Première joueuse française à décrocher un véritable statut d’icône et toujours meilleure buteuse historique de l’équipe de France, Marinette Pichon a ouvert la voie pour toute une génération.
Le football, c’est toute sa vie. Et elle, c’est l’image même du football féminin français. Marinette Pichon, qui détient encore en 2020 le record historique de but marqué sous le maillot frappé du coq est une véritable pionnière. Mais avant de devenir la première star de la discipline en France, Marinette a vécu une enfance difficile. Son père est violent, il sera plus tard condamné pour agression sexuelle sur la grand mère de Marinette. La future attaquante a seulement 5 ans lorsqu’elle commence le football, une délivrance pour elle.
Sur le terrain, je ne pensais pas à sa violence
-Marinette Pichon, à propos de son père
Elle n’arrêtera plus le sport, soutenue notamment par sa mère. Comme la plupart des joueuses, elle débute avec les garçons. Et tente de passer outre les remarques de son père, qu’elle révèle bien plus tard dans les colonnes de l’Equipe : « Je me rappelle quand je rentrais de mes matchs, que j’avais marqué quatre ou cinq buts et que mon abruti de père me disait: « Ça ne fait pas de toi quelqu’un de bien.«
« Sur le terrain, je ne pensais pas à sa violence, à sa haine, à sa façon de me réduire à moins que rien« , détaille l’ancienne buteuse pour Le Monde. La joueuse prend alors sa première licence de football à l’AS Brienne. C’est dix ans après, âgée de 15 ans, qu’elle rejoint le club Saint-Memmie Olympique. Très vite, ses performances la distinguent et l’attaquante est appelée en équipe de France.
Son aventure en bleue débute le 22 mars 1994, par une victoire 3-0 sur la Belgique. Elle a 19 ans. 112 matchs, et surtout 81 réalisations plus tard, Marinette Pichon vit sa dernière sélection le 30 septembre 2006 face à l’Angleterre d’Aluko.
Entre temps, la Française a réalisé une carrière exemplaire, devenant la première bleue à s’imposer dans le championnat américain. C’est en 2002, après être devenue meilleure joueuse de la D1 qu’elle tente l’aventure une première fois au sein de la Women’s United Soccer Association (WUSA). Elle en est également nommée meilleure joueuse du championnat à l’issue de sa première saison avec Philadelphia Chargers. La ligue américaine doit cependant cesser son activité pour manque de fonds et Marinette Pichon revient alors à Saint-Memmie Olympique.
Une joueuse « célèbre »
En septembre 2003, France 2 effectue un reportage sur son parcours alors que les Françaises disputent pour la première fois une coupe du monde de football. La buteuse, rapide, précise et très réaliste face aux cages, retourne aux Etats-Unis pour la saison 2004.
Elle découvre là-bas le très haut niveau et un « public intergénérationnel », comme elle l’a récemment expliqué à la radio canadienne 98.5 : « Voir des femmes, des grand-mères, des grands-pères et des parents partager ce moment avant, pendant et après le match, c’est formidable ! Et le management avait une attitude conséquente et complètement différente de celle que l’on retrouve en France. »
En 2004, elle est notamment sélectionnée dans une équipe de la FIFA féminine face à l’Allemagne. Marinette Pichon retourne ensuite en France, où elle fera le bonheur de Juvisy. Elle termine meilleure buteuse de D1 en 2005 avec 38 réalisations et en 2006 avec 36 ! Elle termine sa carrière en 2007, au sein de ce club où ses statistiques sont insolentes : 68 matchs, 103 buts.
Son palmarès est finalement peu illustratif de l’importance qu’a eu la joueuse dans l’histoire du foot féminin : seul un titre de championne de France pour son avant dernière saison, en 2006, et une Coupe nationale, qui s’appelait alors Challenge de France, en 2005. Mais des buts en pagaille et notamment 81 pour l’équipe de France, un record qui tient toujours… Même si Marinette Pichon se réjouit aujourd’hui qu’Eugénie Le Sommer le batte prochainement, comme le montre une vidéo de L’Equipe.
Véritable icône, Marinette Pichon a obtenu en 2018 le « Out d’or de la personnalité sportive », décerné par l’Association des Journalistes LGBT, pour avoir été l’une des premières sportives françaises de haut niveau à avoir fait son coming out, qu’elle évoque dans Ne jamais rien lâcher, son autobiographie.
Un nouveau challenge
L’ancienne attaquante star s’est tournée vers le rôle de consultante après sa carrière sur les terrains, et ce sur diverses chaînes. Le foot toujours dans les gênes. Et plus que jamais puisqu’à la fin de l’été dernier, elle a décidé de candidater pour devenir la coach d’une équipe canadienne.
Elle s’est confiée à la radio 98.5 de Montréal : « Pour venir ici, j’ai tout quitté en France. Les médias, mon travail, mes amis, ma famille. Tout ça pour tenter une nouvelle aventure, pour me sentir déracinée. […] J’en ai parlé avec ma femme et on s’est dit que si on était pour se déraciner, autant vivre une aventure unique, à la fois sur le plan humain et professionnel. »
Et les défis sont encore là pour la femme de 44 ans, épanouie sur le plan familial : « En plus d’entraîner les girls élites du Sport-études, on va mettre en place des camps Marinette Pichon à travers le Lac St-Louis pour offrir et accompagner le développement notamment des attaquantes ». Va-t-elle dénicher la prochaine Christine Sinclair ?
Jérôme Flury
Photo de Une : ©FIFA.com