Depuis sa signature en janvier au Toulouse FC, Selen Altunkulak empile les buts comme des perles sur un collier. Elle a transfiguré sa nouvelle équipe, qui tente de se maintenir en D2 féminine.
En sept matchs, vous avez marqué douze des quatorze buts inscrits par Toulouse. Comment expliquer cette efficacité immédiate ?
C’est grâce aux filles. Déjà le coach me fait confiance, donc je ne peux qu’être bien dans ma tête et ensuite les coéquipières font tout le travail en fait. J’ai pas grand-chose à faire !
À lire aussi : Les heures de gloire des Toulousaines
Comment s’est déroulée l’adaptation à la D2 ?
Les premières séances et le premier match étaient un peu compliqués, le projet de jeu était un peu différent et le coach me fait jouer à un poste où j’ai jamais joué, entre l’attaquante et la numéro 10. Mais tout le monde m’a aidé.
« J’ai tout arrêté (…) puis j’ai foncé à Toulouse. Je ne regrette pas. »
Vous n’aviez pas de temps de jeu avec Rodez en première partie de saison, après avoir connu la montée avec le club, comment expliquer le transfert cet hiver ?
Cela a été un peu compliqué. À Rodez, je n’avais pas de temps de jeu alors que cela allait être ma troisième saison là-bas. J’en avais un peu marre du foot. J’ai commencé à l’âge de 4 ans. J’ai fait part au club de ma décision d’arrêter et de rentrer chez ma famille, à Marseille. Chose que j’ai faite avant que le coach de Toulouse m’appelle et me propose le projet du Téfécé. J’ai longuement hésité, je me suis posé plein de questions, j’ai foncé et aujourd’hui je ne regrette pas.
C’est l’enchaînement des matchs qui vous a usé ? La pression ?
Un tout. J’allais aux entraînements, je n’étais pas forcément contente, je n’avais plus ce plaisir de jouer au football. Quand on me proposait d’aller voir un match, de jouer, j’y allais à reculons, je n’étais plus heureuse. Je pense que c’était une fatigue mentale. J’ai voulu tout arrêter et j’ai profité d’un mois avec ma famille à Marseille avant de prendre la décision et le coach Antoine… Quand un entraîneur t’appelle et te fait tout de suite sentir qu’il croit en toi, avant même de venir, j’avais déjà envie de rejouer. Cela s’est ressenti de suite sur le terrain. Il y a une reconnaissance envers tout le monde aujourd’hui.
Retrouvez cet entretien en intégralité sur notre chaîne Youtube
Vous êtes en colocation avec deux coéquipières, comment cela s’est-il passé ?
Je les connaissais d’avant, Marie Cimatti et Pauline Pardon, forcément avant que j’annonce mon arrivée à tout le monde, elles étaient déjà au courant et avaient tout prévu. Elles m’ont fait visiter les locaux, étaient toujours derrière moi.
Où vous sentez-vous le mieux sur le terrain et quel est votre profil ?
Je suis certainement un peu plus technique. Le poste où j’ai majoritairement évolué est le côté gauche, que ce soit devant ou derrière. Je préfère dribbler sur cette aile, comme cela je peux rentrer sur mon pied droit et frapper. Mais le coach veut pas (rires) ! Je lui ai demandé, il m’a dit « à condition que tu marques des buts ». Alors je marque en espérant retrouver mon poste.
« C’est aussi ce défi qui m’a donné envie de venir. »
Quel est votre état d’esprit en arrivant dans ce club qui allait mal en termes de résultats ?
C’est aussi ce qui m’a donné envie de venir. Le défi. J’avais envie d’aider cette équipe. Je ne sais pas si on va se maintenir, je l’espère, nous allons tout donner.
Que manque-t-il à ces clubs qui tentent de se maintenir en D2 par rapport à ceux qui jouent la montée, comme votre ancien club de Rodez un an plus tôt ?
En parlant de Toulouse, je pense qu’il nous manque très peu sur le plan footballistique, mais c’est surtout en termes d’expérience. L’effectif est très jeune. Dans une défaite comme celle de Saint-Etienne, il nous manque de l’expérience, de l’agressivité en début de match et beaucoup de réalisme devant le but.
À lire aussi : Laura Condon (Lazio Rome féminine) : « parfois les opportunités ne se présentent qu’une fois !»
Sur quels aspects avez-vous le plus évolué ces dernières années ?
Mon caractère. Je suis une fille complètement différente sur et en dehors d’un terrain. En dehors, je ne parle pas, je fais ma vie, rien ne peut m’énerver. Sur une pelouse, je peux vriller parce que l’herbe n’est pas bonne ! J’ai beaucoup pris sur moi, je m’énerve de moins en moins. Je suis plus calme. Un peu. Mais à Saint-Etienne, je suis un peu sortie de mon match, je dois encore travailler sur ce point.
Quand vous avez commencé le football, est-ce que c’était normal pour une fille de faire du football ?
Non, à chaque fois c’était « oh, y a une fille, on va gagner », et à la pause : « oh, la fille est trop forte », ça retournait vite sa veste mais j’avais souvent des regards, même des parents en face, « une fille ça joue pas au foot ». Cela a beaucoup progressé.
Vous venez d’arriver à Toulouse et vous y entraînez déjà les jeunes garçons, c’est quelque chose que vous aviez envie de faire immédiatement ?
J’ai commencé une formation à Rodez, j’ai demandé à poursuivre ici. Coacher les jeunes, j’aime beaucoup. Si je peux leur apporter un peu de mon expérience. Quand j’arrive le lundi, on parle de leur match, et ils me demandent comment s’est passé le mien.
En dehors du football, quelles sont vos activités ?
C’est toujours dans le sport, mais j’adore courir. Le matin, je mets le casque, je sors, je cours sans m’arrêter et ensuite je rentre et ma journée commence. Je suis dans ma bulle. J’ai grandi foot, j’ai mangé foot, depuis petite, j’allais à l’école en primaire avec mon ballon, tous les jours je jouais en bas de chez moi. Ma carrière future ? Elle sera sans doute liée au football, je pense.
Votre famille est proche de votre carrière ?
Ma sœur est fan de moi ! Elle suit tout sur internet, j’en suis si contente, c’est aussi pour cela que je joue au foot, pour rendre ma sœur, ma mère, mon neveu, ma nièce fans de moi.
Quels sont vos objectifs personnels pour la suite ?
D’abord, le maintien à tout prix. Et pour les années suivantes, pourquoi ne pas continuer ici… et on verra pour la suite.
Nathalie Querouil
Photo ©Nathalie Querouil