La buteuse anglaise Fran Kirby fait le bonheur de son club de Chelsea et de sa sélection nationale. Mais le parcours de la star a été semé d’embûches et prouve la force de caractère d’une jeune femme qui a su renaître de ses cendres plusieurs fois pour retrouver les sommets. Découvrez sur Footeuses le récit en quatre parties d’une destinée hors du commun.
Même tombée au plus bas, elle se relève encore
Le 29 août 2020, en un après-midi ensoleillé et dans le stade de Wembley, somptueux bien que sonnant creux, Fran Kirby effectue son grand retour à la compétition. Elle joue 70 minutes dans la victoire de Chelsea en FA Community Shield contre Manchester City. « Je n’oublie pas mon premier entraînement, je n’oublierai pas non plus ce match, pour sûr. »
Au-delà du stade, de l’adversaire, du résultat, une chose comptait plus que tout : se retrouver à nouveau sur une pelouse, à jouer pour son équipe de Chelsea. Cela, l’Anglaise ne l’avait plus connu depuis un terrible soir de novembre 2019. Ce jour-là, au lendemain d’une courte mais précieuse victoire contre l’autre Manchester, United celui-ci, permettant à Chelsea de conserver la tête du championnat, Fran Kirby réalise des exercices en salle pour travailler le haut du corps. Puis des tirs, de la course. Même si depuis plusieurs semaines elle a quelques signes avant-coureurs de maladie, « j’aurais pu me douter de quelque chose », reconnaît-elle plus tard, elle ne lésine pas sur les efforts.
Puis au moment du dîner, elle est prise de douleurs à la poitrine. « J’ai commencé à avoir des douleurs extrêmes, comme quand vous faites une indigestion, mais à peu près cent fois pire, c’était juste trop intense. Je ne pouvais pas comprendre ce qui se passait, je m’agrippais à la table… Je ne savais pas quoi faire. J’ai demandé de l’aide. Et puis tout s’est mis à tourner et je me suis évanouie. »
« Serais-je à nouveau capable de jouer ? »
Dans son malheur, Fran Kirby a une chance, elle n’est pas seule. Elle dînait en effet chez elle avec ses coéquipières Karen Mjelde et Beth England. La première la rattrape au moment de sa chute, la deuxième appelle les urgences. La star anglaise retourne sur les terrains dès le lendemain et fait comme si de rien n’était les jours suivants. Mais le verdict tombe, c’est une maladie cardiaque. Plus précisément, une péricardite, une inflammation du péricarde, le sac fibro-séreux translucide qui entoure le cœur.
Fran Kirby essaye de revenir une première fois au bout de quinze jours, se sent à nouveau mal : « mon corps n’était pas prêt ». L’entraîneuse Emma Hayes annonce alors à l’effectif que l’attaquante est absente à cause d’un virus. « Nous n’avons pas fait référence au cœur, parce que dès que vous prononcez ce mot, cela fait comme une sonnerie d’alarme et les gens deviennent fous », glisse la joueuse.
Au fil des mois, épuisée et prenant des médicaments, l’Anglaise ne sort presque plus de chez elle, limite ses déplacements et commence à se poser une terrible question. « Serais-je à nouveau capable de jouer ? » Elle appelle même sa coach pour lui dire qu’elle ne pense pas y arriver. Elle dort 18 heures par jour, même monter des escaliers s’avère compliqué. Et cette absence est pesante. Chelsea est un club ambitieux. L’australienne Sam Kerr est arrivée pour compléter l’armada offensive londonienne.
Envahie par le doute mais soutenue par Chelsea
Fran Kirby lit les messages postés sur les réseaux sociaux. Les observateurs annonçant que le club l’a remplacée avec cette nouvelle recrue superstar. Les questions fusent dans l’esprit de la joueuse blessée, qui décide en décembre 2019 de quitter Instagram et Twitter. « Je devais juste m’éloigner de cette négativité et de mon téléphone », explique-t-elle au média ESPN.
« Cela a joué un grand rôle dans le fait que je me sentais si mal, de voir des gens écrire sur vous des choses comme ‘ah, elle n’est plus concernée par le club, parce qu’elle ne vient plus aux entraînements’ ». Mais Chelsea lui voue une grande confiance. Emma Hayes appelle l’attaquante pour lui expliquer que si Kerr a rejoint l’équipe, c’est notamment pour sa complémentarité avec Kirby. Et l’Australienne appellera également sa nouvelle coéquipière.
Un autre échange perturbe en revanche plus la blessée. « Je me rappelle avoir discuté avec Claire Rafferty (ancienne latérale gauche du club et de l’Angleterre, aujourd’hui membre du groupe commercial de Chelsea), je lui expliquais comment j’allais mal, et elle m’a lâché : ‘si c’est la fin pour toi, quels sont tes projets pour la suite ?’ Je ne voulais pas y penser. Cela a été comme une révélation pour moi. Sur la manière dont le football pouvait s’éloigner rapidement pour moi. »
« Elle est encore meilleure. »
Un jour du mois de juin, les symptômes semblent avoir disparu. « Je me rappelle de la première fois que je suis sortie marcher sans ressentir aucun problème (…), même si ce n’était pas encore parfait, ça allait ! » Fran Kirby tente une petite course à pied. Puis de l’entraînement. La machine est relancée. Les adversaires de Chelsea ne savent pas encore à quoi s’attendre.
En championnat, la joueuse était devenue incontournable à Chelsea les années précédentes. 8 buts en 17 matchs sur la saison 2017/2018 puis 9 buts en 9 titularisations (et 16 matchs joués en tout) en 2018/2019. Mais en 2019/2020, elle ne joue donc finalement que 4 matchs dont 2 comme titulaire. Pour aucun but. À partir de son retour, à l’été 2020, Fran Kirby marche sur l’eau.
« Tout le monde se demandait si Fran allait retrouver le niveau de jeu qu’elle avait avant et je me disais : ‘non, elle est encore meilleure’ », souligne Emma Hayes, une coach ravie de retrouver sa protégée. « Je n’ai jamais vu une joueuse transformer sa vie comme elle l’a fait elle… des difficultés, perturbations, désespoir à la joie, la gratitude », a confié l’entraîneure anglaise à ESPN. « Donc nous devons la célébrer mais nous devons aussi prendre soin d’elle. Elle est dotée d’un talent spécial. »
(à suivre).
Retrouvez notre série sur le parcours de Fran Kirby
Première partie : Une tragédie familiale avant le début de la gloire
Deuxième partie : La nouvelle icône anglaise, brillante mais si fragile
Troisième partie : Même tombée au plus bas, elle se relève encore
Quatrième partie : De retour au sommet, plus forte que jamais
Jérôme Flury
Photo : Twitter FA Women’s Super League