Algérie, Suède, West Ham : entretien avec Inès Belloumou, lancée dans une folle année 2025

Inès Belloumou, native de Martigues, a vu sa carrière s’emballer depuis son départ de la France. Bayern Münich, signature à West Ham, obligation d’être prêtée à l’étranger avec deux expériences consécutives en Italie et en Suède, le tout en découvrant la sélection d’Algérie… L’arrière gauche est revenue en détails sur sa carrière, tout en évoquant aussi sa passion pour la mode et sa hâte de jouer la CAN. Rencontre.

Inès, pour commencer, parlons de la sélection algérienne que vous venez de rejoindre en début d’année. Pourquoi, comment cela s’est-il fait ?

« L’Algérie, c’est très spécial pour moi. Il y a beaucoup de Franco-Algériens qui vivent en France, qui ont parfois des liens ténus avec l’Algérie. Moi, c’est l’inverse, j’ai certes grandi en France, je suis reconnaissante envers mes parents pour cela, mais je suis toujours souvent allée en Algérie, plusieurs fois par année depuis que je suis jeune. J’y ai beaucoup de famille, mes tantes, mes oncles. Ce ne sont pas juste des origines, l’Algérie, c’est chez moi !

Quand le coach Farid (Benstiti, NDLR) est venu vers moi pour le changement de nationalité sportive, je me suis dit, pourquoi pas. J’ai fait toutes les sélections jeunes de la France et je suis très reconnaissante envers l’équipe de France et j’étais très contente de porter le maillot des Bleues. Mais il me manquait un petit truc. Et quand j’ai évoqué la possibilité de jouer pour l’Algérie avec mes parents, j’ai vu dans leurs yeux l’importance qu’ils y donnaient eux aussi. Tout a été très facile. Or, quand c’est facile, c’est que c’est fait pour toi.

« Quand tout est facile, c’est que c’est fait pour toi. »

J’étais dans un esprit un peu triste en début d’année, de ne pouvoir jouer pour West Ham, mais j’avais cette grosse envie de jouer pour l’Algérie. On devait faire tous les papiers, qui prennent du temps. Au final, ils sont arrivés plus vite que prévu ! J’ai pu faire les qualifications (contre le Sud Soudan, fin février), cela s’est merveilleusement bien passé. Le match retour, c’était à 20 minutes de chez nous, toute ma famille est venue, c’était la première fois qu’ils me voyaient jouer en vrai ! Je n’oublierai jamais. »

Cela s’est vu, vous semblez avoir vécu ce rassemblement comme une magnifique bulle de bonheur…

« Vraiment, je n’oublierai pas la confiance du coach aussi. Je sortais d’une première partie de saison compliquée à la Lazio. En arrivant ensuite à Malmö, je n’ai pas de mots pour le coach, Jonas Valfridsson. Il m’a fait revivre, redécouvrir l’amour du foot. Quand tu traverses une telle épreuve, tu te remets en question. J’avais quitté le Bayern pour jouer plus et cela se passe mal… Mes coéquipières en sélection m’ont aidé. Là, on a retrouvé Inès ! C’était mon premier rassemblement, on a gagné les deux matchs, s’ouvrant les portes de la CAN l’année prochaine. »

Quelles sont vos ambitions à moyen terme ?

« Mon prêt à Malmö se termine déjà, mais j’ai découvert un club et un pays qui m’ont agréablement surpris. On a fait un super début de championnat, avec des résultats et de belles prestations. Côté ambitions, c’est la Coupe d’Afrique en premier. On a une bonne équipe, j’ai envie d’aller le plus loin possible. Je pense qu’on peut faire quelque chose de beau. On connait la ferveur marocaine, les stades seront plein.

Côté club, je veux finir le plus haut possible avec Malmö et partir en me disant que j’ai tout donné, que je n’ai pas de regrets. Je veux voir les filles en ligue des championnes l’année prochaine, le club le mérite. Puis West Ham. Cela fait longtemps que j’aurai dû jouer là-bas. En quittant le Bayern, à cause des règles du Brexit, je n’avais pas les points requis pour évoluer en Angleterre. D’où ce premier prêt à la Lazio Rome. Il fallait ensuite un deuxième prêt. West Ham aurait pu rompre mon contrat, mais ils veulent vraiment que je joue pour eux, ils misent sur moi, je veux leur rendre cela. Pourquoi pas accrocher l’une des cinq premières places ! J’ai une hâte immense d’y être. »

Vous vous préparez déjà au championnat anglais ? C’est encore un autre niveau…

« Honnêtement, le championnat suédois est peut-être sous-côté. C’est déjà très fort ici, c’est très physique, les joueuses courent vite, balle au pied, c’est propre… Je ne pense pas vivre un choc en arrivant à Londres. Quand je suis arrivée au Bayern, c’était un choc ! Les entraînements étaient plus durs que les matchs ! Alors oui, il y a des équipes énormes en Angleterre, comme Arsenal qui a gagné la coupe d’Europe. Mais j’arrive sans appréhension. C’est mon souhait depuis petite, de jouer en Angleterre. »

Malmö, cela s’est décidé comment ?

« En janvier, j’étais encore à Rome, mais je ne voulais plus y rester. West Ham et mon agent ont cherché un club qui pourrait m’accueillir cinq mois. Le championnat suédois était le plus cohérent. J’ai eu l’appel de Malmö en premier et j’ai dit « je veux aller là-bas », je ne connaissais même pas le club, mes frères connaissaient. Mais j’ai eu le coach et le directeur sportif en ligne et j’ai dit à mon agent que je voulais y aller. Ils n’ont pas baratiné, ils m’ont dit qu’ils avaient besoin d’une arrière gauche, ils m’ont montré qu’ils avaient vu mes vidéos, c’était carré, pro. »

Malmö vient de connaître cinq promotions successives en cinq ans !

Vous avez fait Allemagne, Italie, Suède, bientôt l’Angleterre à même pas 24 ans, c’était l’idée de départ ? Vous adorez le voyage ?

« Je ne m’attendais pas à bouger autant. J’ai fait cinq ans à Montpellier, j’ai ensuite eu l’opportunité de signer un contrat de 2+1 ans au Bayern. Après, peu importe où je suis, si je ne joue pas, je ne veux pas y rester. J’aime trop le foot pour rester sur le banc et regarder les autres jouer.

« J’aime trop le foot pour rester sur le banc »

Munich, c’était incroyable, mais je n’étais pas heureuse. Je pense que même eux étaient surpris que je demande à partir, mais c’est mon caractère. Je suis un leader sur le terrain, j’ai besoin d’être comme cela. Cela arrive d’être parfois sur le banc mais je ne peux pas l’accepter toute une saison. West Ham m’avait déjà suivie avant le Bayern. J’ai signé chez eux et finalement, j’ai dû faire deux pays en un an. Ce n’était pas prémédité. Alors certes, je suis quelqu’un qui adore voyager, je planifie à l’avance mes séjours avec mes amies, mais côté foot, j’aime m’installer quelque part. Aujourd’hui, je ne regrette aucun de mes passages en club, j’ai appris énormément de toutes les cultures. »

Justement, c’est une force d’avoir pu vivre toutes ces expériences, en quoi cela a forgé la joueuse et la femme que vous êtes aujourd’hui ?

« Je suis quelqu’un qui aime beaucoup m’inspirer, observer. La joueuse que je suis aujourd’hui, c’est grâce à Montpellier, au Bayern, à la Lazio, à Malmö. On ne peut pas vivre que des succès et plaire à tout le monde, mais je ne tire que des bonnes choses, même de l’Italie. Maintenant je parle couramment italien, je comprends l’allemand… J’en suis très contente. Bon, pas le suédois, je le reconnais, tout le monde parle anglais ici. »

Vous échangez avec Viviane Asseyi avant votre arrivée à West Ham ? Elle vous conseille ?

« Ohlala, on a suivi ensemble mes péripéties. Elle me demandait tout le temps quand j’arrivais, parce qu’elle joue à gauche, moi aussi, on devrait jouer dans le même couloir. J’ai joué avec elle à l’OM, mais j’avais 16 ans. J’avais fait mes débuts en D1. Là, c’est trop bizarre de se retrouver alors qu’on a eu les mêmes clubs ensuite (Montpellier, Bayern). Là je lui ai dit « ça y est Vivi, j’arrive cet été ! » C’est une top joueuse. Elle a la confiance totale de la coach et pour moi, la confiance fait 70 à 80% d’une joueuse. Tu peux passer de très moyen à très bon quand tu as la confiance. J’ai hâte de jouer avec elle. »

« Pour moi, la confiance fait 70 à 80% d’une joueuse. »

Vous avez deux frères, un a arrêté le football. L’autre sort d’une saison où il était capitaine de Martigues en L2. Vous avez toujours beaucoup parlé foot ensemble ?

« C’est toujours le cas. Je suis très proche d’eux. Mes parents sont un peu plus âgés, je suis la dernière. Du coup, mon plus grand frère, Badra, c’est un peu comme mon deuxième papa, mon agent en même temps… Mes deux frères regardent tous mes matchs, on s’appelle tout le temps, ils me conseillent énormément. Même dans l’autre sens, Samir, il me demandait aussi ce que je pensais de ses matchs cette année. Hors sport, c’est pareil. On s’appelle tous les jours. Ils sont venus deux fois durant mes quelques mois en Suède. Si je suis là aujourd’hui, c’est grâce à eux aussi. Ils m’ont toujours dit les choses, que ce soit bien ou pas bien. »

Inès Belloumou s’est vite acclimatée à la Suède. Malgré un climat différent du Sud de la France !

Un mot aussi sur vos débuts… Vous avez réussi le concours de l’INSEP à 15 ans. Donc vous vous êtes retrouvée à faire des aller-retours Marseille-Paris chaque semaine à peine adolescente, c’est un peu fou non ?

« Quand je repense à cela, je me dis que si j’ai une fille de 15 ans, je ne la laisserais pas prendre l’avion comme cela ! C’est un peu fou oui, mais ce qui explique aussi qu’aujourd’hui, je suis très indépendante, j’ai des facilités à changer de pays. Quand tu arrives à Paris à 15 ans, dans un endroit que tu connais pas, les gens sont différents, te font remarquer ton accent toutes les deux minutes. Et le pire, c’est que tu dois prendre l’avion le vendredi, jouer avec l’OM, puis reprendre l’avion le dimanche, seule. Pendant trois ans, ce n’était pas facile, mais sur le moment, je ne m’en rendais même pas compte.

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Déjà à cet âge, j’aimais trop le foot. Pour moi, c’était un rêve d’être à l’INSEP, et puis notre génération, nous n’étions que cinq à intégrer la structure. Je me rappelle encore quand j’ai vu mon nom sur la liste. Ma mère était en Algérie, toute la famille autour d’elle, je l’appelle en criant « je suis prise ! », c’est un de mes plus forts souvenirs. C’était incroyable niveau infrastructures. Tu avais mal, à 15 ans, dans l’heure qui suit, tu avais le résultat de ton IRM. »

Avez-vous des modèles, joueuses ou joueurs ?

« Je vais être honnête, je regarde beaucoup de football ! J’aime beaucoup comme le PSG masculin joue. Notre coach a un peu les mêmes idées de jeu que Henrique. On part avec un système à 4, on construit à 3, je suis dans le 3, ce que j’ai toujours voulu faire. Parfois l’arrière droit sera plus haut, un peu comme Hakimi, j’ai un peu plus un rôle comme Nuno Mendes. J’aime beaucoup comme il joue. Je regarde vraiment comment leurs latéraux évoluent, leur organisation, c’est en corrélation avec ce que je fais. »

Quelque chose de différent pour terminer… Parlons de votre style ! Vous semblez faire très attention à vos tenues, avec le souci du détail même sur vos accessoires, c’est quelque chose qui vous a toujours tenu à cœur ?

« Oui, j’aime beaucoup la mode (rires) ! Au collège, je me pointais en survêtement, pour faire des matchs ensuite. Après ça, je suis redevenue une fille ! J’ai pris soin de moi, j’ai aimé cela. Pour beaucoup d’entre nous, le football, c’est la routine, tu mets ton survêtement, tu reviens chez toi, tu mets d’autres vêtements détente… Tu ne prends pas trop soin de toi. Alors quand tu le fais, tu veux le faire à 100%.

Je ne suis pas tous les jours prête à faire un défilé, mais quand je le fais, j’aime bien. Je prends plaisir à m’habiller. J’ai eu la chance de signer un contrat avec Puma, j’ai commencé à faire des shootings, j’ai découvert l’univers de la mode et je kiffe poser ! Je passe mon temps à regarder les nouveautés sur les sites. »

Il faut rappeler à ceux qui parlent de sport de garçons manqués qu’il est possible de sortir d’un match pleine de boue et d’être en talons le lendemain…

« C’est vrai que quand vous me regardez en match, vous allez vous dire « oh c’est une sauvage celle-là, elle sort des gros tacles », et me voir le lendemain et se demander si c’est bien la même fille.

Dans cette idée, c’est aussi pour cela que j’aime Londres, que j’ai hâte d’y être… Déjà petite je faisais des exposés sur Big Ben ou Buckingham Palace… Même, pour mes parents aussi. Ma mère a passé beaucoup de temps au bord des terrains pour moi. Aujourd’hui, mon parcours me fait plaisir, et j’espère aussi leur faire plaisir.

Quand ils rentrent en Algérie et racontent à la famille qu’ils étaient en Italie, en Suède… Mes parents m’ont déjà dit que sans moi, ils n’auraient jamais été à Munich, à Malmö. C’est tout bête, mais mon père a été surpris de voir des lapins sauvages dans les rues en Suède. Cela me fait tellement plaisir de les voir découvrir des choses à leur âge, un peu grâce à moi. »

Propos recueillis par Jérôme Flury

Photo ©Jérôme Flury

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