William Monthezin, président du club de la VGA Saint-Maur, a accepté de répondre à nos questions à la veille d’une décision très importante (jeudi 22 avril) quant à une éventuelle reprise de la D2 féminine. William Monthezin fustige le manque de communication des instances dirigeantes et regrette l’absence total d’intérêt dont souffre le football féminin en France. Pour lui, et quelle que soit la décision prise ce jeudi, la saison de son club est déjà morte.
Une nouvelle réunion se tiendra jeudi 22 avril pour trancher sur une éventuelle reprise de la D2, avez-vous des informations en tant que président de club ?
Nous n’avons aucune annonce concrète. Pas mal d’infos circulent dans les médias, des bruits de couloir qu’on avait aussi entendus entre présidents. Un comité exécutif se tient ce jeudi, une décision sera prise, il y a des obligations de descendre sur la D1 donc cela augure des obligations de montées en D2.
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C’est dommage qu’il n’y ait pas eu d’intérêt net depuis le début pour notre championnat. On s’est beaucoup battu, depuis le deuxième confinement, on avait donné toute notre énergie. Déjà pour obtenir une reprise, puis pour être prêt pour cette reprise. Nous étions contents de l’obtenir, les protocoles étaient clairs, nous étions prêts à les faire respecter.
Le revirement deux semaines plus tard a été plus dur (Le ministère des Sports avait annoncé l’arrêt de tous les championnats amateurs deux semaines après l’autorisation d’une reprise de la D2 féminine prévue le 18 avril ndlr). Là pour nous, c’est terminé cette saison. Nous sommes déjà dans la préparation de la saison prochaine. Cette annulation a été terrible pour tout le monde. Pour moi en tant que président, pour le staff, les joueuses.
Vous avez pu continuer les entraînements avec la VGA Saint-Maur ?
Oui, nous avons pu continuer à nous entraîner ces dernières semaines. C’est une chance mais on ne pourra jamais rattraper le retard qu’on a pris par rapport à d’autres clubs qui ne se sont jamais arrêtés (c’est le cas des écuries ayant le statut professionnel comme le FC Nantes ndlr).
« On a accumulé du retard qui n’est pas rattrapable. »
La situation a été difficile à gérer entre le confinement et les couvre-feux. Nous devions également faire des entraînements sans contact. On a accumulé du retard, ce qui n’est pas rattrapable. Il y avait déjà une certaine différence entre les clubs avec un mois et demi pour se préparer avant la reprise. Les écarts de niveaux et de moyens vont être encore plus flagrants si on nous enlève cette possibilité de travailler.
Comment jugez-vous le revirement de la Fédération et la situation d’attente dans laquelle vous vous trouvez avec les autres clubs de D2 ?
Il y a eu une petite période de creux. On était tous dans le brouillard. C’est plus facile de motiver les troupes quand on sait où on va. Le staff avait réussi à mobiliser les troupes. On y croyait vraiment à cette reprise. On était convaincu, on a réussi à embarquer nos joueuses dans cette croyance, dans cette projection. Si je gérais mon staff comme la FFF nous gère, je crois que mon poste de président aurait sauté depuis longtemps.
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Avec le collectif des 14, nous n’avons pas arrêté de demander, demander, demander. Nous n’avons jamais obtenu de réponse. Ce manque de communication est difficile. Même s’il n’y a pas de réponse claire, au moins on s’explique. On essaie de s’entraider. Il faut être à l’écoute des autres justement, c’est ça qui fait avancer les choses.
Comment expliquez-vous la différence de traitement entre le foot masculin et le foot féminin ?
La Fédé de handball s’est battue pour que la D2 féminine puisse reprendre. Nous, nous avons échoué. Il y a un problème. C’est encore plus incroyable quand on sait que notre sport se pratique en extérieur. Les personnes sont testées, tout est encadré… Et puis une question d’égalité se pose : trois niveaux masculins continuent de jouer en France, et pas la D2 féminine ? Il faut équilibrer les choses.
« On ne reprend pas la Coupe de France féminine parce que cela va coûter plus que ça ne peut rapporter. »
Les protocoles mis en place pour la Coupe de France masculine ont été très bien respectés. Ces protocoles ont fonctionné avec les hommes, pourquoi pas avec le football féminin ? Ce n’est pas normal que la Coupe de France féminine n’ait jamais repris.
Certains parlent d’un niveau « semi-professionnel » chez les clubs masculins encore engagés pour justifier cette différence de traitement. Mais des équipes masculines ayant le statut amateur ont joué en Coupe. En réalité, on ne reprend pas la coupe de France féminine parce que ça va coûter plus que ça va rapporter.
Pensez-vous que les éventuels gains en terme d’audience ou de popularité du football féminin, sans parler d’éventuelles retombées financières, ne profitent pas à cet échelon du football national ?
Personnellement, j’ai l’impression qu’il n’y a pas de réel projet du football féminin en France. Nous voyons comment les autres pays européens gagnent du terrain, et sont en train de nous rattraper.
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En Espagne, ils ont investi dix millions d’euros cette saison. En Angleterre ça investit beaucoup également. Et leur D2 joue. Nous, nous voulions jouer, avec les conséquences sportives que ça peut avoir. Même un club comme nous, qui n’est pas armé pour une montée et qui doit se battre pour rester en D2, voulait disputer cette saison. On était là pour tenter notre chance au maximum.
La Fédération et la Ligue ont lancé début juin un plan d’aide de 30 millions d’euros pour les clubs amateurs. Six millions devaient être alloués pour le football féminin. Quelle somme avez-vous finalement perçue ?
Les six millions de la LFP ont finalement été consacrés aux clubs professionnels en D1 Arkema et c’est totalement injuste. C’est simple, c’est à nous de nous débrouiller tout seul. Un club comme la VGA Saint-Maur n’a que les aides des collectivités. Il n’y a pas de projection, pas d’accompagnement de la Fédération. Tout ce que nous avons, ce sont les remboursements kilométriques, 4 euros le kilomètre.
« Il a fallu se battre très dur pour obtenir une enveloppe, avec le collectif des 14, mais malheureusement on n’a jamais rien touché. »
Nous sommes encore dans un championnat dit amateur, même si ce n’est plus tout à fait le cas en réalité. Nous aussi, nous tendons à nous professionnaliser. C’est inadmissible de marquer une telle différence. Il a fallu se battre très dur pour obtenir une enveloppe, avec le collectif des 14, mais malheureusement on n’a jamais rien touché. On a peut-être eu 5 000 euros de la part de la FFF. Dans ce projet de reprise, on avait envie de prendre ce train de la professionnalisation.
Vous parliez de la saison prochaine, de manière générale, comment voyez-vous les saisons à venir ?
Les choses ont bougé à la FFF. Si je ne me trompe pas, c’est Jean-Michel Aulas qui reprend le dossier du foot féminin. Je suis, et c’est le cas du club aussi, de nature optimiste. Nous devons absolument avoir un plan B si notre championnat ne reprend pas normalement.
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Ce n’est pas simplement une question de football, c’est la vie quotidienne qui est en jeu. Avec les variants du virus, on ne sait pas encore comment vont se passer les choses. Il faut donc anticiper. On s’est adapté à chaque fois. On s’adaptera de nouveau.
Propos recueillis par Jérôme Flury
Photo © VGA Saint-Maur