Melchie Daelle Dumornay, alias ‘Corven’, évolue pour la première fois en Europe et plus précisément en D1 Arkema, mais la jeune Haïtienne n’a pas perdu de temps pour trouver ses marques au Stade de Reims. Pour Footeuses, elle revient sur cette nouvelle aventure qui commence pour elle en France.
Melchie Dumornay, vous venez d’arriver en France en septembre mais vous étiez déjà attendue car à deux reprises, vous avez terminé dans les cinq meilleures jeunes joueuses de l’année pour le media Goal.com. Cela signifie quoi pour vous ?
C’est une fierté pour moi, il y a eu beaucoup de sacrifices. Cette nomination est quelque chose qui met en valeur mes capacités et me donne envie de continuer à aller vers l’avant, de donner le meilleur.
Beaucoup de clubs ont été intéressés par votre profil, pourquoi partir cet été pour Reims ?
Amandine (Miquel) a montré beaucoup d’intérêt pour moi. Les agents et moi avons bien discuté ensemble pour voir ce qui était le plus serein pour mon avenir. Reims semblait me proposer ce dont j’avais besoin, du temps de jeu, le fait de me sentir importante. Reims met beaucoup en valeur les jeunes, pour moi c’est une opportunité de montrer ce que je vaux.
Le championnat français était un objectif pour vous ? Il y a aussi beaucoup d’Haïtiennes en France, cela a aidé ? Dont Kethna Louis à Reims ?
J’ai toujours voulu commencer ma carrière professionnelle en France. On a discuté, Kethna était en effet là, mais les négociations entre moi et le club étaient déjà en cours. C’est une autre raison qui m’a poussé à venir ici, de savoir que je ne serais pas seule, que j’y retrouverais une coéquipière.
« J’ai toujours voulu commencer ma carrière professionnelle en France. »
À Reims vous avez des objectifs collectifs, d’autres personnels, dont l’un étant de marquer 10 buts… Et vous en êtes déjà à 3, c’est allé vite, que pensez-vous de vos débuts ?
C’est mieux que ce que j’espérais. Je me dis aussi que je peux faire plus. Mais le plus important est d’être efficace, je connais mes points faibles, mes points forts, donc je vais continuer à travailler. Quand tu arrives dans un championnat où tu es toute nouvelle… Maintenant je pense que j’ai attiré l’attention des autres équipes, qui vont faire attention et cela va être encore plus difficile. C’est à moi de continuer à travailler encore plus dur qu’avant pour pouvoir les surprendre à chaque match.
À Reims, les joueuses offensives sont nombreuses : Feller, Bussy, Romanenko, Pekel, Becho qui vient d’arriver… C’est une bonne concurrence qui vous oblige à vous dépasser ?
C’est une bonne concurrence car ce sont des joueuses de qualité. Cela ne fait qu’aider le groupe à progresser. C’est un bon challenge. Nous devons mettre tous nos objectifs au profit de l’équipe. Et ce sont des joueuses qui m’ont très bien accueillies, m’ont fait me sentir bien. C’est comme si j’étais à Reims depuis des années !
« Maintenant je pense que j’ai attiré l’attention des autres équipes et cela va être encore plus difficile. »
Ce groupe comprend plusieurs jeunes joueuses, cela a aidé aussi à votre intégration ?
Exactement, quand tu n’es pas la seule jeune, cela aide, nous passons du temps ensemble à côté des entraînements.
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Comment ont réagi vos proches quand vous avez annoncé que vous partiez ?
Ils étaient beaucoup plus excités que moi ! Au-delà de ma famille, il y avait mes fans, je les remercie. Que je m’en aille, cela ne les avait pas trop surpris. Ils trouvaient même que c’était trop lent, qu’il fallait que je quitte enfin mon pays pour pouvoir montrer mon talent. Ma famille a bien réagi, ils étaient content que je parte, que je puisse m’exprimer dans un autre pays.
« Mes fans trouvaient même que c’était trop lent ! Que je devais quitter mon pays pour montrer mon talent. »
Ils ont déjà pu voir des images de vos performances avec Reims ? Ils peuvent regarder vos matchs ?
Oui, même si en Haïti c’est un peu compliqué de regarder les matchs. Ce soutien de la famille est irremplaçable.
Vos proches étaient excités de vous voir partir… Et ils sont impatients ! Certains d’entre eux vous voyaient à l’OL, au PSG… Vous voulez prendre les choses par étapes ?
Tout à fait. Beaucoup de jeunes m’ont posé la question sur mon départ à Reims. Mais je crois qu’au fond ils ont compris. Que je voulais aller doucement. Je peux pas passer de 1 à 10 sur une échelle, ne pas se précipiter. Je suis encore jeune, j’ai le temps. Il faut que je travaille pour améliorer mon niveau et quand mon heure sera venue, nous verrons.
« Sur une échelle de progression, je ne peux pas passer directement de 1 à 10. »
Quelles sont vos principales différences entre la vie en Haïti et celle à Reims ?
Déjà il fait très chaud en Haïti. Ensuite, il y a beaucoup de règles sociales en France. C’est comme si je venais de renaître dans un nouveau monde, il faut que j’apprenne à faire beaucoup de choses, c’est totalement différent.
Vous connaissez déjà un peu la France, grâce à un essai à Lyon, le mondial U20 en 2018, mais ce pays reste une découverte pour vous ?
Je suis déjà venue mais à chaque fois nous n’avons pas trop visité. Quand nous sommes en sélection nous nous concentrons sur ce que nous devons faire. On est des soldats, venus en mission.
Votre poste favori sur le terrain reste le milieu ? Vous devez effectuer un plus gros travail défensif qu’avec votre ancien club de l’AS Tigresse ?
C’est cela. Par rapport à mon précédent club, c’est un peu différent, le niveau n’est pas le même. Et il faut beaucoup défendre, en ayant la capacité de faire box-to-box, relayeuse.
Vous avez le surnom de Corventinha ? D’où vient-il ?
C’est une longue histoire. J’ai hérité ce surnom de mon frère… qui n’est pas non plus son vrai nom. En fait, des gens en Haïti confondaient entre Dumornay et Melchie au départ. Puis ils m’ont donné ce surnom. Et dans le foot, quand tu commandes le ballon ou échanges avec les coéquipières, il faut aller vite. Donc à force, même le surnom Corventinha a été coupé, ils m’ont appelée Corven, c’est resté.
Contre le Paris Saint-Germain, votre remplacement par Kethna est symbolique…
C’est symbolique et cela m’a fait plaisir. La coach avait demandé de tout donner, j’ai voulu être humble, j’ai fait mon maximum, elle a vu que j’étais fatiguée, elle m’a remplacée par ma compatriote. On habite ensemble, de voir que c’est elle qui me remplace, cela fait quelque chose.
Propos recueillis par Jérôme Flury
Photos © Stade de Reims