Avec 10 victoires en 10 matches de championnat au niveau régional, et une qualification pour les 8es de finale de la Coupe de France, l’A.S Monaco féminin fait sensation. Si le club de la principauté porte le même nom, les mêmes couleurs et un logo très similaire que son homologue masculin, les deux entités n’ont rien à voir. Mais son entraîneur, Stéphane Guigo, ne cache pas son ambition de voir ses joueuses évoluer au plus haut niveau, très rapidement.
Commençons par votre groupe, quel est-il ? Des joueuses locales, des recrues étrangères, comment s’est-il constitué ?
L’équipe actuelle est composée de 16 filles présentes déjà l’année dernière et six nouvelles recrues. Personnellement, je suis l’entraîneur de l’A.S Monaco féminin depuis 4 ans. Nous avons une joueuse internationale malienne qui est avec nous depuis quelques saisons. Concernant les recrues, nous avons pris deux joueuses locales, une de l’OGC Nice, une de Mouans Sartoux, notre attaquante qui empile les buts. Et après, c’est quatre Américaines, une venue d’Espagne, et les trois autres de la société qui a investi dans notre club.
Vous avez connu une explosion des adhérents ces dernières années, comment expliquez-vous cette progression ?
Notre club n’est pas une section féminine de l’AS Monaco masculin. Nous sommes un club bien distinct et 100 % féminin. On essaie de faire grandir ce club intelligemment avec un travail sur l’école de football (U13, U15, U18), ce que nous n’avions pas au départ. Nous créons ce club de toutes pièces depuis quelques années et nous avons été récompensés cette saison puisque nous sommes labellisés « Or » par la Fédération française cette saison pour l’école et nous allons l’être pour les jeunes. Maintenant le chantier actuel se concentre sur les seniors. L’explosion s’est faite naturellement au niveau des licenciées puisqu’on devient intéressant, et que nous avons des entraîneurs diplômés.
Existe-t-il une telle demande au sein de la principauté, avez-vous beaucoup de joueuses locales qui viennent toquer à la porte ?
Oui ! L’école de football de l’A.S Monaco féminin, c’est au moins 90 % des filles locales. Après, plus on avance dans les catégories, moins il y en a, mais nous en avons encore jusqu’en U18. Plus les filles grandissent, moins elles restent ici, car beaucoup d’étudiantes partent ailleurs.
Nous avons parlé de votre club pour l’arrivée d’investisseurs étrangers, pour son parcours en Coupe. Mais le plus important reste certainement le championnat et vous êtes en tête de votre Ligue régionale. Êtes-vous en train de vous préparer à la D2 ? Ou du moins aux barrages d’accession ?
Nous n’avons encore jamais fait de barrage. Au début de la pandémie de Covid -19, en mars 2020, nous étions seconds au classement, on était préparé pour ça. Mais tout c’est coupé tôt. Le groupe travaille pour ces objectifs-là depuis un moment. Mais pour la montée en D2, le problème est que ce n’est pas l’équipe en tête du championnat qui monte.
Il y a être champion ou second et ensuite, ce sont les barrages et la loterie. On peut tomber sur une équipe qui tombe de D2. Donc oui, nous nous y préparons. Mais nous ne savons pas où nous allons exactement. Déjà, la première étape est le barrage. C’est l’objectif. À ce stade, mentalement, on repasse sur des matches de Coupe, ce qui peut être compliqué. Je me rappelle de l’OGC Nice qui a mis des années à monter. D’où l’intérêt de la Coupe de France. Elle nous permet de jauger. Car notre ligue est sans doute un peu moins forte que la Ligue de Rhône-Alpes ou d’Île-de-France.
Au niveau des statuts des joueuses, elles ne sont évidemment pas professionnelles pour le moment ?
Certaines filles sont étudiantes, d’autres ont des métiers. Le groupe est très jeune, 21 ans en moyenne. Le club essaie de les aider sur les études, car nous avons des Havraises, des Parisiennes. On les aiguille au niveau des appartements avec un bon relationnel.
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Quel est votre staff justement au club ?
C’est simple (rires) : un président, un employé, qui n’est pas moi, car j’ai un autre travail, je me lève à 4h le matin. Les investisseurs américains sont arrivés, cela a fait un peu parler, mais nous continuons à travailler, le foot étant à côté. En revanche, il y a de nombreux bénévoles, des éducateurs au sein du club. Les premiers investissements sont venus sur les terrains, les infrastructures. Il y a aussi l’envie de monter une académie, qui n’est pas encore sûr.
Il n’y a donc aucun lien avec l’AS Monaco masculin ?
Aucun. Nous n’utilisons pas leurs terrains. Nos maillots gardent les mêmes couleurs, le logo en lui-même garde la même forme même s’il est différent. Le souhait était de garder l’esprit Monaco, mais c’est tout. L’AS Monaco est un club professionnel sans section féminine et nous sommes une autre structure, elle, 100 % féminine.
Sur le plan sportif, 30 points en 10 matchs de championnat, vous devez être un coach satisfait et vous l’expliquez comment ?
Déjà grâce à une super préparation. On a commencé plus tôt que d’habitude, le 15 juillet. Nous avions gagné 15 jours de préparation, avec la volonté de rencontrer de belles équipes pour nous jauger. Nous avons affronté en préparation l’OGC Nice (D2), l’Olympique de Marseille (D2), la DH de l’OL, des équipes masculines… Nous avons mis la barre haute pour voir comment cela allait fonctionner. J’avais le noyau, il fallait juste adapter les nouvelles.
Derrière, on a bien entamé et l’appétit est venu en mangeant. Nous avons avancé parce qu’on avait des objectifs bien précis cette année, les barrages. Les filles sont très motivées, assidues aux entraînements. Et elles sont là tout le temps, sérieuses. On a multiplié les séances, nous avons augmenté les charges de travail, et pour le moment, pas trop de blessure hormis quelques cas de Covid-19. Tous les feux sont au vert pour le moment.
Cela fait peu de temps que vous êtes en R1 et finalement, vous êtes déjà en haut, c’est presque surprenant, ou alors c’est la preuve de votre ambition ?
Je suis arrivé, l’A.S Monaco féminin venait de monter en R1. Le club a investi aussi, il y a un préparateur physique, un entraîneur des gardiennes, un nutritionniste, une kinésithérapeute, un ostéopathe. Nous essayons d’être le plus pro possible sans l’être.
L’équipe est bonne en attaque comme en défense et c’est votre collectif qui fait la différence, ou bien certaines joueuses surnagent ?
Nous comptons une buteuse qui s’affirme avec 33 buts en 16 matches, c’est évidemment important. Mais il y a tout le travail avant qu’elle termine, de récupération, de jeu… C’est un gros collectif, toutes les filles ont déjà joué. Les 21 filles ont joué et sont logées à la même enseigne. La concurrence est saine.
Il y a le championnat et ce parcours en Coupe de France, comment accueillez-vous le fait d’être la première équipe de Monaco à atteindre les 8es de finale ?
Nous étions déjà la première à être en 16e de finale. Quand on commence les tours, on a commencé notre préparation depuis un moment, je disais aux filles : « Il faut arriver au tour fédéral, pour avoir les maillots, et derrière rencontrer des équipes qui pourraient nous préparer aux barrages ». C’était l’idée en place et les filles ont joué le jeu à fond. Elles avaient envie de rencontrer une grosse équipe, c’est fait. On arrive au bout de l’aventure gentiment, c’est bien.
C’est un adversaire historique qui arrive en plus, Reims, vous êtes satisfait ?
C’est extraordinaire pour l’A.S Monaco féminin, ça fait parler de nous. C’est gratifiant et les filles sont aux anges. Mais elles n’oublient pas le championnat. Ce n’est que du bonheur depuis le début, nous sommes toujours invaincus, on pousse les limites un peu loin, c’est même trop des fois, car nous ne savons pas jusqu’où aller. On aurait aimé une D2 pour se jauger encore mais Reims, parfait. J’ai vu des matches, c’est un autre niveau. On sait l’écart qu’il y a entre nous et eux. C’est un match de gala pour nous.
Que s’est-il passé à la mi-temps du match de Coupe contre Colomiers ? Vous parliez de « vous jauger », mais que se passe-t-il quand vous rentrez aux vestiaires menés par cette équipe de R2 ?
C’était la première fois qu’on était mené au score. On a pris conscience que, il y avait eu des vacances juste avant, que les filles n’avaient pas travaillé comme il fallait. Nous les avions libérées pour profiter de leurs familles, mais avec un programme à suivre. Sur la première semaine, on s’est entraîné, mais on a senti qu’on allait avoir du mal. À la mi-temps, les filles ont pris conscience de ce qu’il fallait faire et elles sont mieux revenues. Physiquement et techniquement.
Et en R1, pour l’instant tout se passe bien et parmi vos temps forts, la victoire sur le terrain du club avignonnais qui est le seul qui tient la cadence ?
On le savait. Nous étions allées gagner là-bas en marquant dès la première minute. Un match qui s’est déroulé comme on l’avait espéré. Cela a été une belle victoire maîtrisée, méritée. C’était du gros travail. Nous étions focalisés sur elles, nous l’avions préparé encore plus que les autres. Déjà, on veut terminer avec une victoire ce week-end pour terminer championnes d’automne et préparer Reims sereinement avant de reprendre le championnat et de se remettre au travail.
Propos recueillis par Jérôme Flury
Photo © MarcelloFotography06 – A.S Monaco Féminine