« Les joueuses vont en équipe de France la boule au ventre! » a estimé vendredi 16 octobre Reynald Pedros, ancien entraîneur de l’Olympique Lyonnais. Pourtant, cela fait des années que cette sélection française apportait un énorme vent de fraîcheur dans le domaine du football. Que s’est-il passé ? Pourquoi Corinne Diacre se retrouve-t-elle aujourd’hui au coeur d’un tourbillon de réactions ?
9 avril 2019 : Au revoir Hamraoui
Kheira Hamraoui est étincelante avec Barcelone depuis des mois. Elle affiche un niveau de jeu très élevé, est même régulièrement sauveuse de son équipe, comme en quart de finale de Ligue des championnes. Le milieu de terrain de l’équipe de France n’était en plus pas très garni lors des derniers appels. Mais las, depuis avril 2019, plus de Kheira Hamraoui en sélection. « C’est difficile pour Kheira parce qu’elle arrive dans un groupe qui fonctionne bien. En voulant faire bien, parfois, on passe à côté, on ne fait pas les choses qu’il faut. » Au cours de cette coupure internationale, la numéro 10 du Barca avait eu droit à 8 minutes en deux matchs. Certainement assez pour montrer tout son talent aux yeux de Corinne Diacre.
2 mai 2019 : Katoto, c’est non
Les relations entre Marie-Antoinette Katoto et Corinne Diacre, qui semblent aujourd’hui apaisées, étaient très fraiches à l’origine. La sélectionneuse n’hésitant pas à secouer sa prometteuse attaquante, lui demandant sans cesse d’en faire plus. Avant de faire tomber une sentence qui aurait pu être un coup dur à la carrière naissante de la star parisienne : la buteuse n’est pas appelée pour le Mondial 2019 en France. Si cet épisode n’est pas un clash comparable avec les suivants, So Foot n’hésite pas à ce moment là de souligner que « l’équipe de France féminine a connu (…) sa première polémique ». Tout sauf encourageant.
4 décembre 2019 : Orage avec Renard
Le 4 décembre, Wendie Renard sort son autobiographie, Mon étoile, dans laquelle elle revient sur les difficultés de communication avec sa sélectionneuse. Dès le départ, elle perd le brassard. « Je tombe des nues, sonnée. Quatre ans de capitanat balayée en moins de cinq minutes. » Pendant le mondial, les deux femmes ne se parlent plus. « Nous, nous sommes vues effectivement et nous avons eu une franche discussion. On s’est dit les choses, tout ce que nous avions à nous dire. Maintenant, on tourne cette page et on regarde vers l’avant », affirmera la principale intéressée le 19 janvier 2020. Mais les nuages ne sont pas loin.
26 février 2020 : Thiney écartée
Le 15 février dans une interview pour l’AFP, la star du milieu de terrain des Bleues revient sur l’échec au mondial. « Il faut surtout moderniser l’approche, être plus visionnaire et encore plus impliqué dans la haute performance qui repose sur trois piliers: manager les personnalités, développer le leadership et se rendre compte que les joueuses sont dépositaires d’un savoir primordial pour la performance. » Corinne Diacre répondait rapidement dans l’Equipe : « Ses propos lui appartiennent. Je trouve cela dommage et regrettable qu’elle agisse comme ça. Mais c’est son droit. » Résultat ? La meneuse de jeu de 34 ans, qui affiche 163 sélections, n’est pas appelée pour le Tournoi de France. Et ne le sera plus.
7 juillet 2019 : Le tour de Le Sommer
Encore un drôle d’épisode. Eugénie Le Sommer est la star de l’équipe, première buteuse de la coupe du monde 2019, elle court après le record de buts en sélection et subitement, au sortir de la Coupe du monde, elle reçoit une attaque de Corinne Diacre, dans les médias, qui fustige son positionnement sur le terrain. Une façon de de faire qui a fortement déplu… à Jean-Michel Aulas, président de l’Olympique Lyonnais qui estime alors que Diacre est « sortie du cadre institutionnel et professionnel », commettant une « maladresse« . L’entraineur lyonnais Reynald Pedros y ira aussi de son commentaire, soulignant que Le Sommer est très efficace en club dans l’axe. La joueuse s’avouera pour sa part surprise d’entendre ce reproche de cette manière. « Je pense que je serais tombée de mon canapé si j’étais en train de regarder en direct. » Mais il est vrai qu’il est certainement moins facile de dire les choses en face.
21 septembre 2020 : Bouhaddi raccroche
Renard, Thiney, Le Sommer…Bouhaddi. À regarder la liste des joueuses en conflit avec Corinne Diacre, il apparait que, certes, les profils sont variés mais que les colosses et cadres de l’équipe ne sont pas épargnées. Et Sarah Bouhaddi, titulaire indiscutable aux cages depuis 15 ans, qui a connu Elisabeth Loisel, Bruno Bini, Philippe Bergeroo, Olivier Echouafni, n’aura pas pu rester. Elle affirme « prendre une pause » avec la sélection. L’Equipe ajoute qu’elle conditionnerait un retour à un départ de Diacre. Les tweets sans équivoque de Sarah Bouhaddi, glissant un « tu me manques » accompagné des couleurs tricolores et des mots clés « #monchoix #fierté #plaisir » sous une photo d’elle en maillot de l’équipe de France font clairement réfléchir… Un choix que Corinne Diacre a indiqué « ne pas accepter ».
14 octobre 2020 : Amandine Henry écartée
Il fallait l’oser. Vraiment. Après avoir eu des problèmes récents avec la défenseure clé, l’attaquante star et avoir dû faire face à la décision de départ de sa gardienne, il fallait oser appeler sa capitaine pour lui expliquer qu’elle ferait mieux de se reposer un peu pour revenir à son meilleur niveau après sa blessure. « J’ai pris cette décision qui n’était pas facile à prendre », a expliqué Diacre, parlant de choix sportif. Les commentaires n’ont pas tardé, dont celui d’Olivier Blanc, dirigeant de l’équipe féminine de l’OL. « C’est une totale surprise. Nous sommes tous très étonnés et très déçus pour Amandine qui est une joueuse cadre de l’OL et de l’équipe de France. »
Wendie Renard a également immédiatement réagi sur Canal+ : « Il faut ramener un peu plus de sérénité, d’atmosphère un peu plus sereine et surtout d’énergie positive pour pouvoir se trouver complètement sur le terrain. Il est important d’être serein et d’avoir la confiance pour s’exprimer. (…) C’est comme dans une entreprise, quand on sait que l’on a des désaccords avec le patron, on n’est pas sereins. Il faut ramener de la sérénité, que tout le monde soit clair. On ne peut pas continuer comme ça, on se fait du mal entre nous. » Sur le plan sportif, Amandine Henry a… ouvert le score ce 16 octobre en match de championnat avec Lyon, célébrant son but en se bouchant les oreilles.
Qui sera la prochaine ?
S’il semble normal qu’une sélectionneuse puisse faire des choix et les assumer, une telle situation semble absolument sans précédent dans l’histoire de cette équipe et aller à contre-sens du plaisir affiché ces dernières saisons. Ces non-dits, ces tensions, ces propos rapportés inquiètent sur l’avenir des Bleues. L’apparente « prolongation secrète » de la sélectionneuse qui est un véritable coup de massue pour certaines joueuses est dans le même style.
Corinne Diacre a affirmé son style, mis à part un mondial frustrant, les Bleues restent redoutables sur la pelouse et oui, elle n’est elle même pas épargnée par la critique, même par des adversaires comme Megan Rapinoe. Sa position est tout sauf simple et elle semble assumer ses choix. « Pour celles qui suivent la ligne directrice de Corinne, tout ira bien. Celles qui ne veulent pas, n’ont qu’à quitter le navire », a clamé l’agent de la sélectionneuse Jean-Pierre Bernès dans L’Equipe.
La sélectionneuse avait assuré au moment de sa « réconciliation » avec Renard : « Personne n’est parfait. J’apprends tous les jours et je progresse, au moins j’espère. Je pense être quelqu’un d’assez humain. » Jusqu’où s’étend le bénéfice du doute ?
Jérôme Flury