Le conflit entre Trinity Rodman et la NWSL est monté d’un cran. L’association des joueuses américaines a engagé une procédure qui pourrait bien rebattre les cartes du football mondial. Et la menace d’un départ de la star pèse lourd dans la balance.
C’est une véritable bataille médiatique qui s’est engagée outre-Atlantique qui vient secouer la trêve hivernale américaine. Trinity Rodman, l’icône en puissance du soccer américain, est en train de faire vaciller le modèle de la NWSL. A 23 ans, la championne olympique avec la Team USA l’été dernier a toujours été sous le feu des projecteurs. Trinity Rodman a été suivie avec une attention particulière dès son plus jeune âge. Elle porte en effet l’héritage sportif du fantasque basketteur des années 90 Dennis Rodman. Sa cote a encore pris du gallon depuis que sa relation avec le tennisman Ben Shelton a été révélée en mars 2025.
Trinity Rodman, l’icône qui fait vaciller la ligue américaine
Mais au-delà de son entourage, Trinity Rodman est une véritable pionnière. En 2021, la Californienne saute le traditionnel soccer universitaire et devient la plus jeune joueuse draftée de la NWSL à 18 ans. Le Washington Spirit, dont Michelle Kang deviendra propriétaire majoritaire l’année suivante, mise gros sur elle. Et à raison, avec 28 buts et 21 passes décisives en près de 100 matchs de championnat, l’ailière est l’une des plus décisives. Rodman est récompensée par deux fois dans l’équipe-type de NWSL (2021 et 2024). En effet, le Spirit court après un titre en championnat depuis 2021. Avec l’expiration imminente de son contrat cet hiver, Kang lui propose de rempiler pour 4 ans avec un salaire annuel moyen d’1 million de dollars.
Et sa notoriété dépasse aujourd’hui le monde du sport. Le célèbre magazine Forbes vient tout juste de la sélectionner parmi les moins de 30 ans les plus influents du monde. Comme le dit Meghann Burke, la représentante de la NWSLPA, l’association des joueuses de la ligue, « Trinity Rodman est perçu comme le visage de la NWSL, elle est l’une des athlètes les plus valorisées mondialement ».
Salary cap et centralisation, gage de stabilité de la NWSL
Pourtant pour la NWSL, c’est niet. La ligue cherche à garder le contrôle un modèle égalitaire à l’américaine basée sur des franchises dépendantes. Par ailleurs, la ligue estime que ce contrat contourne les règles du salary cap. En d’autres termes, aucune joueuse n’est au-dessus de la ligue. Comme le révèle la commissaire de la ligue Jessica Bearman, le salary cap est fixé à 3,3 millions de dollars par club.
Ce système mis en place comme dans d’autre ligue fermée nord-américaine (MLS, NFL, WNBA… etc.) permet d’éviter qu’une poignée de clubs dominent financièrement. Cela limite aussi ce qu’un club peut offrir individuellement, même à une star. En effet, la NWSL doit éviter le mauvais souvenir de ces prédécesseurs, la Women’s United Soccer Association (WUSA) puis la Women’s Professional Soccer (WPS) qui ont toutes deux fait faillite dans les années 2000.
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Un des avantages incontournables de la NWSL est l’existence d’un salaire minimum élevé, fixé à 48 500 dollars par an en 2025. Celui-ci devrait monter à 82 500 dollars d’ici 2030. A titre de comparaison, leur principale concurrente, la WSL anglaise, avait une moyenne salariale autour des 47 000 livres sterling en 2022 (soit 60 000 dollars américains). Mais cette dernière, même s’il s’agit d’une ligue ouverte, a aussi décidé de mettre en place un salaire minimum. Celui-ci est fixer à 40 000 livres sterling (soit 53 400 dollars américains) pour les joueuses de 23 ans et plus. La WSL devrait donc désormais concurrencer voire dépasser la ligue américaine en termes de moyenne salariale.
« Nous ferons tout pour garder Trinity Rodman » (NWSL)
Ce système de plafonnement collectif permet donc à la NWSL de mettre les clubs sur un pied d’égalité. En revanche, cela limite aussi ce qu’un club peut offrir individuellement, même à une star si le reste de la ligue ne suit pas. Avec un salaire d’environ 1 millions de dollars par an, Trinity Rodman couvrirait donc un tiers de l’enveloppe du Washington Spirit à elle seule. Ce salary cap par club devrait progressivement dépasser les 5 millions de dollars à horizon 2030. Jessica Bearman considère tout de même que ce contrat exorbitant allait à l’encontre de l’esprit des règles de la NWSL. Elle avait précédemment déclaré que le fait que les propriétaires ne puissent pas se surenchérir permettait de maintenir la parité.
La NWSL cherche l’équilibre entre conserver sa star mais aussi son modèle. C’est exactement ce qu’indique le porte-parole de la ligue auprès du media Bloomberg, « nous ferons tout notre possible, en utilisant tous les moyens à notre disposition dans le cadre de nos règles, pour garder Trinity Rodman ici ». Mais la question est plus large, qui a vraiment le pouvoir ici ? La campagne médiatique et économique menait par Trinity Rodman dépasse en fait son seul contrat. La joueuse emmène dans son engrenage l’association des joueuses de la NWSL qui sent le vent tourner. Alors que la NWSL fixe le salary cap et valide tous les contrats ou impose une draft à ses clubs, les joueuses comme Trinity Rodman représente un réel contre-pouvoir.
L’USLS et les tops clubs européens suivent de près
L’association des joueuses soutient donc sa star Trinity Rodman et a enclenché un procédure de médiation auprès de la NWSL. Auprès du media The Athletic, Burke indique que la NWSLPA « conteste le rejet de cet accord par la ligue au motif qu’il viole ses droits en matière liberté contractuelle ». La NWSL a 14 jours pour répondre à cette plainte. Et cette réponse sera scrutée attentivement par l’élite du football mondial. Trinity Rodman, qui avait exprimé ses velléités de départ vers l’Europe au micro d’ESPN en mars dernier, pourrait y partir dès cet hiver.
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L’Europe jouit d’un système plus souple avec des clubs pouvant contracter librement avec une supervision de leur santé financière a posteriori. Les écuries européennes comme Chelsea sont capables de proposer des contrats juteux au-delà des limites de la NWSL. Cette année, les Blues ont fait venir de Californie des stars américaines comme Naomi Girma en provenance de San Diego ou encore Alyssa Thompson d’Angel City pour des sommes autour du million de dollars. D’autres clubs comme Arsenal mais aussi l’OL Lyonnes de Michelle Kang semblent en mesure de concurrencer Chelsea sur ces montants.
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Mais la menace ne vient pas que d’Europe. Les Etats-Unis sont si grands qu’il y existe plusieurs ligues concurrentes. La Gainbridge Super League, faisant partie du réseau de l’US Super League (USLS), fait par exemple partie de ces alternatives. Elle se présente sans draft et sans plafond strict ce qui offre aux joueuses plus de liberté et de négociation. De plus, l’USLS propose un calendrier aligné avec les meilleures ligues européennes pour renforcer sa crédibilité. Suivant les tensions entre Rodman et la NWSL, l’homologue du Washington Spirit en USLS, le DC Power, vient justement proposer un contrat d’1 million de dollars par an à Rodman.
Un système face à ses limites, une nouvelle ère qui s’ouvre ?
Cette bataille médiatique et financière entre la NWSL et Trinity Rodman annonce une nouvelle ère pour le soccer américain. Et le vent tourne en la faveur de Rodman. La sélectionneuse de la USWNT Emma Hayes et la présidente du Spirit Michelle Kang ont toutes deux apporté leur soutien à sa lutte.
Ce qui inédit, c’est qu’une concurrence réelle existe entre ligue professionnelle américaine et d’autres ligues étrangères. D’habitude, les ligues américaines sont soit dominantes ou en monopole (comme la NBA, la NFL ou la WNBA), soit en retrait (comme la MLS). Dans ce conflit, la NWSL n’a pas le droit a l’erreur pour rater le virage de l’élite du football mondial. La WSL anglaise qui guette le faux pas américain, pourrait alors définitivement s’imposer comme la ligue dominante chez les femmes. Ce qui est sûr aujourd’hui, c’est que la NWSL ne peut pas se permettre de perdre Trinity Rodman.
Julien H
