La buteuse française d’Everton, Valérie Gauvin, décisive ces dernières semaines, est l’une des joueuses les plus régulièrement appelées en sélection par Corinne Diacre et semble s’être imposée dans son nouveau club après un passage plus que réussi à Montpellier.
Dix secondes. Valérie Gauvin a inscrit son nom dans l’histoire des Bleues en dix secondes à peine le 23 octobre 2020 face à la Macédoine du nord. Il s’agit du but le plus rapide de l’histoire de la sélection et qu’il ait été inscrit par la joueuse d’Everton est symbolique. Une semaine plus tard, elle égalise en finale de la Coupe d’Angleterre pour son club. L’attaquante, longtemps décriée, est devenue incontournable en cette saison 2020-2021, tout simplement.
Aujourd’hui âgée de 24 ans, Valérie Gauvin, originaire de La Réunion, est un talent précoce. Elle découvre la première division avec Toulouse en 2012-2013. La joueuse qui n’est pas encore majeure marquera même un but dans l’élite cette année là avant d’exploser en D2 la saison suivante : 20 matchs, 32 buts, elle est élue joueuse de la saison (sur l’ensemble des effectifs des 36 clubs qui évoluaient alors encore dans cette division à cette époque) et signe à Montpellier.
Très vite, elle fait preuve d’une belle régularité dans le club du Sud-ouest et révèle déjà des talents de remplaçante de luxe qui seront souvent payants par la suite. Lorsqu’elle entre en jeu, Valérie Gauvin est souvent décisive. Seulement voilà, elle est une pure numéro 9, avec un style bien particulier.
Un talent précoce, une numéro 9 à l’ancienne
La Réunionnaise est plutôt douée de la tête, dispose d’une bonne frappe et se montre efficace et dotée d’un bon sens du placement. En revanche, face à Delphine Cascarino, Elodie Thomis ou Viviane Asseyi, elle n’est pas reconnue pour ses qualités de vitesse. Elle présente aussi un impact physique certainement moindre qu’une Marie-Laure Delie et est moins technique que Marie-Antoinette Katoto. Pendant un moment, Valérie Gauvin subit des critiques sur son jeu, malgré sa constance et sa volonté.
Saison après saison, la jeune attaquante, épargnée par les blessures, grappille du temps de jeu dans son équipe qui fait partie des meilleures de France et gagne sa place au sein d’une attaque qui cherche encore à oublier la star Marie-Laure Delie, partie en 2013 au Paris SG dans ce qui constituait alors le premier transfert rémunéré du football féminin.
Passée par toutes les classes de jeunes en équipe de France, l’attaquante connaît sa première sélection en A le 23 octobre 2015, sous le mandat de Philippe Bergeroo. Elle joue les 19 dernières minutes d’un match compliqué qui sera perdu face aux Pays-Bas (1-2).
Une place chèrement gagnée
C’est exactement deux ans plus tard, le 23 octobre 2017, qu’elle inscrit son premier but en sélection, pour son cinquième match sous le maillot bleu. Corinne Diacre, pour son premier match en tant que sélectionneuse le 15 septembre 2017, la titularise en attaque. Et décide de lui renouveler sa confiance. Ce 23 octobre, Valérie Gauvin, par une frappe de vingt mètres, clôt le score face à un faible Ghana, 8-0. Ce soir-là pourtant, sur notre propre page, les commentaires sont acerbes : « Gauvin n’a rien à faire en EDF », « Il faut qu’elle travaille un peu plus !!! »
L’attaquante le sait, elle doit toujours faire un peu plus. En même temps, l’attaque de l’équipe de France est un secteur fortement concurrentiel et le public est, à juste titre, exigeant. Il n’empêche que la buteuse conserve la confiance de Diacre et s’impose en club. Sa saison 2016-2017 est impressionnante : titulaire seulement 7 fois avec Montpellier, elle inscrit pourtant 13 buts, entrant régulièrement en cours de partie.
Un Parcours sans faute :
2014-2015 avec Montpellier : 16 matchs, 11 buts
2015-2016 avec Montpellier : 16 matchs, 8 buts
2016-2017 avec Montpellier : 17 matchs, 13 buts
2017-2018 avec Montpellier : 27 matchs, 13 buts
2018-2019 avec Montpellier : 16 matchs, 6 buts
2019-2020 avec Montpellier : 16 matchs, 14 buts
2020-2021 avec Everton : 9 matchs, 6 buts
Les mois passent, les sélections aussi mais les critiques ne faiblissent pas. 7 mars 2018, but contre l’Allemagne, un adversaire autre que le Ghana, dans le tournoi amical de la She Believes Cup : « Gauvin vraiment pas le niveau », commente encore un de nos fans.
D’autres supporters se montrent moins durs dans leur jugement : « Je suis vraiment contente pour Valérie Gauvin: il y a énormément d’exigences à ce poste et c’est très difficile d’être au niveau tout le temps.. elle est exposée à beaucoup de critiques » mais complètent quand même leur avis : « Mais bon, pour la coupe du monde: Katoto/Delie ». C’est une réalité, son jeu est sans doute moins spectaculaire que les deux autres attaquantes, mais il est pourtant tout aussi clinique.
Avant-centre numéro 1 chez les Bleues
Ce qui est certain, c’est que l’attaquante ne perd pas la confiance de Corinne Diacre, qui rencontre des difficultés avec plusieurs cadres de la sélection. Les mois passent et l’objectif Coupe du monde semble se préciser pour la jeune attaquante qui accumule les sélections.
Valérie Gauvin est une travailleuse, une modeste, qui cherche toujours à s’améliorer. Subissant parfois des critiques sur ses qualités techniques ou son déchet, elle n’a cependant jamais fait parler d’elle pour son comportement, bien au contraire. Le 4 mars 2019, après un doublé face à l’Uruguay, elle lâche immédiatement après le match : « Je sais que je dois encore progresser. Je dois travailler pour confirmer que je peux avoir ma place pour le Mondial ».
Joueuses les plus appelées par Diacre chez les Bleues :
1. Marion Torrent (35)
2. Eugénie Le Sommer (33)
3. Viviane Asseyi (33)
4. Valérie Gauvin (32)
Tandis que cette année là, chez les Bleues, Corinne Diacre s’agace sur le rendement de la pépite Marie-Antoinette Katoto. La Parisienne ne présente pas le même profil que Gauvin, souvent décisive sur les centres de ses partenaires, mais elle est cependant sa concurrente directe dans l’axe de l’attaque d’une équipe régulièrement alignée en 4-3-3. Valérie Gauvin n’est pas une joueuse de couloir, elle ne centre pas et effectue peu de passes décisives : c’est une véritable finisseuse, celle qui doit conclure les actions… comme la jeune parisienne.
À l’issue des deux matchs de préparation de fin février- début mars 2019, nous n’hésitons pas à partager nos doutes dans ces colonnes à propos de sa participation à la Coupe du monde : « Malgré son doublé contre l’Uruguay, Valérie Gauvin n’a pas encore tout prouvé, la faute à de nombreux ratés ».
Elle montrera alors aux supporters qu’elle mérite sa place, continuant à marquer. Présente dans la surface et précieuse dans la conservation du ballon face au Japon, elle se montre ensuite décisive contre le Danemark. Le 31 mai 2019 face à la Chine elle est encore là pour inscrire son nom sur la feuille de score et assurer sa place. « Valérie Gauvin est définitivement installée au poste de numéro 9. Elle a de nouveau tenté plusieurs têtes et a surtout pesé sur la défense adverse. Sa présence dans la surface a été donc été signée par un but. Elle n’a joué qu’une heure mais a encore marqué des points et servira vraiment de point d’appui à l’attaque française. »
La buteuse fête son 23e anniversaire le lendemain. Numéro 1 de l’attaque de l’équipe de France pour le mondial à la maison, pour lequel Marie-Antoinette Katoto n’a finalement pas été appelée, Valérie Gauvin ouvre la marque lors du second match contre la Norvège et en huitièmes de finale face au Brésil. Sur sa lancée, elle réalise une saison très solide avec Montpellier (0.88 buts par match en moyenne) et termine dans le top 10 des buteuses de D1 Arkema.
Nouveau statut et départ en Angleterre
En confiance, Valérie Gauvin continue de s’illustrer à la fois en club comme en sélection, comme le 10 mars 2020 avec un but en renarde des surfaces contre les Pays-Bas champions d’Europe en titre. Après sa belle saison 2019-2020, l’attaquante souhaite relever un nouveau challenge. Elle quitte Montpellier, où elle aura passé six saisons, et part en Angleterre.
Everton, son nouveau club, annonce alors l’arrivée de sa nouvelle joueuse en indiquant que ce mouvement est l’illustration de leur « nouvelle ambition ». Valérie Gauvin rejoint sa partenaire en sélection Maéva Clémaron.
Recrutée le 6 août par Everton, elle marque pour son premier match de championnat un mois plus tard, étant pourtant remplaçante au coup d’envoi. Elle ne débute pas la nouvelle saison avec une place de titulaire mais va vite gagner le coeur des supporters. Lors de son 3e match, elle sort du banc et inscrit le but de la qualification pour les demi-finales de la Coupe d’Angleterre face à Chelsea, favori au coup d’envoi.
« Elle peut réussir dans tout ce qu’elle entreprend »
Willie Kirk, entraîneuse d’Everton.
Elle récidive trois jours plus tard, le 30 septembre : encore remplaçante pour la demi-finale contre Birmingham, elle rentre et marque, 3-0. Plus régulièrement titulaire en championnat, elle marque contre Aston Villa le 3 octobre puis contre Brighton le 18. Au total, en 8 bouts de matchs, elle plante 5 fois.
« C’est une joueuse de classe mondiale et elle n’est même pas encore à 100% », commente son entraîneuse Willie Kirk pour la BBC. L’histoire entre le club anglais, qui désirait vraiment l’attaquante, et la joueuse française semble connaître un très joli premier chapitre. Au-delà des qualités sur le terrain présentées par Valérie Gauvin, c’est aussi son attitude en dehors des pelouses qui est soulignée par le staff. « Elle peut devenir la meilleure buteuse du championnat à l’avenir. Elle peut aussi devenir championne du monde avec la France dans le futur. C’est une joueuse de grande classe et une fille très humble. »
Désormais, les critiques à propos de l’attaquante réunionnaise sont bien plus positives sur les réseaux et malgré une concurrence féroce en équipe de France (sept attaquantes appelées lors du dernier rassemblement), Valérie Gauvin semble bien avoir su faire fructifier ses qualités. Frappe lourde ou tête rageuse comme en finale de la FA Cup le 1er novembre, avec elle, le danger est constant sur le but adverse.
Jérôme Flury
Photo © Anne-Sophie Lecouflet