Vanessa Le Moigne, présentatrice à beIN SPORTS, a répondu aux questions de Footeuses avant la finale de Coupe de France féminine opposant Fleury au Paris Saint-Germain samedi à Montpellier.
À quand remonte votre premier souvenir de football féminin ?
Honnêtement, masculin comme féminin, je regarde le football depuis longtemps. Je le suivais déjà au niveau amateur. Je suis née à St Germain en Laye et j’allais souvent au Camp des loges pour regarder des jeunes jouer et parfois il y avait les filles.
Sinon évidemment c’est l’équipe de France. J’ai la chance aujourd’hui de travailler avec celle qui m’a le plus marqué c’est Louisa Necib, qui était juste incroyable. Mais quand j’ai commencé à suivre, les matchs de l’équipe de France n’étaient pas tous diffusés. J’ai des souvenirs aussi de Marinette Pichon, la joueuse la plus emblématique et qui a laissé le plus de traces en France si tu prends ma génération.
Qu’est ce qui vous plaît dans les rencontres disputées par les femmes ?
Rien en particulier, c’est un match de foot pour moi. C’est ce qu’on réalise aussi dans le traitement, les avant matchs, les mi-temps, les après-matchs je traite ça de la même façon que quand je le fais pour les garçons. En fait, je regarde exactement de la même façon et sans faire de comparatif. C’est la clé pour y aller sans se dire c’est moins bien ou c’est mieux que les garçons.
Les évolutions ont néanmoins été conséquentes dans la pratique féminine du football, médiatisation, affluences, moyens investis… Qu’est ce qui vous marque le plus ?
Déjà la considération. La pratique du sport, c’est l’appropriation personnelle de ton propre corps, c’est une forme de pouvoir et la presse française disait au tout début que les femmes ne devaient pas être dans le football et même que c’était même dangereux pour leur corps. Cela a été un premier frein à la pratique du football. La première section féminine du moins dont j’ai le souvenir, c’est le Paris Saint Germain, il me semble en 1973.
« Les joueuses ont changé. Elles sont plus rapides, plus puissantes. Il n’y a qu’à voir Chawinga ! »
Ça c’est pour la structuration, mais ce qui me marque aussi, c’est dans l’évolution de la pratique sur le terrain. Les joueuses ont changé, elles sont aujourd’hui plus rapides, plus puissantes. Tu le vois même physiquement, dans les impacts, que quelque chose a changé et on voit encore plus cette saison avec l’exemple de Tabitha Chawinga, c’est incroyable les capacités physiques qu’elle a. Il y a aussi la technique qui change parce qu’elles sont accompagnées plus tôt, elles apprennent vraiment le football.
Certaines joueuses ont longtemps été avec les garçons en club, comme Amel Majri, Sakina Karchaoui, ça leur a coûté d’aller jouer avec les filles parce que chez les filles, il n’y avait pas la même formation. Avec cette génération là, les filles étaient tiré vers le haut en jouant avec les garçons au début.
Dans cette évolution, afin de construire un cercle vertueux de mise en avant du football féminin, les médias jouent un rôle essentiel. Vous avez déjà parlé de vos modèles sportifs plus jeunes. Avez-vous conscience de votre rôle clé en diffusant des matchs féminins ?
Oui, complètement. Pour moi, c’est notre responsabilité. Avant de commencer ce métier je me disais pas que j’allais avoir une responsabilité et en fait, petit à petit, je me suis rendue compte que si. Surtout ces dernières années avec la RSE (Responsabilité sociétale des entreprises), qui concerne aussi les médias. Dans le traitement du sport, traiter de la même façon hommes et femmes, c’est aussi valoriser le sport, valoriser la pratique féminine. C’est ultra important rendre visible ces visages là, leur donner la parole, inscrire les femmes dans le récit historique du sport car c’est quelque chose qu’on ne faisait pas.
Le seul moyen pour des femmes d’exister jusqu’à maintenant ça a été de la performance et c’est ce qu’on demande encore à l’équipe de France féminine, il leur faut une médaille pour rentrer au Panthéon des sportifs. Les livres aussi sont importants pour mettre en valeur ce récit. La différence avec les garçons, c’est que les joueuses n’étaient pas rendues visibles, car c’était des hommes, pas tous évidemment, qui étaient dans les médias, à la télévision, en presse écrite.
Le nombre de licenciées augmente (247 000) et le nouvel objectif est établi à 500 000 à l’horizon 2028. Nouveau logo, nouveau nom des championnats… beIN et les médias ont un rôle important à jouer dans ce sens ?
J’étais très contente quand on a récupéré les droits de la Coupe de France parce dedans il y avait la coupe de France féminine et tout de suite, ça a été une volonté de la chaîne de valoriser ce droit là et de faire en sorte que ce soit bien traité.
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Seulement, les télévisions comme la FFF attendent un retour sur investissement. Pour l’instant, c’est à perte, mais rien ne dit que cela le sera à long terme. C’est du business. Il faut juste trouver la bonne formule, parce que tu ne peut pas appliquer le modèle masculin. Le cercle vertueux, c’est aussi profiter de ce que tu gagnes avec le football masculin pour investir sur le football féminin comme on le fait dans le football amateur.
L’affiche de la finale (Fleury-PSG) n’est peut être pas celle attendue en début de saison, ce qui n’est pas forcément une bonne nouvelle pour les diffuseurs. Mais justement, c’est un événement à part, il faut arriver à le vendre comme cela ?
Moi je ne le vois pas du tout comme ça, parce que quand j’ai cette affiche là, je trouve cela génial parce que justement ça va changer de d’habitude, ça montre que la suprématie lyonnaise n’est pas forcément systématique et que tu as d’autres clubs avec des modèles différents aussi.
La façon dont ils ont construit leur projet du côté de Fleury c’est vraiment différent de celui de Lyon ou d’un PSG, déjà si on regarde le budget, c’est 1/10ème de ce qu’investit le section féminine du PSG et encore. Fleury c’est le seul club en D1 Arkema qui n’a pas de section masculine au plus haut niveau. Ils ont un centre de formation aussi, ils s’appuient sur leur formation, sur leurs jeunes en allant repérer des joueuses à faire progresser et je trouve l’approche très bonne. Le mécénat y jour un rôle essentiel, avec des partenaires privés qui s’y retrouvent.
La seule chose difficile, c’est que la finale est à Montpellier, un peu loin. On a besoin de voir des stades qui sont pleins. On arrive à le faire en Espagne, en Angleterre, en Allemagne, pourquoi on n’y arrive pas dans ce genre d’affiches en France ? C’est là qu’il y a une réflexion plus globale à faire. Tu ne vas pas me dire que ça n’intéresse personne, tout est une question de cible et de communication aussi, on arrive à le penser dans le football masculin, pourquoi on ne fait pas chez les filles ?
PSG, OL, Paris FC en Coupe d’Europe cette saison… Même si les affluences ne sont pas encore celles de l’Espagne ou de l’Angleterre, est ce que le championnat français peut être le plus fort ? Êtes-vous optimiste ?
La nouvelle ligue professionnelle pour les filles est un tournant. Il y a différentes logiques en France, comme au Paris FC qui a proposé la gratuité des places au stade pour ramener du monde. Ou la logique de Michele Kang, qui souhaite valoriser une équipe qu’elle a acquis. Je trouve intéressant tous ces parcours là.
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Par contre, là où j’ai des craintes, c’est plus dans ce que peuvent proposer les autres championnats en Angleterre notamment et comment ils arrivent à attirer des joueuses/ Imaginons par exemple, voir Katoto partir pour un autre championnat, ce serait très dommage. Chawinga est en prêt au PSG aussi. Il faut sécuriser les joueuses, c’est la même chose pour Lyon. Avoir une Gaëtane Thiney qui prolonge encore d’un an du côté du Paris FC, c’est très intéressant parce ça veut dire que dans le lancement de cette nouvelle ligue pro, tu as toujours une figure forte. Il faut des incarnation un peu partout, des modèles.
Par ailleurs, pour l’instant, on a un gros problème au niveau des infrastructures en France et que ce soit au niveau des sections qui vont jouer le haut niveau mais aussi chez les amateurs. La proximité, c’est aussi de se dire qu’une petite fille peut avoir un créneau dans une équipe féminine si elle veut jouer qu’avec les filles ou avec les garçons si elle veut mais il faut des terrains, des créneaux. Le gros problème aujourd’hui est ici, il reste tout à faire.
Propos recueillis par Jérôme Flury
Photo© beIN SPORTS