Elisa De Almeida : « Je me sens très bien à Montpellier même si cette saison est frustrante »

La défenseure française de Montpellier Elisa De Almeida, nous a accordé un long entretien au cours duquel elle analyse sa saison à Montpellier, son jeu porté vers l’avant, son expérience en équipe de France mais aussi l’évolution du foot féminin en Europe. Toujours avec le sourire, la jeune joueuse de 23 ans nous raconte la défaite contre les championnes du monde américaines. en avril et sa relation avec Wendie Renard.

Vous êtes un visage connu du championnat malgré votre jeune âge (23 ans). Vous n’aviez d’ailleurs que 18 ans quand vous avez fait vos premiers pas en D1 avec Juvisy. Pourquoi avoir choisi Montpellier ? 

Le choix de partir du Paris FC était compliqué. C’était quand même mon club formateur. Je n’avais jamais réellement quitté la région parisienne ni ce club-là. Mais j’avais aussi envie de voir comment ça se passait ailleurs. Alors, quand Montpellier m’a contactée, le projet m’a directement plu.

J’avais échangé avec le coach Fred Mendy et c’est vrai qu’ils m’ont attirée sportivement car ils jouaient le podium. J’ai pensé à la troisième place qui allait être qualificative pour la Ligue des championnes et je me suis dit « fonce quoi ». Au final, je ne regrette pas du tout parce que je suis super bien à Montpellier.

Quel regard portez-vous sur votre saison dans le Sud ? Vous avez parlé de « frustration » dans l’une de vos dernières interviews…

On avait un groupe pour faire mieux. On a fait énormément de faux-pas qui nous coûtent cher au classement. Donc oui, je suis sur un sentiment de frustration. Quand tu n’as pas les capacités, tu ne peux pas être frustrée. Tu perds parce que c’est logique que tu perdes. Mais là, je sais qu’on avait les capacités et le groupe pour aller chercher plus haut. Donc c’est vrai que je suis un peu déçue. 

« Je me sens très bien dans cette équipe et je ne regrette pas du tout d’être partie du Paris FC. C’est du bonheur au quotidien. »

Je me sens bien dans cette équipe et je ne regrette pas du tout d’être partie du Paris FC. L’intégration était top dès mon arrivée. Et encore à l’heure actuelle, je me sens bien dans le club. C’est du bonheur au quotidien. C’était un vrai changement pour moi. Je ne connaissais pas beaucoup de filles dans l’équipe mais ce n’est pas quelque chose qui me freine de ne pas connaître les gens. Je suis contente d’avoir fait ce choix-là.

Qu’attendez-vous de cette fin de saison, vous avez déjà un peu la tête à la rentrée prochaine ? 

Là, notre état d’esprit se tourne plus sur l’envie de finir la saison de la plus belle des manières. Je ne pense pas que nous ayons déjà la tête à la saison prochaine. On veut d’abord bien finir cette saison et après on pensera à la suivante.

La France connaît également une densification de la concurrence. Nous parlions de la troisième place à l’instant, vous vous attendiez à avoir un match aussi compliqué avec Bordeaux, le Paris FC voire avec Guingamp ? 

Je trouve que le niveau se resserre énormément en D1 et c’est top. On ne se dit plus que les rencontres vont être faciles et on ne voit plus les gros scores comme lorsque Lyon gagnait 14-0. On peut avoir des surprises tous les week-ends et je trouve ça super bien. La troisième place rajoute un enjeu.  

Photo © Montpellier

D’un point de vue plus personnel, vous n’hésitez pas à monter et votre rôle fait penser au poste de libéro, qu’en pensez-vous ? 

C’est vrai que j’ai des phases où j’ai envie de prendre le ballon et de monter. Je pars et je ne reviens plus. Quand le coach m’a mise en 6 contre Issy, Anouk (Dekker) m’a directement dit : « Elisa, tu commences pas à aller partout, tu restes derrière quand même ».

Comment en êtes-vous arrivé à jouer défenseure centrale ?

Je suis devenue centrale un peu par hasard. De base, je n’étais pas du tout à ce poste-là. J’ai démarré numéro 9 ou excentrée sur le côté et je suis redescendue au fur et à mesure. Je ne sais pas exactement pourquoi. Il me semble que j’ai essayé juste avant de quitter les garçons et j’ai directement apprécié.

Franchement, j’ai trop aimé le fait de voir tout le jeu et de diriger un peu l’équipe… Depuis, je n’ai jamais lâché ce poste, à part les rares fois où je joue sur le côté droit.

Vous avez des qualités techniques intéressantes, cela vous permet-il d’évoluer un peu partout sur le terrain ? 

C’est vrai que je me mets devant sur des petits jeux où nous n’avons pas de poste à respecter à l’entraînement. Après, j’aime bien être latérale ou jouer en 6. J’ai bien aimé jouer devant la défense il y a deux semaines contre Issy. Je ne m’attendais pas du tout à autant apprécier ce poste.

Ce match contre Issy s’est conclu par votre premier but avec Montpellier, comment l’avez-vous vécu ? 

J’étais trop contente ! Ça faisait un petit moment que je l’attendais. Et ça m’a vraiment fait quelque chose de le mettre avec Montpellier où je suis vraiment super bien avec mes coéquipières. J’étais trop contente de marquer à ce match-là.

Photo © A2M Sport Consulting

Curieusement, vous affichez plus de buts en équipe de France qu’en club…

Je ne sais pas pourquoi… Mon coach me posait la question à chaque fois. Je ne sais pas l’expliquer. J’ai certes joué un peu plus à droite en sélection, mais mes buts viennent de coups de pied arrêtés. Je pourrais donc marquer à Montpellier de cette façon-là mais bon, ça ne veut pas rentrer ! 

Quelles sont, d’après vous, vos principales qualités et les points de votre jeu sur lesquels vous pouvez encore progresser ? 

Sur les qualités je dirais la vision du jeu et la vitesse. Concernant les points à améliorer, je vais parler des duels offensifs. Je dois aussi me canaliser, ne pas faire de fautes bêtes ou inutiles sous l’énervement ou sous la colère quand on perd. Je suis un peu mauvaise joueuse ou mauvaise perdante.

Dans l’axe de la défense française, impossible de ne pas parler de Wendie Renard. Qu’est ce que ça fait de jouer en sélection à ses côtés ? Est-elle un modèle pour vous ? Sur le leadership aussi, alors qu’on vous présente comme une patronne en puissance ?

Je l’ai déjà dit mais c’est pour moi une des meilleures à mon poste donc je ne peux qu’apprendre à ses côtés. Elle nous aide énormément, elle me conseille, elle me parle. J’ai tout à apprendre de Marion (Torrent), de Wendie, et des plus expérimentées en équipe de France.

« En club j’ai plus de facilités à diriger, y compris avec Anouk Dekker qui a quand même l’expérience. Ce n’est pas pareil quand on les côtoie au quotidien. »

En club j’ai plus de facilités à diriger, y compris avec Anouk Dekker qui a quand même l’expérience. Ce n’est pas pareil quand on les côtoie au quotidien. Anouk et moi, on a une certaine relation. Elle sait que si je dois lui dire quelque chose demain, je lui dirais.

Vous êtes grande mais mesurez quand même une quinzaine de centimètres de moins que Wendie Renard… (Elle coupe)

Alors sur internet il est marqué 1,71m… mais j’ai grandi, je mesure 1,75m. Bon ça fait toujours 12 centimètres de moins que Wendie (rires).

Très bien, restons sur 1,75m ! Vous êtes grande mais vous avez aussi une bonne détente, vous l’avez démontré encore récemment en remportant de nombreux duels défensifs avec les bleues. Vous travaillez spécifiquement là-dessus ?  

Je ne le travaille pas forcément. Cela a toujours été un point qui me stimule, par exemple sur les phases défensives. J’adore les duels aériens mais après douze centimètres de moins que Wendie ça fait la différence quand même. Quand on jouait contre Lyon, je la prenais au marquage : c’est tirage de maillot et voilà quoi (rires).  

Elisa De Almeida
Elisa De Almeida célèbre son but contre la Macédoine du Nord avec Valérie Gauvin lors du match de qualification pour l’Euro, le 23 octobre 2020 (victoire 11-0). Photo © Anne-Sophie Lecouflet

Hormis Wendie Renard, vous avez d’autres modèles ?

Je regarde énormément Paredes au PSG, cette année elle est incroyable. Mais sinon j’ai beaucoup plus de références masculines. Mais c’est aussi parce que je suis H24 devant ma télé sur du foot masculin. 

C’est aussi dû au fait que le football féminin n’est pas toujours accessible ? 

C’est vrai que ce n’est pas très accessible. Je regarde un peu la D1 quand on ne joue pas toutes en même temps. Je vais par exemple suivre le match entre le PSG et le PFC jeudi soir (l’entretien téléphonique a eu lieu mardi). Les garçons ne jouent pas à la même heure donc c’est obligé que je regarde City-PSG.  

Quelles équipes prenez-vous plaisir à suivre au niveau féminin ?

Déjà je dirais le PSG. Elles m’ont agréablement surprise cette saison. J’admire la force collective qui se dégage de cette équipe. Je pourrais parler de Guingamp aussi. Elles font une excellente deuxième partie de saison et franchement je ne les attendais pas… Enfin, je les attendais sans les attendre. Cela ne m’étonne pas en fait. Je connais quelques joueuses là-bas.  

Vous vous imposez en équipe de France mais vous êtes aussi arrivée à un moment où des joueuses étaient blessées, vous ne considérez pas, malgré l’enchaînement de belles performances, votre place en bleue comme assurée ? 

« Quand tu vas en équipe de France, tu t’entraînes avec ce qui se fait de mieux, donc c’est super plaisant. Tu ne peux qu’apprendre aux côtés de filles comme ça. »

Oula non. Je ne considère pas du tout ma place comme acquise. Je suis contente quand je suis appelée, j’essaye de tout donner quand j’ai l’opportunité de le faire mais je sais ça ne s’arrête pas là. Quand tu vas là-bas, tu t’entraînes avec ce qui se fait de mieux en France, donc c’est super plaisant et tu ne peux qu’apprendre aux côtés de filles comme ça.

J’imagine que c’est plus agréable de retrouver certaines joueuses avec vous et pas contre vous, comme Delphine Cascarino ou Marie-Antoinette Katoto… Quelles sont les attaquantes les plus coriaces que vous ayez pu affronter ? 

Je dirais Katoto et Khadija Shaw. Pour moi, les deux sont complètes. Elles sont explosives et peuvent faire la différence sur leurs premiers appuis. Quant à la finition… Ce sont les deux meilleures buteuses du championnat donc ce sont des tueuses. Elles sont trop fortes dans les duels aériens. Ce sont aussi les deux attaquantes contre qui je préfère jouer.   

Le prochain match est d’ailleurs contre Bordeaux, vous êtes prête à affronter la buteuse jamaïcaine ?

Ce sont des matches que j’adore jouer face à ces attaquantes-là. Moi c’est bon, je suis prête. Déjà on verra où je joue, parce que je ne sais pas encore quel poste je vais avoir, mais je suis prête.

Revenons à l’EDF, l’opposition contre les États-Unis s’est révélé compliquée… Vous retenez plus la difficulté du match ou la chance de jouer contre les championnes du monde ?

Ce sont des matches auxquels toute fille rêve de jouer. Je ne me mets pas forcément plus de pression quand j’affronte les États-Unis que quand j’évolue en D1 le week-end. Pour moi ça reste du foot, c’est une passion et c’est vrai qu’affronter Alex Morgan ou Megan Rapinoe, c’est juste un kiff en fait.

Elisa De Almeida au duel avec Alex Morgan lors de la défaite des Bleues (2-0) contre les États-Unis, mardi 13 avril 2021. Photo © Guillaume Bigot-FFF

Donc certes tu apprends sur le terrain mais tu joues, tu donnes tout, tu kiffes. Encore une fois, cela reste ma passion. Je ne me prends pas la tête. Jouer face aux Etats-Unis était un rêve de gosse car c’est la meilleure nation du monde. Tout comme l’Angleterre qu’on avait battue juste avant. C’étaient de très très belles affiches. 

Les Américaines sont des professionnelles qui s’entraînent très régulièrement et qui présentent des qualités athlétiques et techniques très grandes, vous ne vous êtes pas sentie débordée sur le terrain ? 

Non, en vérité, ça allait. On voit directement que c’est du très haut niveau avec les appels d’Alex Morgan, de Carli Lloyd qui est rentrée à la fin ou même de Rapinoe sur le côté. C’est le haut niveau c’est sûr…

Pourriez-vous envisager de jouer à l’étranger dans votre carrière, comme ont décidé de le faire vos anciennes coéquipières Valérie Gauvin ou Sandie Toletti ? 

L’étranger, pourquoi pas, c’est quelque chose qui m’attire. On en parle un peu en sélection avec celles qui jouent à l’étranger : Aïssatou (Tounkara) ou Valérie (Gauvin). Mais je n’ai pas de pays de préférence. C’est vrai que les championnats d’Espagne et d’Angleterre sont attrayants et sont en train de monter mais je ne suis pas fermée à d’autres pays non plus. 

Historiquement l’Allemagne et la France possédaient les deux championnats phares, désormais les choses évoluent en Europe… Quel regard portez-vous sur ces changements ? Trouvez-vous que le championnat français manque un virage important ? 

Je trouve qu’on avait un temps d’avance qu’on est peut-être en train de perdre petit à petit quand je vois l’Espagne et l’Angleterre qui arrivent à vitesse grand V. Après, la France reste l’un des championnats les plus attrayants du foot féminin.  

Propos recueillis par Jérôme Flury
Photo © A2M Sport Consulting

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