La Coupe d’Afrique des Nations féminine s’est déroulée en juillet 2022 au Maroc et ses résultats ont été peu communiqués en France. Pourtant sur place, l’épreuve a été un succès populaire.
Mercredi 27 juillet 2022, la France perdait en demi-finale de l’Euro féminin de football face à l’Allemagne. Le match était retransmis sur TF1 et Canal +, réunissant plus de sept millions de téléspectateurs, soit 33% des audiences. Un record ! Mais qui a pu regarder la Coupe d’Afrique des Nations féminine ?
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La compétition qui s’est joué au Maroc tout le mois de juillet a vu s’affronter 12 équipes. La demi-finale entre le pays hôte et le Nigeria a battu un record d’affluence pour un match de foot féminin en Afrique. 45 000 personnes étaient là, ce qui équivaut à un match de l’équipe féminine du FC Barcelone. Pareil pour la finale qui a opposé Marocaines et Sud-africaines. Précisons que les places étaient gratuites. Comment expliquer cette effervescence au Maroc et ce silence en France ?
Un silence gênant dans les médias français
Tous les matchs de l’Euro étaient visibles sur TMC et TF1 en clair. Canal + a retransmis les rencontres les plus attendues : celles de la France, l’Allemagne, l’Angleterre et l’Espagne. Le mag de TF1 résumait chaque journée et l’Equipe 21 aussi. En France, la CAN n’a pas eu ces honneurs. Seuls quelques médias en ont parlé sur leur site Internet : So Foot, l’Equipe et France Football, dans des encarts de quelques lignes. Et pourtant la communauté africaine est importante en France : Algériens, Marocains, Tunisiens, Sénégalais, Ivoiriens… Bein Sport 2 a diffusé les demi-finales et la finale, en crypté.
Le Maroc réalise l’exploit d’aller jusqu’en finale
Le Maroc, qui n’avait jamais passé la phase de groupes, a gagné la médaille d’argent. C’est un immense espoir pour le football féminin dans ce pays qui va pouvoir participer à sa première coupe du monde en 2023 en Nouvelle Zélande et en Australie. Les Marocains ont pris fait et cause pour l’équipe nationale, en découvrant ces joueuses pour la première fois. Mais pourquoi le roi Mohammed VI a t’il donné une telle impulsion à l’événement ?
Tout d’abord, il a voulu d’abord démontrer à la FIFA que le Maroc pouvait organiser une compétition sportive de grande ampleur au niveau du continent africain. À plusieurs reprises, le pays s’était proposé pour accueillir la Coupe du monde masculine de football. En 2010, il était déjà pressenti mais c’est l’Afrique du Sud qui l’a emporté. Le Maroc s’est illustré par une grande rigueur logistique : transport, infrastructures sportives, billetterie, hôtellerie et sécurité.
D’autre part, la compétition a eu des retombées économiques. Il s’agissait de donner une image positive du Maroc après une vague d’attentats islamistes en Europe. Cela permettait de rassurer d’éventuels investisseurs.
Enfin, la CAN avait un rôle politique majeur : la diplomatie par le sport. 12 équipes africaines étaient réunies. Le Maroc a ainsi pu renforcer ses relations avec le vainqueur : l’Afrique du Sud, première puissance économique du continent, ou encore le Nigeria, quatrième de l’épreuve, premier producteur de pétrole en Afrique.
La belle réussite de Reynald Pedros
Avant de parler de la sélection marocaine, il faut saluer l’Afrique du Sud. Le grand vainqueur de cette CAN, après cinq finales perdues. Dans le dernier match, cette sélection s’est distingué par une plus forte solidité physique. Et une qualité de contre qui a usé les Marocaines.
Découvrez le résumé de cette finale
Les Lionnes de l’Atlas sont parvenues en finale en battant le Nigeria, vainqueur de 11 Coupes sur 13, aux tirs au but. Depuis décembre 2020, le sélectionneur Reynald Pedros, a mis en place une équipe ambitieuse et solidaire. Son expérience du haut niveau lui a servi. Il a remporté deux championnats de France et deux ligues des championnes avec Lyon, sans compter une coupe de France.
Mais surtout, il est allé chercher des talents là où ils se trouvaient. Au Maroc évidemment, mais aussi en Espagne, en Suisse et même en Angleterre. C’est le cas de l’attaquante Rosella Ayane qui joue à Tottenham et avait même été sélectionnée dans les équipes jeunes anglaises. Mais l’ossature reste l’équipe des FAR de Rabat. Avec la capitaine et milieu offensive de 31 ans Ghizlane Chebbak, les attaquantes Fatima Tagnaout et Sanaa Mssoudi et la gardienne Khadija Er-Rmichi.
Leur entraîneur a réussi à créer une osmose entre des joueuses qui ne parlent pas toujours la même langue et qui ne pratiquent pas le même football. Le Maroc peut compter sur sa diaspora et des infrastructures en développement. Mais aussi sur des footballeuses marocaines qui jouent la ligue des championnes d’Afrique tous les ans. Dans un continent, où le professionnalisme n’existe que depuis une vingtaine d’années, nul doute que la CAN a donné un coup de projecteur à des sportives en manque de sponsors et de moyens financiers.
Emmanuel Mourchid
Photo ©TotalEnergiesWAFCON2022