Soraya Belkadi (Montauban) : « Mes choix ont toujours été guidés par la raison avant le cœur »

Soraya Belkadi, coach depuis sept saisons de Montauban Football Club Tarn-et-Garonnne évoluant en D2 a accepté en juin de répondre à nos questions et de dévoiler son parcours personnel.

En cette fin de saison écourtée de D2F, nous avons eu la chance de pouvoir rencontrer Soraya Belkadi, coach depuis sept saisons de Montauban Football Club Tarn-et-Garonnne (D2). C’est juste avant sa séance d’entraînement avec ses joueuses, sur le récent complexe Jean Verbeke, qu’elle a bien voulu s’entretenir avec nous. Elle nous a accordé une heure de son emploi du temps chargé.

Cette passionnée de foot de 44 ans nous accueille avec un large sourire. Nous avons pris le temps de nous intéresser à son beau parcours de joueuse, qui l’a amenée jusqu’au coaching de l’équipe de Montauban qu’elle a conduit jusqu’en D2.

Bonjour Soraya. Footeuses a remarqué que cette équipe de Montauban était coachée par une personne dont le parcours personnel s’avère être un très bel exemple pour toute joueuse. Peux-tu nous en dire plus sur tes débuts ?

J’ai commencé à jouer au foot à l’âge de 9 ans à Nice dans un petit club de quartier avec des garçons. À la fin de l’année, le club, qui n’était pas suffisamment structuré, ferme. J’ai alors passé deux années à pratiquer le foot dans
la cour de l’école et sur un terrain près de chez moi. Lorsque j’étais en 6ème, un club à quelques kilomètres de chez moi, l’AS Saint André (06), avait posté une affiche dans les collèges car ils recherchaient des joueuses.

Je m’y suis inscrite, encouragée par mon entourage, et grâce à un dirigeant très dévoué, qui pour me permettre de m’entraîner, venait me chercher et me ramener. Au bout de ma 2ème année, l’Omnium Sports de Monaco a proposé au club de fusionner avec un 3ème club du pays niçois. J’ai donc suivi le groupe et le dirigeant, et à 14 ans, je m’entraînais dans un club professionnel.

« J’ai suivi le groupe et à 14 ans, je m’entraînais dans un club professionnel. »

Le club était composé de 2 équipes : l’équipe première en première division et l’équipe réserve en division honneur. De septembre à décembre, j’évolue en DH. Et en janvier, je suis appelée en équipe première. Quelques semaines après, lors d’un déplacement à Strasbourg, une partie des joueuses se rebellent. Insatisfaites des conditions du déplacement, elles quittent le club.

Il a fallu alors que je fasse mes preuves pour gagner ma place de titulaire. L’expérience du haut niveau commençait avec ses bas (descente en 2ème division à la fin de la saison), ses joies (montée en première division l’année suivante), et de belles rencontres sur les terrains (comme jouer contre Marinette Pichon et bien d’autres joueuses emblématiques du moment). C’est à la suite d’une deuxième descente en deuxième division que je décide de partir.

Et donc tu débutes en 1994 ta première saison au VGA Saint-Maur (94)….

Je voulais avant tout rejoindre le club qui à l’époque était le plus titré de France. Cette arrivée en région parisienne fut cependant un choc. Un choc climatique (rires) d’abord, un gros changement personnel aussi car je quittais une bonne partie de ma famille. Et un choc footballistique car j’arrivais du haut de mes 17 ans, dans un club qui comptait plus de 15 internationales.

Ambitieuse, je voulais être dans le meilleur club. Mais au fil du temps, les résultats du VGA ont décliné. Une mésentente avec le président, des changements de coachs répétés et une spirale de mauvais résultats ont été la cause du départ de certaines joueuses pour d’autres clubs comme Juvisy ou pour d’autres, l’arrêt de leur carrière. Ces événements ont amené irrémédiablement le VGA vers la 2ème division.

« Cette arrivée en région parisienne fut un choc. Climatique, personnel et sportif. »

Parallèlement à ma participation au championnat avec Saint-Maur, j’ai été appelée à tous les stages de présélection de l’équipe de France A (groupe élargi à 30 joueuses). Jusqu’à décrocher ma première sélection pour un match international de qualification pour la coupe du monde 1999 le 2 mai 1998 contre la Suisse.

En fin de saison, je suis sollicitée par le Club Olympique Multisports de Bagneux (92). L’équipe ambitionnait de monter en deuxième division. Ils me proposaient d’être recrutée sous statut emploi jeune et de passer toutes les formations diplômantes de foot que je souhaitais. Leur proposition était très alléchante. Car pour subvenir à mes besoins j’avais dû cesser mes études en STAPS et entrer dans la vie active alors que je ne rêvais que de travail dans le sport et plus particulièrement dans le foot. J’avais donc le choix entre continuer à jouer en 1ère division pour accéder au très haut niveau ou faire de mon avenir post joueuse une priorité. Ce fut le choix de la raison.

Un choix que tu regrettes maintenant ?

Aujourd’hui, quand je vois les opportunités qu’ont eu certaines des joueuses de ma génération, je me dis que j’aurais pu faire d’autres choix. J’ai trop pensé à « l’après »… si à ce moment-là j’avais rejoint un club de l’élite certainement que
j’aurais plus d’une sélection à mon compteur ! Le parcours de certaines joueuses est magnifique, après leur carrière sur les terrains, elles occupent aujourd’hui des postes dans les hautes instances du foot. Malheureusement, mes choix ont toujours été guidés par ceux de la raison avant ceux du cœur. Je ne peux pas dire que j’ai de l’amertume mais je me dis que j’ai sans doute manqué quelque chose.

« Quand je vois les opportunités qu’ont eu certaines des joueuses de ma génération, je me dis que j’aurais pu faire d’autres choix. »

Donc tu as alors fait le choix du devenir entraîneure ?

Oui en parallèle de mon parcours de joueuse à Bagneux, grâce au club, à 26 ans j’avais tous mes diplômes d’entraîneur de football en poche même si mon objectif principal restait la montée en D2. Le parcours s’est avéré compliqué car on partait de loin mais on y est arrivé ! Pendant ces années à essayer de monter l’équipe vers l’élite, je me fais oublier des sélections en bleu. Le club de Bagneux me propose d’être embauchée à un poste à responsabilités. Mais les crampons me démangent et l’envie de rejouer au plus haut niveau est trop grande.

C’est alors que le Toulouse Football Club te sollicite en cette année 2004 !

Pas du tout ! C’est moi qui ai pris le téléphone et qui les ai contactés pour faire un essai. Toulouse était le premier club sur ma liste, Montpellier 2ème. Je signe donc à Toulouse qui est premier du championnat mais c’est Montpellier qui
est sacré champion de France après les play-offs. Le coach se fait alors limoger et c’est la descente aux enfers annoncé pour Toulouse. À nouveau, les joueuses phares partent en masse, dont une dizaine d’entre-elles internationales.

Soraya Belkadi (Toulouse) au duel avec Camille Abily. ©Soraya Belkadi
Soraya Belkadi (Toulouse) au duel avec Camille Abily. ©Soraya Belkadi

J’intègre donc une équipe toulousaine affaiblie. Pour ma première saison, Toulouse finira 5ème , puis 4ème la saison suivante. C’est Montpellier qui brigue les titres, je ne serai jamais championne de France de D1. S’en suit alors une valse d’entraîneurs à Toulouse jusqu’à la descente. J’arrête de jouer à 31 ans, n’étant plus en adéquation avec les attentes du coach. Je décide à ce moment-là de me consacrer à l’entraînement.

Ta carrière de joueuse s’arrête à ce moment-là ?

Oui, le tournant s’amorce. Forte de mes diplômes, je choisis d’encadrer d’abord les petites catégories garçons. Je choisis ainsi de ne pas quitter les pelouses sans m’investir non plus à fond comme l’aurait demandé un coaching d’équipe féminine. J’avais envie de relâcher la pression. Je commence au TFC, à l’école de foot avec les U6. Puis je deviens responsable de catégorie en catégorie supérieure pendant quatre années. Je pense alors à ma vie de femme et tombe enceinte en 2012.

À lire aussi : Les heures de gloire des Toulousaines

Et là, coup du sort à nouveau, le TFC remonte en première division et on me propose le poste d’entraîneure ! J’accepte le deal alors que j‘accouche dans quatre mois et je signe un contrat de deux ans. L’équipe est à reconstruire, avec de nombreux départs et les moyens que l’on me donne. Nous avons vécu une saison très compliquée avec une seule victoire au compteur. Mais j’en retiens une leçon personnelle : la réussite d’avoir formé un groupe soudé, dynamique avec une grosse cohésion.

On a connu l’année suivante la 2ème division, mais aussi l’éclosion de joueuses. Comme Valérie Gauvin qui est partie ensuite à Montpellier. Mon contrat se termine en 2014 et n’étant plus en adéquation avec les dirigeants, l’aventure
féminine toulousaine s’arrête. Encore soutenue par le TFC, je présente ma candidature au BEFF pour encadrer
les garçons du centre de formation.

Malheureusement, ma candidature n’est pas retenue. Ils acceptent seulement les candidates avec un CV de plus de 100 sélections en A et celles qui occupaient des fonctions dans la ligue. S’en suit une nouvelle et belle rencontre… Oui, j‘ai rencontré un vrai homme de valeurs : Jean-Michel Malavelle, le président du Montauban Football Club Tarn-et-Garonne. Au départ je n’avais pas l’intention de rejoindre le club mais il a réussi à me convaincre lors de l’entretien.

C’est une belle personne, un président qui a des valeurs humaines et sportives qui se rapprochent des miennes. Il me fait confiance et me laisse travailler sereinement. Le projet était de faire monter l’équipe féminine en 2ème division.
J’étais convaincue de pouvoir le faire en une saison. Mais il m’a fallu trois ans. Car j’ai compris qu’un projet se construisait sur la durée : attirer des joueuses, construire un groupe, travailler ensemble, progresser, fidéliser, stabiliser les résultats.

Soraya Belkadi donnant ses consignes à l'entraînement de Montauban.
Soraya Belkadi donnant ses consignes à l’entraînement de Montauban. ©Séverine Fumas

Au fil des saisons en D2, nous avons terminé à la 10ème, puis 8ème et enfin 4ème place ex-aequo avec Nantes. Aujourd’hui, nous avons les moyens d’atteindre le podium. Le groupe qui s’étoffe chaque année un peu plus est capable de le faire. Et cela, même si nous devons rivaliser avec des clubs professionnels comme Saint-Etienne ou l’OM. Même si les moyens financiers nous éloignent de ces grosses structures, le club a de beaux projets pour réaliser nos ambitions. Nous devons réussir à attirer les joueuses vers Montauban.

« Aujourd’hui, nous avons les moyens d’atteindre le podium. »

Pour se faire, nous avons depuis cette année entamé une démarche emploi avec Sport Society : c’est un partenariat où le projet sportif collectif rime avec projet professionnel des joueuses. Ces dernières pourront se projeter dans leur « après carrière ». Et elles seront ainsi accompagnées tout au long de leur parcours sportif ici à Montauban.

Merci à Soraya de nous avec permis d’échanger librement sur son parcours et ses ambitions. Elle ne se fixe pas de limites avec son groupe. Le Montauban Football Club Tarn-et-Garonne ne possède actuellement aucun contrat fédéral. Elle peut compter sur son entraîneur adjoint Mikael Combaud. Prochainement, un coach chargé de l’athlétisation des joueuses la secondera également.

Propos recueillis par Séverine Masson
Photo © Séverine Masson

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