Léna Goetsch, capitaine emblématique de Dijon, nous a reçu au sein du club bourguignon, quelques jours avant l’officialisation d’une participation historique aux play-offs de fin de saison. Son diabète, sa passion pour le ballon rond, son rêve d’équipe de France, elle a répondu à tous les sujets.
Léna Goetsch, merci de nous recevoir pour cet entretien. Nous allons commencer… par parler de vous, pour en découvrir plus sur vous. Vous avez commencé le football en Alsace, à Niederhergheim où votre grand-père était président du club local. Votre tante a longtemps joué et fait aussi partie de vos inspirations ?
« Ah oui, clairement ! Quand j’étais petite, je voulais jouer avec elle. Elle a été dix ans professionnelle à Fribourg, en Allemagne et là, à 51 ans, elle est encore coach-joueuse. Elle ne s’arrête jamais. Cela a toujours été mon modèle et j’aimerai bien, le jour où j’arrêterai ma carrière pro, qu’elle soit ma coach… »
Vous êtes tombée dans le sport jeune, mais vous y êtes restée. Pourquoi le football s’est imposé à vous ?
« Il ne s’est pas imposé. C’était une passion. Quand on est petits, on s’amuse avec ses amis, après, c’était avec mon petit frère aussi, puis le fait d’avoir été performante, d’avoir eu un entourage qui m’a poussée à vivre à fond ma passion m’a aidé à devenir la femme que je suis aujourd’hui. »
Vous avez été diagnostiquée diabétique jeune, ce qui aurait pu mettre fin à tout, car cela reste rare dans le sport de haut niveau. Vous avez continué, quitte à passer par des injections quotidiennes. Aujourd’hui, vous voulez sensibiliser sur ce sujet ?
« C’est un sujet qui me tient à cœur, car j’aimerais bien dé-dramatiser la chose, faire tomber les tabous, les stéréotypes qu’il y a autour. Non, je n’ai pas mangé trop de sucre, c’est une maladie auto-immune, que tu as à vie. Au lieu de voir le négatif, j’essaye de trouver les choses positives. Ce n’est pas parce que tu es diabétique que tu ne dois pas croire en tes rêves.
« Ce n’est pas parce que tu es diabétique que tu ne dois pas croire en tes rêves. »
Grâce au diabète, j’ai rencontré une super personne, Céline Distel-Bonnet (ancienne athlète spécialiste des épreuves de sprint, NDLR) qui m’a donné l’envie de faire ce métier. Grâce à elle, j’ai pu rebondir. Car c’est vrai que quand on sort d’une semaine d’hospitalisation à 17 ans, qu’on comprend pas ce qui nous tombe dessus, c’est bien d’avoir ce type de personne pour nous épauler. »
Vous avez suivi des études pour devenir diététicienne, vous avez fini votre master et êtes devenue enseignante. Ces études étaient-elles voulues pour assurer les arrières après le foot ou remplir le quotidien ?
« Plutôt le deuxième aspect. J’ai besoin de ne pas faire que du football, de voir d’autres personnes, d’apprendre des choses. Pour m’enrichir moi et venir en aide aux autres. Je me suis éclatée dans ce master et j’ai fait de belles rencontres. »
Les Alsaciens restent proches de leur région… L’Allemagne, vous l’avez envisagé ?
« Cela reste dans un coin de ma tête, en ayant vu ma tante jouer là-bas. La reconnaissance du football féminin là-bas est peut-être différente à la France, je me souviens encore récemment de 50 000 personnes pour la demi-finale de la coupe d’Allemagne… »
En tant qu’Alsacienne, vous avez joué votre premier match cette saison à la Meinau (Strasbourg-Dijon, 1-1). C’est forcément particulier ?
« C’était une fierté de jouer là-bas parce que depuis toute petite, le Racing est mon club de cœur comme chaque Alsacien. Jouer là-bas, sur ce stade, cette pelouse, c’était incroyable. Bon, il n’était pas aussi rempli que pour les matchs des garçons mais c’est une fierté. J’ai encore retrouvé des photos de moi avec les copains, enfants, avec les écharpes du Racing… »
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Passons à Dijon. Pendant des années, la lutte pour le maintien a été acharnée. N’avez-vous jamais été usée mentalement ?
« Ce serait mentir de dire que non. Il y a des années où c’était pesant, d’enchaîner les défaites, de ne pas marquer. Mais au final, on en tire toujours le positif. On se rend compte que le club a évolué, l’arrivée de certaines personnes au sein du staff, du groupe, permet qu’on progresse toutes ensemble. Cette saison, le travail paye. »
Vous n’êtes pas forcément arrivée à Dijon avec l’idée d’y passer votre vie mais de saison en saison, vous êtes devenu une pièce maîtresse de l’effectif et avez passé le cap des 100 matchs en Arkema Première Ligue. C’est presque plus difficile de partir aujourd’hui ?
« Je n’ai pas cette mentalité d’être mercenaire, ce n’est pas dans mes gènes. Je ne dis pas que mes coéquipières ne défendent pas le club à fond ! Mais c’est une mentalité et puis je ne suis pas loin de l’Alsace. On verra pour la suite, en tout cas, je n’ai pas voulu griller les étapes. J’ai gagné de l’expérience, côtoyé de belles joueuses ici, comme Élise Bussaglia, elle était à l’écoute, toujours avec la volonté de nous faire progresser. »
Vous y avez développé un projet, qui a reçu le prix ‘Coup de cœur’ du championnat, pouvez-vous nous en rappeler le fonctionnement ?
« Il y a trois ans, dans le cadre de mon master en activités physiques adaptées, il fallait faire un stage de 600 heures. Impossible de le faire dans une structure hospitalière, j’ai proposé au DFCO de mettre en place une section de foot adapté. J’ai contacté des établissements, et depuis des partenariats ont été mis en place. Cette saison, on a 40 licenciés, qui portent les mêmes tenues que nous. On s’entraîne deux fois par semaine, j’ai été accompagnée par Morgane Martins et désormais par Noémie Carage. Venir en aide aux autres me tient à coeur. La demande est importante, ces jeunes veulent juste taper dans un ballon et enlever cette étiquette handicap qui leur trotte au-dessus de la tête. »
Concernant le DFCO, avez-vous senti un changement au sein du club après la relégation de la section masculine en National ? Des salariés ont dû partir, quel a été votre sentiment ?
« On sait que nous, en tant que section féminine, nous avons eu un impact après la relégation de la locomotive qu’est la section masculine. D’un point de vue humain, cela a eu des conséquences pour du monde. On voit de moins en moins de personnes dans les bureaux… »
Beaucoup de questions se sont posées, notamment sur la suite de cette section et votre réponse a été magnifique sur le terrain. Vous êtes à 12 victoires cette saison, 34 buts inscrits, 39 points (avant le match de Montpellier), ce ne sont que des records, comment expliquez-vous cela ?
« (Sourire) Oui, on fait une super saison, après, je pense que le contexte autour nous a un peu touchées au début mais on s’est vite rendues compte que le seul levier que nous avions était le terrain. Cette année, on a, excusez moi du terme, mais un ‘putain’ de groupe. Toutes ensemble, on vit bien. On a différentes nationalités, qui s’entendent bien, on s’éclate sur le terrain. »
« Cette année, on a un put*** de groupe ! »
Il y a eu des saisons où vous marquiez peu et depuis la saison dernière déjà, la mentalité semble changer… Comment expliquez-vous cette manière d’attaquer vos matchs pour les gagner, même en dernière minute comme à Saint-Étienne ?
« C’est vrai que la mentalité a changé, on sait qu’on est capables de belles choses ensemble. Cette année, on marque davantage, on encaisse beaucoup moins, forcément, les résultats suivent… Il y a eu les prémisses la saison dernière. Tout un staff travaille sur un projet commun. »
La qualification en play-offs se rapproche (elle est désormais officielle). Comment décrire ce résultat, sportivement parlant ? Le DFCO présente le 8e salaire moyen du championnat, c’est énorme ?
« Ce serait l’aboutissement du projet. Au départ, l’objectif était la 6e place, depuis le retour de la trêve hivernale, c’est la 4e place. On s’est donné les moyens d’y arriver, sans faire de faux-pas, notamment à Fleury. On aborde nos matchs positivement, on sait qu’on est un groupe de qualité. Cette saison, il ne peut presque rien nous arriver ! »
Comment vivez-vous cela à titre personnel, après tellement de retours aux vestiaires maussades et de semaines pesantes, ce n’est pas une revanche, mais un accomplissement ?
« Oui je pense. De sentir qu’on est capable de faire cela. Même individuellement, de sentir que tu apportes quelque chose dans le collectif, que tu y performes, forcément, que tu te sens mieux. En plus j’ai eu la chance de retourner en équipe de France, le travail paye. En sélection, les filles des autres clubs disent maintenant ‘Dirone‘, parce que Dijon, c’est le Brésil ! (rires) »
Justement, vous voilà désormais presque ‘cadre’ de la sélection U23… à 25 ans, après avoir longtemps attendu et été dans des pré-listes. Toutes celles qui passent par cette équipe rêvent de plus haut. C’est juste ‘une étape’ ou finalement, cela représente aussi un projet supplémentaire cette expérience avec les U23 ?
« C’est un projet collectif, avec un nouveau staff, mais en U23, bien sûr qu’on veut toquer à la porte des A. C’est aussi une opportunité pour montrer au staff d’en haut ce qu’on peut faire sur la scène internationale. Cela a été une bulle d’air aussi pour moi, qui restais chez moi les années précédentes sur les trêves internationales. De voyager un peu, de rencontrer d’autres joueuses, c’était top.
Je l’attendais depuis un moment en effet, cela m’était sorti de la tête, je me suis concentrée sur Dijon et puis c’est revenu cette saison… »
Vous regardez maintenant les listes de Laurent Bonadei en croisant les doigts ? Ce serait le plus beau rêve sportif ?
« Ce serait un de mes rêves, de porter le maillot bleu là-haut. Une fierté pour moi, ma famille, car ce serait le travail qui paye. C’est dans un coin de ma tête, je surveille les listes attentivement… »
Retrouvez l’entretien complet en vidéo sur notre chaîne Youtube très prochainement. Merci à Léna Goetsch pour sa disponibilité, le DFCO pour son accueil et Arkema pour son soutien.
Propos recueillis par Jérôme Flury
Photo de couverture ©Thomas Sébillet-thomaslavistaprod / Dijon FCO
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