Nous avons rencontré Audrey, 24 ans, qui a été une ultra du PSG et qui nous a raconté son expérience dans ce milieu plutôt masculin et à l’allure virile.
L’image des féminines du PSG accueillies par les Ultras à la gare de Lyon avant et après avoir affronté l’OL en quarts de finale de Ligue des Championnes a marqué la quinzaine. Ce week-end encore, ils étaient présents au Camp des Loges pour supporter leur équipe en demi-finale aller face au Barça.
Le milieu des Ultras est plutôt masculin et à l’allure virile, il existe cependant des exceptions. Nous avons rencontré Audrey, 24 ans, qui est déjà entrée dans ce petit monde confidentiel. Supportrice du PSG et ancienne membre d’un collectif ultras. Elle nous raconte son expérience.
Audrey, peux-tu nous expliquer ton amour pour le foot ?
Dès mon plus jeune âge, j’ai eu cet amour pour le foot. Dans ma famille, je n’étais entourée que de garçons pour qui la passion pour la discipline était déjà présente. Je sortais souvent avec mon grand frère pour aller jouer au foot avec les jeunes du quartier. On faisait souvent des tournois, ils m’apprenaient à jouer, on parlait beaucoup des matches… et puis je me suis rendue compte que pour moi aussi, c’était devenu une passion.
Alors je me suis licenciée dans un club qui s’appelait à l’époque le Football Club Féminin Colombes. Après avoir passé un an dans ce club, il a été basculé au Racing club de France de Football, où la section féminine venait d’être créée ; c’était tout nouveau dans l’histoire du club. J’y ai joué deux saisons. Suite à une blessure, j’ai arrêté. Je me suis retranchée à la vie dans un stade et c’est devenu une addiction. Aujourd’hui, je suis abonnée au Parc des Princes et je suis membre d’un Collectif Ultras.
Qu’est ce qui t’a donné envie d’intégrer un groupe d’ultras ?
Au départ, c’était pas du tout mon intention. Je voulais vivre ma petite vie d’indépendante (supportrice sans attache à un quelconque groupe ndlr). Donc ma première année en tant qu’abonnée était comme ça : faire des connaissances, sympathiser avec mes voisins de travées…
« Je voulais prouver qu’être une femme ne pouvais pas m’empêcher d’adhérer à un groupe d’hommes pour crier, chanter et supporter mon équipe. »
Puis l’année suivante, toutes ces personnes que je venais de connaître ont décidé de créer un nouveau groupe de supporters. Du coup, j’ai suivi le mouvement et je suis rentrée dans le groupe. Je voulais prouver qu’être une femme ne pouvais pas m’empêcher d’adhérer à un groupe d’hommes pour crier, chanter et supporter mon équipe.
Qu’est-ce qui te fait le plus vibrer lorsque tu vas au stade ?
Avant chaque match, avec tous les membres du groupe on se rejoint et on parle, on chante, on boit, on délire. On appelle ça « l’apéro ». À l’heure de l’ouverture des portes on se dirige tous ensemble au stade en chantant, on rentre et on s’installe dans notre parcage.
J’ai toujours la même émotion en voyant le stade qui se remplit, et l’adrénaline monte. Pour kiffer encore plus, on chante pour encourager notre équipe, on saute en tribune. Ça fait vraiment vibrer de voir toute cette ambiance, ça fait même frissonner.
On voit très peu de femmes intégrer ce type de groupe de supporters ; tu es arrivée à trouver ta place ? Comment vous perçoivent les hommes au sein même de ce collectif ?
C’est vrai que très peu de femmes sont dans des groupes Ultras. Celles qui ont la chance d’y être prouvent que le football n’est pas que pour les mecs et que le mouvement Ultra ne doit pas être assimilé au mouvement hooligan.
Trouver sa place en tant que femme dans un groupe d’hommes parait difficile. Malgré tout, j’ai très bien trouvé ma place : pas de regard négatif, pas d’amalgame ou autre. Ils aiment bien nous taquiner mais il y a tellement de respect sur ce côté que je n’ai rien à dire.
Tu fais des déplacements également ?
J’en ai fait, mais seulement en France et pendant deux ans. Un petit déplacement chaque week-end me faisait du bien. On suivait notre équipe partout où elle allait et on les encourageait pour ne rien lâcher.
« C’est un échappatoire d’aller au stade, de crier. C’est un moyen de libérer la rage que je contiens en moi. »
Les déplacements se faisaient en car. Sur la route, on chante beaucoup, on échange entre nous, on fait des jeux. Et quand on est nouveau, on a droit à un petit bizutage. On va près du chauffeur, on prend le micro et on doit chanter nos chants de supporters. Mais pour des raisons professionnelles, j’ai dû arrêter les déplacements et même quitter le groupe avec regret ; je ne pouvais plus participer à la vie du groupe.
Tu suis toujours la vie de ton groupe, font-ils des actions même s’ils ne pleuvent plus aller au Parc ? Et toi, comment vis-tu cette période de « privation » ?
Comme tous les groupes ils restent actifs à la vie sociale. Ils participent aux maraudes qui sont organisées depuis des années par le Collectif et font aussi des « perms » pour faire les tifos. Être privé de sa passion ce n’est pas humain mais la crise sanitaire nous l’oblige. Ne pas vivre de sa passion, chanter, se défouler, c’est très dur pour moi. C’est un échappatoire d’aller au stade, de crier. C’est un moyen de libérer la rage que je contiens en moi.
Quelle est la chose que tu vas apprécier le plus quand tu vas pouvoir reprendre le chemin des tribunes Auteuil ?
J’attends ce moment comme beaucoup avec impatience. Retrouver le plaisir de chanter, de supporter l’équipe sur le terrain, retrouver l’émotion et l’adrénaline. Sans oublier surtout l’envie de retrouver toutes les personnes avec qui je partage la même passion et la même vie en tribune, que je n’ai pas vu depuis un an. Ça va en faire des émotions et des frissons.
Audrey finit cette interview avec un brin de nostalgie. Avoir fait partie des Ultras a été une expérience forte en émotions pour une supportrice du PSG comme elle. Elle aura fait tomber des préjugés en intégrant un groupe d’Ultras et en est très fière. En espérant que son expérience puisse en inciter d’autres à franchir le pas.
Séverine Masson