Avec 17 buts inscrits en seulement 11 journées, Nguenar Ndiaye éblouit la troisième division nationale de son talent. Pourtant, pas question de jouer plus haut. La Sénégalaise est bien à Bourges et ne veut qu’une chose : marquer, encore.
À quelques heures du coup de fil, Sandrine Jacquet, l’entraîneure de Bourges, s’inquiète. La traductrice ne sera pas là, et il reste encore difficile de communiquer en français avec Nguenar Ndiaye, l’attaquante aux statistiques folles que nous avons demandé à avoir en interview.
Débuts comme gardienne et gâchis face au but
Cet entretien à trois permet toutefois à la coach de retracer avec précision le parcours d’une attaquante aux « prédispositions athlétiques hors du commun ». Nguenar Ndiaye a commencé le football à 16 ans au Sénégal, et a un temps été… gardienne. Ensuite, elle a notamment joué aux Dorades de Mbour, sa ville de naissance, puis au Dakar Sacré-Cœur et a rejoint Bourges en 2021. Notamment parce que Meta Camara et Safiatou Sagna y étaient, de quoi l’aider alors qu’elle ne comprend pas alors le moindre mot de français.
Mais le diamant est arrivé brut. Habituée aux rugueux contact du football africain, adorant accélérer sans cesse, Ndiaye a dû s’adapter aux exigences du championnat français. « Nous avons cherché à élargir sa palette », résume Sandrine Jacquet. « Elle a beaucoup travaillé, développé son pied gauche, sa capacité d’éliminer son vis-à-vis… »
Au départ, l’entraîneure avait reçu une vidéo d’actions de l’attaquante… qui affichait un gros déchet devant le but. Ndiaye avait des qualités évidentes mais le seul but marqué dans la compilation était un penalty. Une anecdote croustillante, révélée par Le Berry Républicain.
Quand doublé rime avec pizza
Les choses ont bien changé. Depuis le milieu de la saison dernière, les filets tremblent souvent. « Je ne lui mets pas d’objectifs car elle le fait elle-même. Elle sait qu’il faut marquer un but de plus que l’adversaire. » Les collègues l’aident bien aussi : à chaque doublé, ses coéquipières lui payent un repas au restaurant, de préférence une pizza ! La joueuse de 30 ans en a déjà réalisé 5 cette saison…
Dans l’effectif de Bourges, derrière elle et ses 17 buts, la deuxième joueuse la plus décisive est à 3. De quoi mettre beaucoup de pression sur les épaules de la Sénégalaise. Dans tous les cas, « elle aime marquer ». « Quand je ne marque pas, je ne me sens pas bien, ou alors j’ai honte », avance carrément la buteuse.
« Nguenar est une courageuse », souligne sa coach. « Elle est à l’écoute et fait des efforts, même si cela ne lui plaît pas, par exemple pour défendre. Elle donne beaucoup de sa gentillesse, de sa bienveillance, en dehors du terrain également. On ne peut avoir qu’envie de l’aider. C’est quelqu’un qui est reconnaissant. »
L’objectif de la buteuse se résume en un mot aujourd’hui, et il est collectif : la montée. Avec Bourges. Forcément, au vu de ses prestations, plusieurs clubs s’intéressent à elle. Mais il sera compliqué de l’enlever à ses « sœurs », ses coéquipières. Et puis Sadio Mané compte sur elle ! « Il lui a dit qu’il fallait que l’équipe monte en D2 », glisse Sandrine Jacquet au sujet du joueur professionnel, propriétaire du club de Bourges.
Nguenar Ndiaye, qui devrait jouer la CAN cet été (le Sénégal est dans le groupe du Maroc, de la Zambie et de la République démocratique du Congo), évolue dans un environnement qui lui convient dans le Cher. Une chance pour le club, évidemment, au vu de son rendement, notamment dans les matchs à enjeu (triplé contre Roubaix dernièrement, 4 buts sur les 2 matchs contre le leader auxerrois).
Dans ce troisième échelon du football français qui se développe, difficile de voir qui pourra priver Nguenar Ndiaye du titre honorifique de meilleure buteuse du championnat cette saison. Car elle n’a pas fini de marquer. Elle n’a jamais terminé.
Jérôme Flury
Photo ©Bourges FC
