donc il faut monter avec Nantes, re-claquer but sur but en D1 et alors première cape en équipe de France à 30 ans ?
C’est cela ! Pourquoi pas. Après, c’est dans un coin de ma tête sans vraiment que j’y pense…
Quel est le but dont vous êtes la plus fière cette saison ?
Il n’y en a pas un plus beau que l’autre cette année. J’aimais bien l’an dernier ma frappe de loin contre Vendenheim ou mon premier contre Lens pour le premier match de championnat.
Il y avait beaucoup d’attentes sur votre arrivée à Nantes et vous êtes la pièce maîtresse de l’équipe sur le plan offensif, comment faites-vous pour ne pas ressentir la pression ?
Cela ne me dérange pas, je n’ai aucune pression. J’aime bien avoir des responsabilités. Avec l’âge et avec l’expérience, je sais ce que je peux apporter et ce que je vaux. J’espère que je réponds aux attentes qu’on a mises sur moi. Pour l’instant je pense que oui, même si je me dis toujours que je peux mieux faire. Mais je n’ai pas de pression là-dessus. Je n’ai qu’à finir le travail des autres. Tout le monde autour de moi court et fait les choses pour que moi devant je sois bien. Donc, pour les remercier de tout ça, je suis obligée de marquer.
« Je n’ai aucune pression. J’aime avoir des responsabilités. »
Bien entendu les résultats de l’équipe sont les plus importants, mais est-ce que le titre de meilleure buteuse est aussi un objectif personnel ?
Oui et non. Pour moi, si je remplis mes objectifs personnels, je serai forcément en haut du classement. Après si certaines sont devants, c’est très bien aussi pour elles, mais je pars vraiment du principe que si je réussis mes objectifs personnels, je vais finir première.
Quelles sont vos attaquantes favorites ?
Chez les filles on ne voit pas forcément tous les matchs. Chez les hommes, je n’ai pas une préférence, mais j’aime certains des attaquants actuels comme Lewandowski, Ronaldo, Mbappé… Et j’avoue, j’aime bien Zlatan dans tout son ensemble. Son caractère, sa façon de faire, ses buts.
Les tirs en force, ok, les frappes croisées, ok, les têtes, ok, il y a quelque chose que vous ne savez pas faire offensivement ?
Le pied gauche : quand je ne réfléchis pas, ça va très bien. Dès que je réfléchis devant le but, c’est pas bon, c’est un point faible. Si tu te poses la question, « je fais quoi là », pour moi c’est fini. Après devant le but, je ne suis pas forcément celle qui fait le plus de gestes techniques, je ne vais pas forcément faire une feinte de frappe. Et puis les reprises de volée, je ne suis pas très douée !
« Dès que je réfléchis devant le but, ce n’est pas bon. »
Pour la tête, c’est le bon timing. Quand j’étais plus jeune, j’aimais pas du tout mettre la tête. Et après je me suis dit, « tu peux le faire, tu sais le faire ». Je le travaille à l’entraînement. Il faut répéter, répéter et puis ça devient automatique.
Vous ne faites pas de célébration particulière après vos buts, vous écartez vos bras, c’est cela ?
Oui, c’est automatique, toujours la même. J’ai pris cette habitude de le faire, je n’aime pas chambrer. Pour moi, il ne faut pas trop en faire quand on marque un but, donc pour moi c’est simple et efficace.
Propos recueillis par Jérôme Flury
Photo ©Nicolas Louerat – FC Nantes