Incontournable en club à Bordeaux, appelée plusieurs fois en sélection sans jouer, Julie Thibaud se livre dans un grand entretien. Découvrez la deuxième partie, où il est question des Bleues, de son master ou encore de son retour après sa rupture du ligament croisé d’un genou.
Vous êtes face à une drôle de situation en équipe de France car vous avez déjà vécu 12 matchs… sur le banc. Vous avez peur de ne jamais avoir de sélection ou vous prenez votre mal en patience ?
Vu comme cela, c’est particulier… Ce n’est pas une peur, mais j’ai envie quand même de porter ce maillot sur le terrain. Quand on est sportif de haut niveau, on joue pour représenter notre pays. C’est un objectif de ma carrière, je continue à travailler et à chaque fois que je suis appelée, j’espère avoir mes premières minutes. Après, c’est déjà beaucoup d’expérience quand j’y vais, même si je ne joue pas.
Vous avez quand même déjà une coupe soulevée avec l’équipe, le Tournoi de France, vous en gardez quoi ?
On est forcément contente en gagnant un trophée, le football est un sport d’équipe. Je joue à un poste où il y a peut-être moins de changements. Si je suis sur le banc, je sais que je peux y rester tout le match, mais j’essaye d’aider autrement, en donnant tout à l’entraînement pour augmenter la performance de mes coéquipières. Pour moi, ce tournoi reste un super souvenir, c’était ma première sélection depuis ma blessure.
Toujours concernant la sélection, cinq Girondines étaient dans la dernière liste de Corinne Diacre, comment l’expliquez-vous ?
Cela veut dire qu’on travaille bien, que ce travail paye. Parfois on peut se dire que ce sont des internationales qui ont moins de temps de jeu, mais en fin de compte, on est quand même le club le plus représenté. C’est important pour l’image de Bordeaux et pour donner de l’espoir à d’autres joueuses de l’équipe. Il y a du talent dans notre équipe. Certes, nous avons eu des difficultés, mais nous avons des joueuses qui ont le niveau international.
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À cote du football, vous suivez des études poussées qui vous prennent beaucoup de temps, pouvez-vous nous en parler ?
Je suis en master 2 à l’université, parcours mécaniques fondamentales et applications, des cours dispensés dans une école d’ingénieur. Ce n’est pas facile tout le temps de lier cela au foot, surtout quand on sort des sentiers battus de Staps. Les professeurs ne connaissent pas, les gens se demandent pourquoi, il faut parfois se justifier.
« Le football permet de gagner notre vie un temps seulement. »
Parce que oui, je fais du football mais cela nous permet de gagner notre vie un temps seulement. C’est mieux d’assurer ses arrières. Et puis, si j’ai envie de continuer les études, c’est mon droit. Avec une grosse organisation et de la détermination, c’est possible. Cela reste une fierté d’avoir réussi un double parcours. Je pense que c’est une bonne chose pour des jeunes de continuer à s’instruire. Et même si c’est spécifique ce que je fais, c’est très bien, pour l’aspect social, de sortir du monde du football.
Vous avez eu “la” blessure, la rupture d’un ligament croisé au genou gauche, comment avez-vous vécu cette épreuve et est ce qu’aujourd’hui quand une joueuse connaît une telle blessure, cela fait encore écho chez vous ?
C’est sûr que c’est la blessure dont personne ne veut. Aujourd’hui par exemple Justine Lerond vient de se les faire, nous on sait ce qui l’attend, nous essayons de la soutenir. C’est une blessure grave mais on s’en remet bien aujourd’hui, les chirurgiens maîtrisent l’opération. En revanche c’est long. Il y a des paramètres que tu ne maîtrises pas. Une période de cicatrisation est nécessaire et toi, tu n’as qu’une envie, aller sur le terrain.
« Quand tu te sens bien mais que tu ne peux pas rejouer trop vite, c’est le plus dur. »
C’est la période la plus difficile, quand tu te sens bien mais que tu ne peux pas reprendre trop vite car le danger est énorme. Ce qui était dur pour moi c’est que lorsque j’arrivais le matin, les filles allaient sur le terrain, je restais en salle, quand elles revenaient, j’étais encore en salle en train de travailler.
Aujourd’hui je ne regrette pas car je pense que je suis bien revenue, j’ai très peu de déficit entre mes deux jambes. Après, c’est une blessure qui laisse des traces malgré tout. Dire qu’on peut revenir à 100%… Je pense que cela n’existe pas vraiment, il y a toujours des petites choses qui ont changé. Mais pour moi, c’est une épreuve qui m’a permis de grandir et m’a donné d’autres motivations. J’ai trouvé de la détermination là où je ne pensais pas en avoir. Par exemple, lorsque tu es seule en salle face à tes machines.
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Je m’en sers aujourd’hui sur le terrain parfois en repensant à un an et demi en arrière alors que je ne pouvais pas courir. Sans craindre de me refaire cette blessure. Je joue au foot pour gagner et je me donnerai toujours à fond, pas en me disant qu’il y a des risques. Ce n’est pas ma mentalité. Cette blessure fait partie de moi mais je n’y repense pas chaque jour.
Vous attendiez-vous à ce parcours, cette carrière ou avez-vous de grosses surprises jusqu’ici ?
Quand j’étais petite, je ne regardais pas du tout le foot féminin à la télé. Je me suis jamais dit que je serai un jour à la télévision. Mon parcours a été étape par étape. Quand on te demande de jouer ton premier match en D1 avec Soyaux contre le PSG, tu ne vas pas dire non. Tu évolues avec ce qu’il se passe dans ta carrière, j’ai eu la chance d’avoir beaucoup de matchs en D1 assez jeune. J’ai pu progresser dans des aspects de mon jeu. Au départ, je ne m’attendais pas forcément à jouer en D1, en sélection. Mais à partir du moment où tu arrives dans les sélections jeunes, tu as envie d’aller plus haut.
Merci à Julie Thibaud et au club bordelais pour leur disponibilité. Retrouvez la première partie de l’entretien ici.
Propos recueillis par Jérôme Flury
Photos ©Nathalie Querouil