Interview de l’entraîneure de Reims Amandine Miquel qui a récemment prolongé son contrat jusqu’en 2024. Elle revient sur son équipe, son parcours et les difficultés d’accéder à un banc en D1 Arkema actuellement. Amandine Miquel fait partie de la première promotion du Certificat d’entraîneur de football féminin.
Vous avez signé une prolongation de contrat à Reims, la logique prévalait ? Vous aviez envie de poursuivre dans un projet qui se structure depuis plusieurs saisons déjà ?
C’est cela, ça va faire déjà quatre saisons que je suis à Reims, l’équipe affiche une progression constante, régulière. Il y avait des discussions avec la direction, nous avons pu nous entendre pour poursuivre. C’est rare désormais de pouvoir rester sur des projets pendant quatre années.
Il y a toujours des opportunités, en France comme ailleurs, mais je n’ai pas hésité, il y a encore beaucoup de perspectives d’améliorations dans ce club. J’ai encore des choses à faire. Nous avons des joueuses qui sont là depuis plusieurs saisons, l’envie est de stabiliser un projet, de poursuivre avec ce même groupe, de sensibiliser aux valeurs du club. Il y a beaucoup de discussions, d’échanges. l’idée c’est que les joueuses puissent s’investir dans le projet global. Nous prenons en compte leurs avis.
Vous venez de l’évoquer, votre groupe est resté sensiblement le même ces dernières saisons, c’est important cette stabilité ? Et est-ce que le fait de jouer pour un ‘historique’ du championnat aide en ce sens ?
Cet aspect de l’implication des joueuses est très important pour nous. C’est un vrai critère de choix. Certaines joueuses aujourd’hui changent de club chaque saison, les mouvements s’accélèrent. Nous partons du principe qu’une joueuse qui chipote pour 100 euros de différence salariale avec un autre club, ce n’est pas pour nous. Nous voulons des filles concernées par le club.
Oui, cela se ressent d’être un club historique. Tous les ans, nous faisons une présentation aux recrues. Les anciennes, toujours très impliquées ici, viennent témoigner. Il faut que notre passé se sache. Reims, c’est de nombreux titres de champion de France.
Votre groupe est assez jeune, en quoi est-ce un avantage ?
Il faut savoir que la stratégie est de faire confiance. En D2, nous leur avons promis qu’elles seraient cadres en championnat en cas de promotion. Et nous avons tenu nos engagements. Elles sont aujourd’hui nos titulaires. Oui notre moyenne d’âge est basse. Mais au final, on peut être expérimentée à 20 ans ! Comme lorsque l’on arrive avec déjà deux saisons de D2 en titulaire dans les jambes.
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L’avantage d’avoir un groupe jeune, il est énorme. L’écoute est grande. Les marges de progression aussi. Et l’ambition personnelle est exacerbée. Elles ont un intérêt individuel à ce que l’équipe performe collectivement. Et à cet âge les objectifs individuels sont très élevés.
Vous êtes l’une des rares femmes sur les bancs de D1 Arkema. Que pensez-vous aujourd’hui de la formation des entraîneur(e)s du championnat et faut-il encourager plus de femmes à s’orienter dans cette voie ?
Aujourd’hui la filière de formation est très complexe. Les voies d’accessions sont conditionnées au succès au BEPF (Brevet Entraineur Professionnel de Football). Parfois, il n’est même pas possible de s’y inscrire, ou bien il faut avoir déjà effectué des matchs de Ligue 2 ou Ligue 1 masculine, ce qui ne m’intéresse pas.
Et puis par exemple le DES (Diplôme d’Etat Supérieur) ne permet pas d’entraîner en Angleterre. Je me suis lancée dans le Certificat d’entraîneur de football féminin, je fais partie de la première promotion, c’est une formation qui prend en compte nos besoins aussi. Il y a une partie de juridique, comptabilité, des choses que l’on peut être amené à croiser en D1 Arkema, alors qu’en Ligue 1, l’entraîneur pourrait ne s’occuper que de football. Ce sont vraiment des problématiques que l’on a au quotidien.
« Premièrement c’est une filière compliquée et coûteuse. Deuxièmement, il n’y a que douze postes en championnat ! »
Amandine Miquel, sur la formation pour devenir entraîneur en D1 Arkema
Après sur la présence des femmes… Nous sommes sept femmes sur les dix inscrits à cette formation, à terme cela devrait donc amener plus de femmes à prendre les postes, mais il faut aussi rappeler qu’il y a peu de place. La D1 aujourd’hui c’est 12 équipes seulement, et en D2 il y a 24 bancs…
Actuellement, c’est très ambitieux de se dire “je vais entraîner en D1”. J’ai eu beaucoup de chance. Mais je comprends les hésitations des femmes. Premièrement c’est une filière compliquée et coûteuse. Deuxièmement, il n’y a que douze postes en championnat ! Donc le risque de ne pas trouver de place au final existe. C’est quand même un pari. Et puis est-ce que ça se prête aux femmes qui ont un projet de vie familial ? C’est beaucoup de sacrifices…
Mais vous avez eu très tôt cette envie de devenir entraîneuse ?
Disons que j’ai un peu de regrets sur ma carrière de joueuse. J’ai vite voulu me tourner vers un rôle d’entraîneure pour rester dans le domaine. Je me souviens, quand je me suis lancée, en 2010. On m’avait clairement dit que la D1 était « inaccessible ». Et puis même après, le premier SMIC, c’est 2017. Sept ans après ! Pendant des années c’est compliqué, il faut travailler en magasin, faire des remplacements dans les écoles…
Revenons au Stade de Reims. La saison n’est pas simple et en mars vous vous apprêtez à recevoir trois fois d’affilée dont deux concurrents directs. Est-ce déjà le mois décisif pour le maintien ?
Oh non. Nous sommes détendues. Nous savions qu’on avait un calendrier difficile et que nous accuserions des défaites. Mais même après le mois de mars, il y aura largement le temps. Nous essayons de ne pas avoir de pression sinon derrière nous paniquons. La pression, ce n’est pas dans l’ambiance du club.
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Depuis le début de la saison, nous avons perdu deux éléments en défense, deux joueuses de notre quatre de départ. Ce n’est pas simple de trouver une latérale gauche. Il y a eu des adaptations de poste, il faut être plus tolérant. Alors oui, nous prendrons peut-être plus de buts que la saison dernière mais il est important de prendre les points qu’il y aura en jeu. Et on marquera sans doute aussi plus. Nous ferons le travail nécessaire l’été à venir pour se renforcer.
Quand on regarde les joueuses qui quittent le club, c’est soit pour aller dans un plus grand club, soit pour revenir dans leur pays d’origine. Ou alors c’est parce qu’elles n’ont pas de temps de jeu. Nous ne voulons pas de joueuse malheureuse.
Comment s’est passée votre immersion à l’Atlético Madrid ? (Amandine Miquel est allée une semaine à Madrid pour observer la façon de fonctionner de l’Atlético)
J’avais plusieurs opportunités, mais ce passage en Espagne s’est révélé très intéressant, que ce soit en termes d’infrastructures, de staff. Après en revanche, la section féminine est bien distinguée de l’équipe masculine, on a quand même l’impression d’un club dans un club, c’est un peu plus dommage. Mais là-bas, ils ont 1000 places autorisées pour les matchs des féminines, elles sont toutes occupées. La Fédération peut aussi s’en inspirer.
Propos recueillis par Jérôme Flury
Photo © Stade de Reims