Lors de ce week-end de Pâques se déroulait un tournoi de football amateur à Marseille : les Olympic Massilia Games. Retour sur un évènement pas comme les autres avec la présidente du MUST, association sportive LGBTQIA+ (Marseille United Sport pour Tous·tes).
Qui es-tu et que fais-tu ?
« Je suis Sylvie Abulius. J’ai 32 ans et je vis à Marseille depuis 3 ans. Présidente de l’association MUST, je m’occupe également de sa section Foot F+ (féminin +) et fais partie du comité de pilotage des OMG. »
Comment est venue l’idée de ce tournoi ?
Par les finta, pour les finta
« Tous les deux ans, le MUST co-organise en partenariat avec les Frontrunners un tournoi de sport LGBTQIA+ à Marseille, intitulé le GSM (anciennement Gay Sport Med). Il s’agit d’un évènement qui a beaucoup de succès (1400 personnes en 2024). On était très contents mais on a fait un constat, c’est que les femmes lesbiennes, transgenres et toutes les personnes issues de minorités, on ne s’est pas senties reconnues dans cet évènement car il y avait une grande majorité d’hommes cisgenres. Qu’il s’agisse du choix de l’animation du tournoi ou juste de la présence des sportif·ves, la communauté FINTA (Femmes, Intersexes, Non-binaires, Transgenres, Agenres) était sous représentée. On s’en est notamment rendu compte lors de la soirée de clôture qui rassemblait les sportif·ves de tous les domaines, c’était censé être le grand moment de célébration et c’est vrai qu’en terme de parité nous étions majoritairement des hommes cisgenres. Ce qui est triste quand même, car pour moi il faut qu’on puisse faire la fête tous·tes ensemble.
La dernière édition du GSM était donc en 2024, et dès lors on savait que le tournoi de Lyon n’allait pas avoir lieu en 2025 car il y a les Euro Games. On savait qu’il y avait une place à prendre alors on s’est lancé dans l’organisation des OMG : un tournoi à l’image du précédent mais cette fois-ci en mixité choisie pour les femmes et les minorités de genres. Le terme FINTA a fait consensus car il semblait beaucoup plus inclusif. Pour le nom du tournoi, on s’est dit que OMG renvoyait à plein d’émotions et c’était un bel acronyme pour Olympic Massilia Games, pour faire un peu écho aux JO qui ont eu lieu en France récemment. »
Quels sont les principaux objectifs des OMG ?
« Par le passé, j’ai eu l’occasion de faire de nombreux tournois amateurs et à chaque fois qu’on réunissait la communauté FINTA j’avais l’impression d’être à Disneyland. Le but c’est vraiment que chaque personne reparte à la fin du week-end avec cette effet « waw » ou « OMG » et que le retour au travail soit compliqué après un tel évènement hors du temps (je plaisante bien-sûr !) Aussi, le but principal grâce à la mixité choisie, c’est de pouvoir féminiser le foot et les autres sports afin d’avoir davantage de représentation à l’avenir lors du GSM et qu’on puisse viser la parité. »
S’agit-il d’un tournoi militant ?
On peut être militant et joyeux
« Évidemment, c’est une décision qu’on a prise dès le début. On considère souvent que militant c’est le contraire de joyeux, mais nous ça nous importe de démontrer qu’on peut être militant et joyeux. Mais pour répondre, oui absolument. Ce tournoi réunit la communauté FINTA, rien que l’existence de cet acronyme un peu barbare est un acte militant. Si on prend l’exemple de la communauté transgenre, il y a une énorme vague de haine à leur égard de nos jours. Comme pour le voile, on veut les exclure des compétitions sportives et de nombreuses autres branches de la société. Leur permettre de jouer sur un terrain de foot, c’est forcément militant.
Je suis fière qu’on ait pu accueillir des équipes particulièrement diversifiées, certaines très militantes, d’autres moins. Sur plein de sujets, je pense par exemple aux Marseille Panthers qui œuvrent dans le 3ème, un quartier populaire de la ville, à la promotion du sport féminin, pour faire en sorte que chaque petite fille puisse se dire que c’est naturel de jouer au foot, au basket ou autre, peu importe son genre. Je sais qu’ils mettent beaucoup à l’honneur les identités de genre via un de leurs évènements, mais en tout cas il y a de nombreuses équipes issues de milieux différents avec un degré de militantisme différent. Parfois, c’est aussi juste des copines qui jouent ensemble. Parfois, c’est des équipes qui mettent en avant la communauté LGBTQIA+ à la campagne. Bref, j’étais très contente qu’on ait toute cette mosaïque d’équipes sur le terrain. »
Pourquoi est-ce si important de nommer les choses ?
« On ne peut pas lutter contre le sexisme, le racisme ou l’homophobie sans les nommer. J’ai longtemps évolué sous l’égide de la FFF, qui est la fédération qui a le plus grand nombre de licencié·es en France. Pour moi, il y a forcément des relans discriminatoires dans toute organisation et c’est normal car elles font partie de la société. Il ne faut pas en avoir peur mais plutôt les nommer pour les visibiliser. Chose que la FFF a longtemps eu du mal à faire, même si ça change petit à petit. Souvent, on a l’impression qu’en tant qu’institution on va se tirer une balle dans le pied si on nomme le racisme ou le sexisme etc alors qu’en fait c’est ce qui nous permet de prendre conscience et d’avancer pour combattre les discriminations. »
Comment juges-tu l’évolution du football féminin et LGBTQIA+ en France ?
« C’est sûr que ça a beaucoup évolué. Ça y est, on peut commencer à parler d’un business qui se crée autour. On prend davantage de place à la télé et dans les stades. C’est encore bien mieux en Angleterre et en Espagne qu’en France où on a pris pas mal de retard. Maintenant j’espère que ça va se stabiliser grâce à la récente création de la ligue professionnelle. Pour moi, il n’y a pas de surprise dans le fait que l’Angleterre soit championne d’Europe et vice championne du Monde. Leur championnat est très bien structuré et compétitif. On aperçoit de nombreux coming out de joueuses lesbiennes mais c’est un sujet complexe. Ce n’est pas vraiment de la responsabilité des joueuses mais plutôt aux instances de se saisir du problème, et tant qu’il n’y aura pas assez de sécurité autour de ces sujets, des tournois comme les nôtres existeront.
Aux OMG, il n’y avait pas plus d’une ou deux équipes affiliées FFF. Le foot inclusif est un mouvement qui passe en dessous des radars de la FFF. Avant même de lancer les inscriptions officielles, on était complet. Car de nombreuses équipes recherchent des alternatives plus inclusives que la FFF, avec la FSGT notamment. C’est dommage pour les institutions sportives en France qui passent complètement à côté de ce mouvement. »
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Avez-vous rencontré des difficultés dans la gestion des OMG ou leur organisation en amont ?
« Non, en fait c’était plutôt facile. La Mairie nous a facilité les choses et a été très ouverte dès le début. Maintenant c’est vrai qu’on a une légère frustration car on aurait aimé qu’elle s’intéresse davantage à ce projet, qu’elle nous aide à obtenir plus de visibilité. Je tiens quand même à remercier Anne Vial et Sophie Roques, qui ont fait le déplacement dimanche et ont donné le coup d’envoi de la finale. »
Dirais-tu que le football est politique ?
« Beaucoup de sociologues diraient que se brosser les dents c’est politique. Alors quand il s’agit de réunir des êtres humains sur un terrain de foot, bien-sûr que c’est politique. C’est aussi ce que j’adore avec ce sport, c’est que ça raconte plein d’histoires. De l’Amérique Latine à la Chine, chaque histoire est différente et il s’agit avant tout de rencontres. Et en fonction de qui pratique le foot, c’est d’autant plus politique. Au sein du MUST, dans la section foot, il n’y a pas une personne qui n’a pas subi des intimidations ou autres en raison de son identité. Nos existences sont politiques. »
Quelle est la position du MUST sur l’actualité politique autour du football ?
« Ce qui se passe sur les terrains de foot, c’est ce qui finit inévitablement par se passer dans le reste de la société. La question du port du voile, c’est un peu la locomotive fasciste qui est en cours depuis des années. On interdit d’abord ça dans un espace particulier, l’école avec la loi Raffarin en 2004. Puis on vient grignoter de l’espace, sur les terrains de foot notamment. On parle de laïcité mais pour moi la laïcité c’est la neutralité de l’état vis à vis des religions, et là on est clairement dans des lois islamophobes.
C’est encore plus facile quand on s’en prend aux femmes, car comme pour les personnes transgenres, il s’agit de communautés vulnérables sur lesquelles on vient taper. En Angleterre, on voit des policières porter le hijab et personne ne meurt. Pour les personnes trans, il faut qu’on ait plus de réglementations pour encadrer les transitions et les aider à s’intégrer dans leur section de destination. Au MUST, on fait de notre mieux pour manifester sur ces sujets, avec le Drama Queer FC notamment. »
Aujourd’hui, penses-tu que les jeunes filles doivent faire face aux mêmes obstacles qu’avant ?
« Si je prends du recul par rapport à mon histoire personnelle, je pense que c’est un peu plus normalisé de jouer au foot en tant que fille aujourd’hui. C’est important de ne pas avoir un modèle monolithique dans le monde du foot, c’est pour ça que je suis heureuse de la présence de toutes ces équipes différentes aux OMG. Plus on se diversifie, plus les jeunes filles pourront avoir de choix qui leur conviennent pour pratiquer le sport. Il y a énormément de violences dans la pratique masculine du foot en France, que ce soit dans sa représentation comme dans sa pratique amateure. C’est bien que le foot féminin ne devienne pas pareil, qu’on célèbre nos différences dès le début. Il nous faut des modèles positifs, et pas un seul pour nous représenter. Plus on en aura, plus les jeunes filles seront libres de faire du foot comme elles le souhaitent. »
Charlie Tott