La Française Sarah Huchet, ancienne joueuse de Dijon, Issy ou Marseille, s’est maintenue avec Naples pour sa première saison en Italie en 2020/2021. Elle revient pour Footeuses sur son expérience transalpine et son amour retrouvé du football.
Après avoir connu plusieurs clubs du championnat de France et une expérience aux Etats-Unis plus jeune, Sarah Huchet est partie l’an dernier à Naples en Italie. Devenue incontournable dans l’entrejeu de son club, elle a grandement contribué à assurer le maintien de celui-ci.
Comment s’est déroulée cette saison, qui a été compliquée jusqu’au bout ?
En fait, nous avons eu du mal à démarrer. L’effectif s’est renouvelé en profondeur à l’intersaison, avec énormément d’étrangères. Peut-être que le club n’était pas encore tout à fait prêt à accueillir toutes ces étrangères, ça ne correspondait pas forcément à ce qu’il y avait sur le terrain. Après, le club a appris de ses erreurs assez rapidement. Et finalement, après le changement d’entraîneur, on est repartis sur une saison complètement différente. Pour moi il y a eu deux saisons dans cette saison et la deuxième partie s’est révélée beaucoup plus agréable.
« Pour moi, il y a eu deux saisons dans cette saison et la deuxième partie s’est révélée beaucoup plus agréable. »
Nous n’avons certes gagné que trois matchs au total, en revanche, nous avons fait pas mal de matchs nuls sur la deuxième partie de saison. Et des matchs nuls contre des équipes quand même assez importantes. Par exemple, l’AS Rome le dernier match, l’Inter de Milan, ou même Empoli qui fait une bonne saison. Donc je considère que nous n’avons vraiment pas à rougir sur la deuxième moitié de saison. Je pense qu’au final, cela reflète plus le niveau de l’équipe qu’on avait. La saison, c’est certain, s’est avérée très compliquée, mais pleine d’enseignements et finalement elle se termine bien, donc ce n’est que du bonheur.
Sur le plan personnel, vous avez réalisé une grosse saison, vous finissez meilleure buteuse du club, cela vous surprend-il ? Et c’était comment ce dernier but, ce penalty à deux minutes du terme contre Rome, la pression était importante ?
Sur les statistiques de la saison, outre les chiffres, sur les performances, je ne suis… disons, pas surprise. Car j’avais confiance en mes qualités, après, je ne pensais peut-être pas réussir une aussi belle saison. Surtout au tout début, quand je suis arrivée, ça a été assez compliqué au niveau de l’adaptation. Sur le plan de la langue, très peu de gens parlaient anglais finalement. Que ce soit le coach ou les joueuses au club, à part les étrangères. Donc cela a été un peu compliqué mais finalement ça s’est débloqué.
« J’avais déjà entendu les supporters célébrer deux fois. Ainsi, je m’étais doutée que la Fiorentina gagnait contre San Marino… »
Sarah Huchet, à propos du dernier match de la saison où Naples se maintient contre l’AS Rome (2-2)
Après, sur le dernier but de la saison, je n’ai pas forcément ressenti de pression énorme parce que de toute façon, j’avais déjà entendu les supporters célébrer deux fois. Ainsi, je m’étais doutée que la Fiorentina gagnait contre San Marino. Je savais que c’était la fin du match et je pensais qu’on était déjà quasi-maintenues. Et même revenir à 2-2 ne nous permettait pas de nous maintenir en fait. Il aurait fallu gagner pour être sûres d’être tranquilles. C’est pourquoi je n’ai pas forcément eu de pression. J’y suis allée assez détendue sur celui-ci. Et puis voilà, ça fait plaisir aussi de terminer la saison sur un but, revenir à 2-2 contre l’AS Rome. Et j’étais contente aussi de marquer le dernier but de la saison pour cette équipe.
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Vous pouvez jouer à plusieurs endroits au milieu du terrain. Quel est le poste où vous vous sentez le mieux finalement ?
J’ai quasiment joué tout le temps au même poste. Au début de saison, j’ai été utilisée plutôt en 8 avec une pointe basse et deux pointes hautes. Mais cela a été très court, ça a duré peut-être deux matchs. Ensuite, on est passé en 4-4-2.
J’étais alors dans les deux du milieu de terrain, mais cela me correspondait moins. Le coach m’a alors essayée en 6 pointe basse et c’est là que j’ai commencé à prendre plus mes aises. Parce que dans cette équipe, il manquait quelqu’un pour organiser un peu le jeu. Du coup, c’est le rôle qui m’a été confié. À partir de là, ça s’est débloqué. Et quand le nouveau coach est arrivé, il m’a confirmée à ce poste de numéro 6 pointe basse seule et là j’ai déroulé.
C’est vrai que par le passé j’avais l’habitude de jouer un petit peu plus haut, plutôt en 10 ou devant. Mais finalement, je m’y suis vraiment retrouvée. J’ai pris beaucoup de plaisir. J’ai même pu sur la fin de saison me projeter un peu vers l’avant, c’était plutôt cool.
Pourquoi avoir choisir l’Italie et comment s’est passé votre adaptation ?
À la fin de la saison dernière, je comptais arrêter un peu le foot pour finalement aller dans le monde du droit et commencer un peu ma carrière d’avocate. Mais c’est vrai qu’avec le covid et la fin de saison dernière un peu compliquée, j’étais embêtée de m’arrêter là-dessus. Et du coup, pendant le confinement, j’ai beaucoup réfléchi. Je ne me sentais pas d’arrêter, parce que je me sentais en forme physiquement.
Mais j’avais fait le tour en France en fait, j’avais fait déjà pas mal de clubs, en D1, en D2. J’avais également beaucoup aimé mon expérience aux États-Unis. Si j’avais pu rester aux États-Unis, je l’aurais fait, mais j’étais rentrée pour les études.
« À la fin de la saison dernière, je comptais arrêter un peu le foot pour commencer ma carrière d’avocate. »
Et là une fois que les études étaient terminées, je m’étais dit ‘pourquoi pas repartir un an à l’étranger et profiter’, maintenant que j’ai le barreau, je peux me le permettre. Et après je reviendrai finir tout ça. J’ai discuté avec l’agent qui me représente et nous avons regardé l’Angleterre, l’Italie, l’Espagne. Quand j’ai eu l’offre de Naples, je me suis directement dit qu’il s’agissait d’une superbe destination. C’est une ville qui aime le foot, qui me rappelait un peu Marseille, donc je me suis dit « je pense que je vais bien m’adapter là-bas », et du coup je suis partie.
C’est vrai qu’une fois arrivée sur place, j’ai eu un petit choc quand même. Au début, cela a été très difficile, notamment sur l’aspect linguistique. Ici, très peu de personnes parlent anglais. Et puis au club, ils n’étaient pas forcément prêt à laisser un temps d’adaptation aux étrangères. Il fallait être prête directement. Finalement, je pense qu’en apprenant la langue au fur et à mesure, cela m’a facilité la vie. Et puis après on a aussi créé un groupe, une vraie équipe. D’abord, c’était plus les étrangères d’un côté, les Italiennes de l’autre. Finalement, en créant une équipe, on s’est toutes entraidées et ça a commencé à être plus simple.
Au niveau du jeu, avez-vous constaté une différence entre les divisons françaises, première ou deuxième et la première division italienne. Est-ce que c’est plus technique, plus rapide ?
Pour moi, la plus grande différence se situe dans l’aspect tactique. Je pense que l’Italie est beaucoup plus axée sur la tactique, surtout sur l’aspect défensif. Nous avons quand même des équipes très bien en place et c’est difficile d’aller marquer contre certaines équipes. Je pense notamment à Sassuolo qui fait une très belle saison. À chaque fois que tu les joues, tu sais d’avance que c’est une équipe qui est très difficile à battre, et contre laquelle il est difficile de marquer des buts. C’est d’ailleurs ce qui a fait leur force cette année. Et ce n’est pas la seule équipe, c’est ce qui m’a beaucoup impressionné.
« Pour moi la plus grosse différence entre la France et l’Italie, c’est qu’il y a moins d’écart entre les équipes »
Après je dirai que c’est peut-être un petit peu moins technique. Mais encore, des équipes comme la Juventus ou le Milan AC, c’est quand même un très bon calibre. Pour moi la plus grosse différence aussi, c’est qu’il y a moins d’écart entre les équipes. Avec Napoli, l’année dernière, on perd 2-1 contre la Juve au match aller et ça se fait sur les cinq dernières minutes. On perd 2-0 au retour sans avoir à rougir et c’était presque le plus grand écart qu’il y avait dans le championnat.
Quand je vois en France, avec Marseille il y a encore deux saisons, il y avait eu un 11-0, un 9-0… Ici je crois qu’il y a un match qui a fait 9-1, c’était la Juve contre Bari au match retour, une équipe déjà condamnée.
Que vous a apporté votre passage aux Etats-Unis dans votre carrière ?
C’était une ouverture sur le monde. C’était découvrir une nouvelle culture, c’était aussi partir très très loin de la maison et apprendre aussi à grandir. Et puis le système universitaire là-bas fait que le sport est quand même quelque chose de très grand, donc j’y ai vécu des choses assez incroyables.
Après sur le niveau sportif, je ne suis pas sûre que ça m’ait apporté quelque chose dans le sens où en revenant en France, je ne suis pas revenue avec un CV plus important que quand je suis partie là-bas finalement. C’est plus sur le plan humain que j’ai énormément appris et aussi sur le plan du dépassement de soi. Il faut reconnaître que quand je suis partie là-bas, j’y suis allée en étant une joueuse très européenne, on va dire plutôt technique, je suis revenue avec des qualités athlétiques beaucoup plus importantes qu’au départ.
Vous avez joué à Marseille et vous êtes désormais à Naples, deux villes qui respirent le football. Vous êtes attachée à cet aspect et aux clubs qui comptent des communautés de fans importantes ?
C’est vrai qu’avec le covid nous n’avions pas de fans dans les stades. Mais ici, j’ai quand même vu une ferveur assez incroyable. Il m’est arrivé de me promener dans Naples et d’avoir des gens qui demandaient des photos, pour le coup, ça en France, hormis quand tu es quelqu’un de très connu qui joue à Lyon ou au PSG, ça n’arrive pas.
« Ici, ils ont un réel intérêt pour le foot, qu’il soit masculin ou féminin, ils connaissent. »
Et ici nous avions de la chance, pour les matchs à domicile, notre stade étant entouré de maisons et de bâtiments, les gens recevaient les supporters chez eux et c’était la fête sur les balcons. Donc on avait quand même des supporters, on a eu des feux d’artifices avant chaque match, il y avait quand même une certaine ferveur malgré le covid. Après, je ne dis pas que ça joue sur mes performances le fait d’avoir des fans, mais c’est vrai que c’est toujours motivant, et quand ils sont derrière toi, c’est plus facile aussi de se donner.
Vous êtes parvenue à vous faire des amitiés facilement dans cette année particulière en Italie ?
C’est vrai qu’au final, j’ai eu un peul de mal à rencontrer des personnes extérieures à l’équipe. L’idée était aussi de rencontrer du monde. Pour le coup, on vivait quasiment toutes au même endroit, dans une sorte de résidence où on pouvait se retrouver toutes ensemble, malgré les règles du covid finalement. Nous étions dans une bulle, testées quotidiennement. Cela nous a permis aussi de créer des liens.
C’est sûr que j’aurais aimé pouvoir sortir un peu plus et rencontrer des gens en extérieur. Après, j’ai eu aussi l’opportunité de travailler un petit peu, pour un avocat ici, ce qui m’a permis de faire autre chose. J’ai passé le CRFPA (Concours du Centre régional de formation professionnelle des avocats), je l’ai validé, il me reste à aller 18 mois à l’école des avocats et ensuite prêter serment. J’ai fait deux master 2, j’ai passé le CRFPA et il me reste le CAPA.
Après cette belle saison, vous n’allez pas raccrocher les crampons tout de suite ?
Là, c’est vrai que c’est compliqué de raccrocher. Je n’avais signé qu’un an à Naples, mais je préférai parce que je ne savais pas forcément où je mettais les pieds et on ne sait jamais ce qui va se passer dans une année. Forcément, là, on est en discussions pour la saison prochaine, on verra aussi pour les autres propositions.
Tout est encore possible, vous pouvez rester à Naples, aller ailleurs en Italie ou quitter le pays au final ?
Tout à fait.
L’équipe de France pourrait-elle faire partie de vos objectifs à moyen terme ? Vous n’avez connu que les U17 en sélection ?
Oui, j’étais en U17, après j’ai eu une pubalgie. L’équipe de France, je n’y pense plus. L’objectif aujourd’hui, c’est de continuer à prendre du plaisir en jouant au foot, parce qu’il y a des saisons où j’avais perdu un peu le plaisir, c’est aussi ce qui m’avait conduit à penser à arrêter et finalement aujourd’hui, de l’avoir retrouvé, c’est le plus important.
Si je peux aider mon équipe comme cette année, que ce soit en marquant des buts mais aussi en faisant des passes, en étant sur le terrain et en me donnant à fond, c’est aussi ce qui me fait plaisir. Et puis par exemple une participation à la Ligue des championnes, pourquoi pas !
Propos recueillis par Jérôme Flury
Photo © Napoli