Faustine Robert avait commencé sa saison en trombe, étant la seule buteuse de son club à l’issue des trois premières rencontres. Au final, elle a tenu ce rythme sur l’intégralité du championnat. Et au moment de dresser un bilan, la joueuse révèle tout son plaisir à évoluer dans une équipe de Guingamp qui est venue jouer les trouble-fêtes au classement, surprenant à la fois par sa ténacité défensive et son réalisme. Une saison 2020-2021 en or pour la milieue offensive.
Vous êtes dans la forme de votre vie, dans une saison incroyable (11 buts, record en carrière). Comment expliquez-vous votre réussite offensive cette saison ?
Je pense que la réussite vient aussi grâce au groupe. Je me sens épanouie avec les filles. Tout le monde s’entend avec tout le monde. On tisse toutes des liens et je pense que cela se ressent sur le terrain parce qu’on est les unes derrière les autres. On attaque ensemble, on défend ensemble. Et je pense que c’est ce qui a fait que pour moi ce soit une saison plus aboutie.
C’est aussi une saison où j’ai peut-être passé un cap sur le fait de prendre ma chance devant le but. Les années passées, je voulais trop faire la dernière passe pour être générale et faire marquer la copine. Je pense que cette année j’ai passé un cap à ce niveau-là, où je me suis dit, si je marque ça donnera autant d’effet au groupe. Parce que repartir avec les trois points, c’est ce que tout le monde veut à la fin d’un match. Que ce soit moi, que ce soit Sarah (Cambot), que ce soit Louise (Fleury), on s’en fout de qui va marquer. Le principal, c’est qu’on sorte de là en ayant les trois points.
« Que ce soit moi, que ce soit Sarah, que ce soit Louise, on s’en fout de qui va marquer. Le principal, c’est qu’on sorte de là en ayant les trois points. »
Et quel est votre poste de prédilection ? Vous êtes la meilleure buteuse de Guingamp… sans être attaquante pour autant.
Cela fait pas mal d’années que je joue sur un côté et je pense que c’est ce qui me convient le mieux. Parce que j’aime bien aller vers l’avant, et à la fois j’aime bien avoir ce ballon au pied pour aller percuter. Et puis après, j’essaye de remplir ce poste au mieux et d’aider ma collègue qui est en dessous. Je pense qu’il faut aussi avoir une certaine générosité. C’est aussi ce qui me permet d’essayer d’aider Héloïse (Mansuy) sur son côté tandis qu’elle m’apporte beaucoup quand c’est moi qui doit aller vers l’avant.
Aviez-vous un objectif en termes de nombre de buts avant la saison et quel est-il maintenant ? Pensez-vous au podium des buteuses de D1 Arkema (Faustine Robert ne compte que deux buts de moins que Diani au classement) ?
Non, je n’avais pas d’objectifs particuliers en début de saison. Je voulais juste qu’on performe avec le groupe. Je n’ai à l’heure actuelle toujours pas d’objectifs particulier. Simplement, je continue juste à me donner à fond et à travailler. Pour le podium des buteuses, je n’y songe pas forcément. Maintenant si c’est le cas, tant mieux. Mais sinon ça ne m’empêchera pas d’être fière de notre saison.
De manière plus générale, comment expliquez-vous ces résultats retrouvés à Guingamp ? Après trois 5e places consécutives, Guingamp avait glissé à la 8e puis 10e position au classement. Il y avait eu des grèves, le départ de certaines joueuses d’importance… Et cette saison, c’est un retour au premier plan ? Quel est votre objectif de classement ?
Bien sûr qu’on va aller chercher la quatrième place jusqu’au bout. Après on sait que cela va être dur car cela ne dépend pas que de nous, mais aussi du Paris FC. Cela n’empêchera pas qu’on va garder cet objectif jusqu’au bout.
Et sur le fait que dans le groupe, tout le monde s’entend bien… Parfois on se retrouve certaines, ne serait-ce que pour boire un café ensemble. C’est un vrai collectif soudé, on a envie ensemble d’aller chercher nos objectifs et j’espère que nous allons y arriver. Je pense vraiment que ce qui fait nos résultats, c’est notre force de groupe. Et après c’est aussi dû à la réussite qu’on a, que ce soit Louise, que ce soit Sarah, que ce soit moi, devant le but. Et nous avons aussi cette capacité à défendre ensemble, qui permet de ne pas encaisser de buts, voire très peu.
En plus cette saison est particulière… Vous démarrez par quatre défaites consécutives, dont trois sur le terrain d’adversaires relevés, et depuis, jamais vous n’avez connu deux défaites de suite. Vous vous illustrez d’ailleurs par une solidité défensive retrouvée. Toutes les joueuses ont l’obligation de fournir les efforts défensifs pour cela, même les attaquantes ?
Le coach nous demande de défendre toutes. Après forcément, ce n’est pas dans la capacité de tout le monde, ou disons que ce n’est pas le réflexe de tout le monde. Et ce n’est pas forcément non plus le rôle de tout le monde. On ne va pas demander à Sarah de venir redescendre trop loin, car à un moment donné si on récupère, devant il faut qu’on puisse la trouver aussi.
Mais quand Sarah défend -parce qu’elle nous aide énormément- elle vient défendre à sa limite. Et derrière, nos coéquipières nous trouvent parfois vite sur les côtés et Sarah a le temps de revenir devant. Et je pense que c’est ce qui fait notre force, si même nos attaquantes défendent bien et tout de suite, souvent on va immédiatement presser, ce qui permet que l’adversaire n’a pas le temps d’avancer dans notre camp.
Vous avez déjà parlé plusieurs fois de Sarah Cambot. Elle est l’une de vos coéquipières au sein de l’attaque bretonne et l’une des recrues majeures du club lors du dernier mercato. Elle s’est donc bien intégrée au groupe ?
Sarah c’est une fille comme ça, elle a l’expérience aussi, c’est l’une de nos plus grandes joueuses. Sarah est quelqu’un qui s’adapte vite dans un groupe, elle apprécie tout le monde et c’est une des filles, qui lorsque des fois il y a des petits soucis, est la première à ressouder tout le monde, et à rappeler à l’équipe pourquoi on est là. C’est une fille qui s’est moulée rapidement dans le groupe et que tout le monde apprécie.
Comment expliquez-vous que vous soyez restée si longtemps en Bretagne… d’autant plus que vous êtes loin de vos terres d’origine ?
À la base, c’était forcément pour le foot. Les choses ont fait que je suis restée ici et puis voilà, Guingamp, c’est un club auquel on s’attache. C’est un peu tout ce que je recherchais, que même à Montpellier, c’était un peu ça aussi quand j’étais en U19, c’est l’esprit de famille. À Guingamp, quand je suis arrivée en D1, c’est ce que j’ai retrouvé, cet esprit familial. On est entre nous. Après j’ai rencontré mon copain ici, j’avais une grosse attache aussi, on a décidé de rester là et c’est ce qui fait que je suis ici depuis neuf ans.
Quel regard portez-vous sur le fait que Guingamp soit actuellement la seule équipe bretonne en D1 Arkema, et ce depuis plusieurs années ? En ligue 1 masculine, rien que Brest, Lorient et Rennes sont actuellement en première division. Espérez-vous avoir des derbys bretons dans quelques saisons, notamment avec Saint-Malo ?
On n’en parle pas au sein du club mais pour moi, personnellement, c’est sûr que ça pourrait être quelque chose de top de retrouver un derby. Parce que quand tu es footballeur ou footballeuse, c’est toujours quelque chose de spécial un derby. C’est génial à jouer, encore plus quand les supporters peuvent être là, ce sont des sensations superbes dans le foot. Mais le souci, quand vous dites Rennes, il n’y a pas de section féminine au Stade Rennais, Lorient il y a, mais ça n’investit pas spécialement… À part Brest…
« Brest, je pense que c’est le seul club en Bretagne qui pourrait arriver en D1 et investir pour garder ses joueuses. »
Même Saint-Malo, je ne sais pas si elles auraient les épaules, si le club pourrait garder ses joueuses en D1. Brest, je pense que c’est le seul club en Bretagne qui pourrait arriver en D1 et qui une fois arrivé, investirait quand même chez les filles et qui pourrait pourquoi pas, rester quelques années, voire ne plus bouger.
Vous êtes encore jeune, quels sont vos objectifs majeurs pour les prochaines saisons ? Jouer la Ligue des championnes ? Jouer dans un autre championnat ?
Oui, la Champion’s league on y pense, mais bon on a conscience aussi que pour vraiment aller la jouer, il faut être Lyon, Paris, il faut vraiment être dans un gros cador. Mais après oui, ne serait-ce que la jouer un petit peu, c’est vrai qu’on y pense. Après je suis jeune, j’ai peut-être envie de voir un petit peu autre chose, mais c’est vrai que je n’y pense pas non plus forcément. Parce que je sais que ce sont des choses qui peuvent nous prendre la tête. Là, ce que je souhaite c’est finir ma saison ici et comme il faut, pas me brouiller l’esprit avec tout ça, j’essaye de ne pas trop y penser. Tout va très bien à Guingamp et viendra ce qui viendra.
Et l’équipe de France ? La concurrence est-elle trop rude sur le plan offensif ? Pensez-vous à l’Euro ?
L’équipe de France, je pense que toutes les joueuses y pensent. Oui, il y a de la concurrence et puis je travaille, je ne lâche pas. Si ça doit arriver, ça arrivera, si ça n’arrive pas, cela ne m’empêche pas de continuer à travailler. Si elle doit me prendre, elle me prendra. Mais je ne veux pas me rendre malade avec ça. On ne choisit pas, c’est comme ça.
Vous avez à côté du sport une activité bénévole dans la ferme de vos beaux-parents ? Pourquoi ? C’est un besoin de s’aérer l’esprit ?
Alors en fait, je ne travaille pas à la ferme. Il ne faut pas se tromper sur les mots, après cela peut être mal interprété. La ferme, pour moi, c’est un peu mon endroit où je vais vraiment m’aérer, parce que je suis quelqu’un de très “famille” et je n’aime pas rester enfermée. N’ayant pas ma famille à moi ici, je me rattache beaucoup à celle de mon copain. Et c’est vrai que du coup j’ai toujours besoin d’aller les voir. Même quand ça va pas, que ce soit ma belle-mère, mon beau-père ou mon beau-frère, je sais que quand j’ai besoin de me confier ou de leur demander des avis, je sais qu’ils me diront toujours ce qu’il y a de mieux pour moi. Même pour aller prendre un goûter avec eux, ce sont de petits trucs mais je vais les voir chaque semaine.
« Les amis, la famille… J’ai vraiment besoin de cela. »
C’était un peu dur alors ces confinements pour vous qui êtes si “famille” et qui parliez tout à l’heure de prendre des cafés avec les autres joueuses ?
Les cafés, ce sont chez l’une ou chez l’autre mais oui, la famille, je continue. J’ai vraiment besoin de cela. C’est comme ça. J’ai toujours été comme ça, auprès de mes proches c’est la même chose. Quand j’ai envie de me vider la tête ou de faire quelque chose, je le fais, mais c’est de mon plein gré.
Vous êtes très appréciée par les fans… en septembre dernier, alors que nous demandions sur nos réseaux si vous deviez retourner en équipe de France, les réactions ont été immédiates et nombreuses, avec plus de 350 commentaires en 24h, cela vous flatte ? Pensiez-vous dès le départ que vous pourriez avoir un tel soutien en devenant joueuse de football ?
Je ne le pensais pas ! Je ne savais pas ce que vous venez de me dire, c’est flatteur et cela fait plaisir. Après comme je vous l’ai dit sur ce sujet-là (NDLR: l’équipe de France), tout le monde l’espère je pense. Ce serait mentir de dire “non, je ne veux pas y aller”. Je pense que c’est le rêve de tout le monde. Mais maintenant, je sais qu’il ne faut pas rester focalisée sur ça, parce que si demain vous n’êtes jamais appelée, au final c’est perdre du temps aussi. Donc il faut continuer à avancer.
Avez-vous le sentiment d’être plus attendue par vos adversaires mais aussi d’avoir plus de responsabilités au sein de cette équipe guingampaise ?
Mon statut, en soit, je ne veux pas qu’il change, parce que je suis quelqu’un de très simple. Je veux rester la même. Ce que je fais, c’est normal, c’est pour le groupe, c’est pour l’équipe. Maintenant oui, peut-être que j’ai plus de responsabilités envers le groupe. Parce qu’il y a aussi des joueuses plus jeunes que moi et qu’il faut que je les aide à avancer comme on m’a aidé. C’est tout, je ne ressens que ça.
Propos recueillis par Jérôme Flury
Photos : © Anne-Sophie Lecouflet.