Dans une longue interview accordée au journal l’Équipe, Sarah Bouhaddi a explicité sa position par rapport aux Bleues. La gardienne lyonnaise demeure sélectionnable mais ne souhaite pas être appelée par Corinne Diacre tant que la situation ne s’adoucit pas. Retour sur un divorce en quatre actes.
Premier acte : la pause après l’échec en Coupe du monde
L’élimination lors du dernier Mondial 2019 a laissé des traces irréversibles à Sarah Bouhaddi. La compétition, qui se déroulait en France, aurait pu être un merveilleux chapitre dans sa carrière. Elle qui a tout gagné en club à Lyon rêvait de glaner une médaille en Bleues. Il n’en fut rien. Pis, la joueuse de 33 ans ne s’est jamais vraiment remise de la défaite face aux États-Unis en quarts de finale (1-2).
En juillet 2019, la gardienne numéro 1 de l’équipe de France a décidé à la surprise générale de s’éloigner provisoirement de la sélection nationale. « Mon souhait aujourd’hui est de faire une pause, expliquait-elle au site internet Olympique-et-Lyonnais. Il y a eu un après Coupe du monde (2019), il y a eu six mois où j’ai essayé de beaucoup réfléchir. Je vais être honnête, c’est une cicatrice qui n’est toujours pas refermée, cette Coupe du monde. Pour moi, c’est un échec sportif. » La plaie est restée ouverte mais Corinne Diacre n’était pas encore présentée comme la source de tous les maux.
Déjà à l’époque, la joueuse aux 149 capes n’avait pas tiré un trait sur l’équipe de France : « Au fond de moi, j’ai envie de continuer avec l’équipe de France, car j’ai l’amour de ce maillot, le plaisir de jouer pour mon pays. Tout simplement, je ressens le besoin de faire une pause. Je ne sais pas combien temps cela durera mais voilà mon souhait aujourd’hui. »
Deuxième acte : le divorce avec Diacre
Depuis, elle n’a que peu dévié de sa ligne de conduite mais a pris quelques virages déroutants. Le premier a eu lieu pendant l’été. Elle est pré-convoquée pour affronter la Macédoine du Nord et la Serbie mais décline l’invitation. C’est à ce moment là que le « problème Diacre » éclate au grand jour. Bouhaddi fait comprendre qu’elle ne remettra pas les pieds en équipe de France tant que Diacre sera en poste. La rupture est consommée.
« Je peux mettre mes deux mains à couper que l’équipe de France ne gagnera pas l’Euro avec Corinne Diacre »
On comprend alors que la motivation première de sa pause en juillet n’était en rien un choix sportif. « Je peux mettre mes deux mains à couper que l’équipe de France ne gagnera pas l’Euro avec Corinne Diacre », va-t-elle jusqu’à dire lors d’un long entretien accordé au site de l’OL.
Bouhaddi lui reproche pêle-mêle sa rigidité lors des rassemblements, sa froideur ainsi que le manque de confiance dont elle fait preuve à son égard. La concurrence instaurée entre elle et Pauline Peyraud-Magnin est pointée du doigt. Elle prévient Noël Le Graët, président de la Fédération, ainsi que la principale concernée.
Troisième acte : un retour envisagé après la sortie d’Henry ?
Plus jeune (28 ans) la portière de l’Atlético de Madrid assure la relève et donne pleine satisfaction. Surtout, Corinne Diacre continue de bénéficier du soutien de Noël Le Graët et sa place n’est pas menacée. Il faut dire que les résultats depuis le mondial sont au beau fixe. La réapparition de Bouhaddi devient donc plus qu’hypothétique.
0
Les Françaises n’ont pas perdu la moindre rencontre depuis l’élimination face aux Américaines en Coupe du monde. La bande à Corinne Diacre reste sur 9 victoires et 2 matches nuls.
Un évènement vient pourtant rebattre les cartes. Sa coéquipière Amandine Henry effectue une sortie médiatique fracassante dans le Canal Football Club dimanche 15 novembre. Non sélectionnée contre l’Autriche, la capitaine vide son sac et enfonce la sélectionneuse. La fronde est à son apogée.
Le mercredi suivant, Sarah Bouhaddi flaire la bonne affaire et s’en va glisser une tête au micro de Canal + : « Je n’ai jamais dit à la presse que je ne reviendrai pas tant que Corinne Diacre sera là. Un retour est toujours possible. Si elle me sélectionne, je viendrai avec plaisir car j’ai envie de gagner un titre avec ce pays. » La gardienne se positionne peut-être dans l’optique d’un départ de la patronne des Bleues. Quoi qu’il en soit, elle ouvre la porte et manifeste son attachement au maillot.
Quatrième acte : la clarification
« On a pensé que je faisais machine arrière, que j’étais une girouette mais les choses sont claires dans ma tête. La situation en équipe de France a besoin d’être calme, il y a une cassure entre la sélectionneuse. Il est primordial d’avoir cette conversation pour avancer avec ou sans moi », a-t-elle expliqué au cours d’un long entretien accordé au journal L’Équipe. Pas question donc d’évoquer sa venue à Clairefontaine. Si elle ne se prive pas d’égratigner Diacre sur de nombreux sujets inhérents à l’après coupe du Monde, sa position paraît moins figée. Sarah Bouhaddi a mis un peu d’eau dans son vin : d’un refus catégorique, elle conditionne désormais son retour à un changement d’attitude et à la tenue d’une grande discussion collective.
« Mon objectif est de gagner un titre, pas de partir en vacances avec Corinne Diacre. Si demain je suis championne d’Europe avec elle, je serais fière et heureuse. Mais il y a beaucoup de choses à régler. »
Sarah Bouhaddi au journal L’Équipe
Sarah Bouhaddi comprend que les prochaines joutes internationales peuvent lui passer sous le nez mais elle refuse de rejouer dans de telles conditions, comprendre sans la confiance de la sélectionneuse. « L’objectif est que ça s’arrange et qu’il y ait cette grande discussion. Je sais que mes coéquipières ont envie que cela s’arrange. On a un seul objectif en tête, c’est l’Euro. On m’a attaquée en pensant que je voulais la faire licencier de son poste, c’est faux et irréel. Quand j’ai dit que les Bleues ne gagneraient pas l’Euro avec Corinne Diacre, je voulais surtout dire si elle n’évolue pas », nuance-t-elle. Encore un signe de l’adoucissement de Sarah Bouhaddi.
À lire aussi : Corinne Diacre avec les Bleues, on fait le bilan
De son côté, Corine Diacre s’est dite surprise par les propos tenus par celle qui a été son dernier rempart pendant tant d’années. Elle a repoussé la question à plus tard, sa priorité étant la rencontre déterminante face à l’Autriche vendredi.
Mickaël Duché
Photo de Une : Anne-Sophie Lecouflet