La milieu offensive Louise Fleury, qui a quitté l’En Avant Guingamp cet été après près d’une décennie dans le club, a débarqué au Paris FC, où elle a rapidement obtenu une place de titulaire. Elle souhaite se servir de cette expérience pour accélérer dans sa carrière, à 25 ans. Entretien.
Après des années en Bretagne, vous avez changé de cap cet été, direction le Paris FC. Quelles en sont les raisons ?
Tout simplement car après neuf ans passés à Guingamp, je pensais en avoir fait le tour. C’est vrai que j’ai vécu des super années, mais j’avais aussi envie de voir autre chose et de voir si j’étais capable de passer un cap. Si je partais, c’était pour un club aux objectifs plus élevés. Le PFC, que ce soit le groupe, les structures, la coach, c’est un échange qui m’a plu et je ne pense pas m’être trompée. C’est un projet qui me correspond.
Vous êtes quelqu’un qui mûrissez bien vos réflexions, c’est un chapitre de votre vie qui se tourne ?
Tout à fait, c’était bien réfléchi. J’étais en fin de contrat, j’avais envie de partir dès ma fin de saison. Cela a été discuté avec ma famille, mon copain, ce sont des décisions compliquées à prendre. Quitter son cocon, son confort, ce n’est pas évident, mais le foot a toujours été ma priorité et je ne voulais pas arrêter les choses sur une expérience, je voulais me mettre en difficulté. Voir où je peux aller.
« Le football a toujours été ma priorité »
Votre famille s’était installée en Bretagne… Vous a-t-elle suivi cette fois ?
Non, la vie parisienne n’est pas pour eux. Ils tiennent leur commerce là-bas, mon copain aussi est resté en Bretagne.
Un documentaire inside a été réalisé sur Guingamp, vous donnant l’occasion d’aborder des questions comme la précarité salariale, les menstruations… Êtes-vous à l’aise pour parler de ces sujets et pensez-vous en avoir souvent la possibilité de les aborder ?
C’est vrai que nous les abordons rarement, les gens ont parfois peur de notre réaction ou que nous n’arrivions pas à en parler. Le documentaire a été une bonne chose. Pas mal de personnes ne connaissent pas les tenants et aboutissants du football féminin. Je suis à l’aise pour en parler et il faut en parler pour que les choses évoluent.
« Il faut parler des conditions de la pratique pour que celles-ci évoluent. »
Avez-vous le sentiment depuis votre arrivée au Paris FC de passer un cap dans le sens où votre jeu évolue, les objectifs aussi, il faut par exemple marquer plus de buts ?
C’est totalement différent, on peut le voir avec les débuts de saison de Guingamp et du PFC. Je n’ai pas encore connu le goût de la défaite, Guingamp n’a malheureusement pas connu le goût de la victoire. Les projets sont différents, au PFC c’est un objectif de 3e voire 2e place, à Guingamp c’était le maintien. J’ai eu la chance de jouer les barrages de Ligue des championnes… Il y a encore beaucoup de travail, mais cela va m’aider à passer un cap.
Comment s’est passée l’intégration dans ce club historique où entraîneure comme joueuses sont présentes depuis un moment ?
Étonnamment, moi qui est quelqu’un de facilement stressé, je n’ai pas appréhendé ce projet, la découverte des joueuses. Cela s’est super bien passé. C’est un groupe très familial. Les filles vivent ensemble depuis un certain nombre d’années, il y a peu de changements, cela se ressent. Mes débuts m’ont permis de me sentir en confiance sur les premiers matchs.
À Guingamp vous faisiez partie des cadres… Là c’est tout l’inverse, vous devez vous faire votre place ?
C’est un réel changement, à Guingamp j’essayais d’intégrer les jeunes. J’essayais d’être porte-parole entre joueuses et coach, c’était un rôle différent. Cette fois j’apprends des plus anciennes et cela permet de voir les choses différemment. Celles qui sont là depuis des années sont les premières à être disponibles pour parler.
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En dehors du football, quel type de personne êtes-vous, vous pouvez profiter de la vie parisienne ou jouer avec votre club sur Fifa 23 ?
Je ne suis pas du tout télévision ou console. Depuis un mois, j’ai intégré une entreprise. Ici, nous nous entraînons l’après-midi. Le mois de septembre a été long et en repartant à Paris je voulais faire un double-projet. C’était important pour mon équilibre. Alors à côté de cela, je ne vais pas forcément au théâtre car mes journées sont chargées. Mais j’aime faire des promenades et des visites le week-end.
Vous avez récemment dit que votre premier but pour le PFC avait été important mais pas suffisant, que souhaitez-vous montrer au club ?
Dans un premier temps, c’était parvenir à faire ma place, à jouer. Les filles ont fait une belle saison dernière, ce n’est pas forcément facile d’arriver là-dedans. Et le but est bien sûr d’être décisive pour l’équipe, que ce soit en faisant des passes décisives ou en marquant. Le premier but était important pour la confiance. Après, je ne suis pas satisfaite en ce moment de mes prestations, je me remets en question, je travaille pour être performante.
« Je me remets en question »
Je suis arrivée sans trop de pression car je n’avais rien à perdre. Mais quand on commence à jouer, il faut maintenir un niveau de performance pour garder cette place de titulaire.
Vous avez aujourd’hui 25 ans. Considérez-vous avoir encore des axes de progression important en football ou plutôt des détails à améliorer ?
Il y a encore beaucoup d’axes de progression. En plus, quand on est dans son confort, on ne s’en rend plus forcément compte, mais quand on change de club, on le constate. Même si j’étais consciente de cela en partant de Guingamp : j’ai du travail. Mon jeu de tête n’est pas bon, ma lecture de trajectoire n’est pas parfaite. Il y a techniquement du travail sur la première touche. C’est aussi une des raisons de mon départ, je sais qu’en étant ici, ça va m’aider à passer ces caps.
Trouvez-vous qu’il y a plus d’engagement dans la D1 depuis quelques saisons ? Est-ce que cela pourrait conduire à une évolution de votre jeu ?
Le niveau de la D1 a vraiment augmenté. On le voit dans les résultats. Il y a beaucoup plus d’intensité, il faut faire des choix plus rapidement.
Votre but cette saison est marqué contre Le Havre. Cela fait quelque chose à une Normande comme vous de revoir ce club en D1 ?
C’est vrai que cela fait longtemps que je trouvais dommage qu’il n’y ait pas de club féminin en Normandie. Je suis plus Bas-Normande alors j’aimerais bien voir un club émerger de ce côté-là, comme le Stade Malherbe de Caen. C’est sûr que c’est toujours une fierté de voir sa région au plus haut niveau.
Vous avez fait toutes les équipes de France jeunes et chez les A, vous êtes restée sur le banc lors d’amicaux contre l’Angleterre et les Etats-Unis : vous avez été surprise par l’engagement de ces parties ?
Quand j’ai pu aller en stage avec la sélection, au niveau de l’intensité pendant les entraînements, il y a une grosse différence. Le niveau international est élevé. On a envie de goûter à cette équipe de France.
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La volonté est désormais de construire un projet sur la durée à Paris où vous avez signé trois ans. Malgré tout, vous sentez-vous plus prête à tenter une expérience à l’étranger à l’avenir ?
Pour le moment je me concentre vraiment sur ce contrat au Paris FC. Je voulais rester en France pour ma seconde expérience car ce n’est pas simple de tout quitter.
Propos recueillis avant la dernière journée de D1 (Paris FC-Bordeaux) par Jérôme Flury
Photos © Nathalie Querouil