C’est une question lancinante depuis le quatrième sacre mondial de la sélection féminine américaine. Pourquoi les joueuses demeurent-elles moins payées que les hommes alors que leurs palmarès sont incomparables au pays du soccer ? Le 31 juillet 2019, les joueurs de l’équipe des Etats-Unis ont pris position en faveur d’une égalité salariale dans leur sport.
Megan Rapinoe est la superstar de la coupe du monde 2019. Une édition remportée par les Etats-Unis, une de plus. Pourtant, les femmes sont toujours moins rémunérées que les hommes au pays du soccer. En France, la question d’une égalité salariale entre hommes et femmes dans le football ne se pose pas encore réellement, les premiers rapportant des sommes colossales en termes de marketing, de vente de billets et de droits télévisés, contrairement aux joueuses. En revanche, aux Etats-Unis, le débat mérite d’être ouvert.
En effet, outre-Atlantique, ce sont sans doute les femmes qui permettent le plus de bénéfices dans le domaine. Ce sont elles qui sont les numéro un mondiales et qui remplissent les stades. Ainsi les joueuses estiment les recettes de la billetterie à 5 millions de dollars, alors que la Fédération accuse une perte d’un million de dollars.
« Nous savons – et les propres projections de la Fédération le montrent -, que nous leur rapportons de l’argent. C’est donc injuste d’être moins payées. »
-Becky Sauerbrunn en 2016. La joueuse a pris part à six des sept matchs du mondial 2019.
Et une autre information tombée le mois dernier est également intéressante : le maillot le plus vendu de tous les temps de l’histoire de Nike sur son site internet est la tenue… De l’équipe féminine américaine. Donc elles rapportent. Et pas qu’un peu. Certaines joueuses telles qu’Alex Morgan sont extrêmement médiatisées et décrochent de jolis contrats de sponsoring. L’attaquante vedette et ancienne joueuse de Lyon a ainsi signé des contrats publicitaires avec plusieurs entreprises.
Une lutte depuis des années
Cette bataille pour l’égalité de traitement et de considération ne date pas d’aujourd’hui. Depuis plusieurs années, les hommes ont l’habitude de voyager en classe business quand la sélection féminine prend place sur les sièges économiques. Pourtant, les résultats des femmes sont bien meilleurs que ceux de leurs homologues masculins qui, rappelons le, n’étaient pas qualifié au mondial 2018, contrairement au Panama.
Les footballeuses américaines n’ont jamais hésité à faire entendre leurs réclamations. 28 joueuses ont porté plainte contre leur Fédération le 8 mars 2019, lors de la journée internationale des droits des femmes. Une plainte pour discrimination déposée devant un tribunal de Los Angeles, afin de réclamer l’égalité salariale. « Aux États-Unis, les femmes ont de meilleurs résultats que les hommes au soccer », rappelait la star Alex Morgan. Désormais, la Fédération américaine de football et les joueuses vont entamer une médiation sur le sujet.
Des évolutions positives
Le nouveau titre américain en cet été 2019 a tout de même eu des conséquences immédiates. La multinationale américaine Procter & Gamble (P&G) s’est notamment positionnée en soutien aux stars américaines du football féminin dans leur lutte pour l’égalité salariale, et leur a accordé une prime collective de 529.000 dollars après leur victoire au mondial. Une belle initiative, qui a beaucoup fait parler.
Enfin et c’est l’information principale de ce 31 juillet 2019, les joueurs de football de l’équipe des Etats-Unis ont pris position en faveur de la demande présentée par les joueuses. L’association des joueurs de la sélection a publié un communiqué mardi 30 juillet, dénonçant les récents propos du président de la Fédération américaine, Carlos Cordeiro, qui a affirmé que les joueuses étaient davantage payées que les hommes. le syndicat de joueurs affirme que « les joueuses de l’équipe nationale féminine méritent un salaire égal et ont le droit d’exercer un recours judiciaire devant les tribunaux ou le Congrès ». Une prise de position claire.
Il y a des raisons raisonnables à cela puisque les économies sont très différentes. Je ne me focalise pas sur l’écart, énorme, mais sur le fait qu’il se réduise, même un peu.
La Norvégienne Ada Hegerberg, meilleure joueuse du monde en 2018
Le sujet mérite d’être ouvert dans de plus en plus de pays dont la Norvège où là aussi, le palmarès de l’équipe féminine, championne du monde en 1995 et très souvent médaillée dans les compétitions internationales, est incomparable avec les résultats de l’équipe masculine. Toutefois, pour la ballon d’or 2018 Ada Hegerberg, la question doit être posée différemment :
« Il y a des raisons raisonnables à cela puisque les économies sont très différentes. Je ne me focalise pas sur l’écart, énorme, mais sur le fait qu’il se réduise, même un peu. Avant tout, je m’intéresse à l’égalité des chances entre enfants des deux sexes : même dans mon pays, une petite fille a moins de possibilités pour accéder au foot qu’un petit garçon. »
Jérôme Flury
Photo © Laura Pestel