Annahita Zamanian, 24 ans et joueuse de la Juventus Turin depuis janvier 2020, a répondu aux questions de Footeuses sur ses expériences à l’étranger, la progression de la Juventus et du championnat italien ainsi que sur ses évolutions au poste de milieu de terrain. Entretien.
Annahita Zamanian, vous avez un parcours réellement atypique, en ayant vécu dans des pays très différents. Votre père iranien a rencontré votre mère française en Angleterre et ils vivent aujourd’hui en Suède. Pouvez-vous rappeler votre carrière en quelques mots ?
Je suis née en Angleterre puis on a déménagé en Suède où j’ai vécu toute ma jeunesse. Je suis partie au PSG après la Coupe du monde U20. Ils m’avaient vu jouer pour la France et m’avaient contacté pour rejoindre le club. C’était un super parcours, un grand club mais c’était difficile avec le temps de jeu, il y avait beaucoup de joueuses. La Juve m’a contactée, c’était une idée qui m’a plu, d’essayer quelque chose de nouveau. La France c’est aussi « la maison » pour moi donc le changement n’était pas énorme. La Juventus c’était parfait.
Désormais vous parlez donc cinq langues, le persan, l’anglais, le français, le suédois et l’italien ? Quelles sont les plus grandes différences entre vos vies à Göteborg, Paris, Turin ?
Oui, j’en suis à cinq langues ! Concernant les différences, bien sûr il fait plus froid en Suède… Et concernant les championnats, le suédois est plus physique, en France c’est plus technique et ici c’est tactique, technique. J’aime tous les pays et l’Italie aussi maintenant, c’est devenu une nouvelle maison aussi. En football, entre France et Italie, je ne constate pas de différences majeures sur l’aspect technique.
« En Suède, c’est plus physique, en France, plus technique et en Italie plus tactique. »
Quel est votre rapport à la France, vous y revenez souvent ?
Ma famille est installée en Suède mais ma tante est en France. Et puis quand il y a les U23, je suis contente de revenir jouer pour la France.
Zamanian, 24 ans et quelques capes
La milieu de terrain a déjà effectué 3 matchs en sélection U16, 1 en U17 et 13 en U20, inscrivant 1 but dans chaque catégorie. En 2021 et 2022 elle a joué quatre rencontres sous la tunique des U23, dont la dernière en février contre l’Angleterre.
« Si on m’appelle en sélection, je suis là ! », explique celle qui est née en Angleterre et a longtemps vécu en Suède. La France reste son objectif.
Êtes-vous frustrée de ne pas avoir connu une expérience plus longue en D1 Arkema ?
Non, je crois que le temps passé au PSG était très bien pour moi et j’ai vécu des années super, de très bons entraînements pour mon âge. Après, je n’ai certes peut-être pas beaucoup joué mais j’ai côtoyé des joueuses dont tu ne peux que rêver de t’entraîner avec, ce qui m’a permis de bien progresser. Quand je suis arrivée à la Juve, j’avais tout ça dans mes bagages.
Comment s’est passée l’intégration à la Juventus, aviez-vous déjà des connaissances en Italie ?
Quand je suis arrivée, je ne connaissais rien, ni personne. Je ne savais encore rien, c’était donc une surprise totale et tout était top. C’est quelque chose que je veux que la Juve continue à faire, de montrer qu’on est un grand, très grand club. Je suis super contente qu’on commence à le montrer en Europe.
« Je veux que la Juve continue de montrer qu’on est un très grand club ! »
Et ce n’est pas que la Juve mais la Serie A. On montre qu’on est un championnat de haut niveau et je crois que les gens doivent nous respecter plus.
Est-ce que c’est le plus gros niveau d’exigence que vous ayez connu, à devoir gagner chaque week-end sur tous les tableaux ?
J’avais ces attentes à Paris, de devoir gagner chaque match, j’étais préparée. Mais il y a quelque chose en Italie de différent. Au PSG, c’était important pour le club qu’on gagne, mais à la Juve c’est important pour l’Italie qu’on gagne. C’est valable même pour l’ensemble des filles du championnat. Il y a un peu plus de pression encore qu’au PSG. Ici, même les équipes où nous devrions gagner facilement au vu du classement, ce n’est pas facile parce qu’elles jouent au foot.
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Comment cela se passe avec Joe Montemurro depuis sont arrivée ? Il vous aide à progresser sur certains aspects particuliers ?
Oui, c’est super. Beaucoup de filles sont restées là longtemps avec l’entraîneure précédente, qui était super aussi et nous a fait beaucoup évoluer, mais je crois qu’après un moment tu peux avoir besoin de nouveauté, et lui est parfait. Il est arrivé avec ses idées, sa manière de jouer au football, qui va avec les joueuses qu’on a.
Numéro 19, pas seulement pour la date
Annahita Zamanian porte toujours le numéro 19 sur son maillot. Parce qu’elle est née le 19 février ? « Oui et lorsque j’étais plus jeune, j’étais plus petite que tout le monde et le seul numéro qui était en XS, c’était le 19 ! Depuis que je suis petite il est toujours avec moi. Et oui, je suis née le 19 février donc il est resté. »
Quelles sont vos ambitions personnelles sur le court terme, être de plus en plus souvent titulaire ou être plus décisive en termes de statistiques ?
Cette année, mon rôle a un peu changé. J’ai été plus devant par le passé, là je suis un peu plus bas sur le terrain. Parfois cela était dur dans l’approche mentale de ne pas se focaliser sur les passes décisives ou le fait de marquer. C’est une évolution pour ma carrière.
Après, j’aimerais en effet enchaîner les matchs comme je le faisais au début du championnat mais l’équipe reste première et si je peux aider l’équipe quand je rentre, c’est le coach qui décide. Je suis là tous les jours et j’essaye de faire de mon mieux.
C’est l’apport de votre expérience actuelle à la Juve et particulièrement la saison en cours, ce développement de votre jeu, plus sur l’aspect défensif ?
Je ne dirais pas défensif, mais plutôt dans l’optique de tenir la possession. C’est le coach qui me l’a demandé, nous sommes une équipe qui veut garder le ballon donc je dois un peu faire évoluer mon jeu dans cette optique plutôt que de vouloir toujours trouver la dernière passe et j’ai progressé sur ce point.
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Pauline Peyraud-Magnin qui vous a rejoint l’été dernier vous-a-t-elle donné envie de découvrir encore d’autres championnats et notamment de jouer à Londres ?
Je suis née à Londres donc je connais un peu. Pour le moment je ne pense à rien d’autre qu’à la Juve. Mais c’est toujours sympathique de parler avec des personnes aux parcours particuliers. Pauline a une super carrière et fait encore une belle saison ici.
« En sélection, plusieurs joueuses m’ont questionné sur la Serie A féminine. »
Elle est passée par plusieurs pays et est venue en Italie, on en parlait, le championnat est attractif, vous le sentez ?
Il est important que des gens fassent le premier pas. Pauline et moi avons peut-être pris le premier pas pour les Françaises. Mais oui, quand je suis revenue en sélection, plusieurs joueuses ont pris des informations sur le championnat alors c’est vrai qu’il y a de l’intérêt. La Ligue des championnes nous a aidé aussi à montrer qu’on était bien là. On verra si dans les prochaines années d’autres joueuses veulent prendre le risque de suivre ce parcours. Moi, je suis contente.
Propos recueillis par Jérôme Flury
Photo © Juventus féminines