Si l’on veut construire, partout, une société de la connaissance et de la reconnaissance, le sport peut et doit être davantage mobilisé comme levier à la fois d’un combat collectif contre les structures sociales patriarcales et d’un empowerment individuel des filles et des femmes.
« Un accélérateur de changement social ? »
Partout sur la planète, le sport reste, dès le plus jeune âge, un lieu et un instrument de construction sociale et politique d’une masculinité et d’une féminité stéréotypées, et des rôles sociaux qui les accompagnent. Dans les pays occidentaux, filles et garçons ne sont encouragé.e.s ni à plébisciter les même disciplines sportives, ni à pratiquer le sport de la même manière. C’est pourquoi il est important de documenter ces inégalités grâce aux recherches, en sciences humaines et sociales notamment, pour fournir des outils d’aide à la décision publique et privée. En France, l’École est mobilisée en faveur de la mixité et de l’égalité filles-garçons. La formation des professionnel.le.s de la petite enfance et des institutions sportives, ainsi que la sensibilisation des familles comme des personnels sociaux et de santé sont, en revanche, en retard. Les discours et iconographies médiatiques et marketing doivent eux aussi évoluer dans un sens favorable à l’égalité entre les femmes et les hommes dans le sport.
Dans de nombreuses régions du monde, par ailleurs, la pratique sportive n’est toujours pas accessible aux filles, par la loi mais surtout du fait de traditions : être visible, mettre en mouvement son corps, hors du foyer, dans l’espace public n’est pas admis. Il leur est même souvent interdit d’être spectatrice d’un spectacle sportif.
Or, non seulement le sport est reconnu comme un droit fondamental (UNESCO, UE, ONU, etc.), mais il est de plus en plus envisagé par les organisations internationales, sportives et non sportives, comme un outil de développement à destination des filles et des femmes. Dans son programme de développement durable à l’horizon 2030 qui se donne comme cinquième objectif de « parvenir à l’égalité des sexes et autonomiser toutes les femmes et les filles », l’ONU mentionne le sport comme un moyen de l’atteindre.
Des initiatives destinées à donner aux petites filles, aux adolescentes et aux femmes un accès au sport, mais aussi à miser sur ce dernier pour leur permettre de prendre toute leur place dans la société se multiplient. Qu’il s’agisse de retrouver, par et dans son corps, confiance en soi ; de reconstruire son identité après un mariage forcé ou un viol ; d’améliorer sa santé ; de sortir de la pauvreté ; de trouver du travail ou de reprendre ses études ; de s’engager au service des autres… le sport est un langage universel, inspirant, capable de transcender les frontières, les cultures, les croyances, les différences physiques.
La Coupe du monde de football 2019 doit, en ce sens, être un accélérateur de changement social pour toutes les nations et populations. Le legs qu’elle entend laisser en matière d’égalité filles-garçons et d’émancipation des filles et des femmes devra faire l’objet d’un suivi et être mesuré sur le temps long.
Marie-Cécile Naves, Directrice des études, Think tank Sport et Citoyenneté, publié en juin 2019.